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L’éthique, colonne vertébrale des avocats et des juristes d’entreprise

Par Thomas Baudesson, associé, cabinet Clifford Chance

Les avocats d’affaires ne s’en rendent pas toujours compte mais ils ne sont pas des prestataires de service comme les autres. Ils se distinguent des autres prestataires de service avec lesquels ils interagissent (experts comptables, banquiers d’affaires) en ce qu’ils concourent à l’État de droit en aidant les citoyens (les individus comme les entreprises) à comprendre et respecter la loi. C’est tout l’enjeu de la compliance. Parce que les avocats ont ce rôle social essentiel, leurs clients doivent pouvoir se confier à eux en ayant la certitude que les confidences qu’ils leur font demeureront inviolées. C’est pour cette raison que le secret professionnel du conseil doit être fort. Plus fort que pour d’autres prestataires de services qui ne remplissent pas ce rôle essentiel au cœur de l’État de droit.

Les juristes d’entreprise jouent exactement le même rôle que les avocats mais au sein de leurs entreprises. Pourtant, on les empêche de s’inscrire à un barreau en France même s’ils ont été avocats avant d’exercer leur art en entreprise. En revanche, s’ils sont inscrits à un barreau à l’étranger (ce qui est le cas de nombreux juristes d’entreprise étrangers en France ou d’avocats français titulaires d’un double barreau), ils pourront demeurer inscrits dans ce barreau, et donc être de fait des «avocats en entreprise». Une discrimination inexplicable.

Les avocats d’affaires connaissent bien cette situation et ont cessé de considérer les juristes d’entreprise comme des concurrents. Ils sont favorables à l’avocat en entreprise et ils ont bien raison, car dans les pays dans lesquels les juristes d’entreprises sont avocats :

la place du droit dans la société est importante;

les meilleurs élèves font du droit;

le secret professionnel du conseil est respecté, et les avocats se portent bien.

Mais dans ces pays, les standards éthiques sont aussi moins flous qu’en France.

Ainsi, alors que certains codes d’éthique étrangers sont très précis sur ce qu’un avocat peut dire ou ne pas dire à un juge lorsqu’il présente une requête non contradictoire, le Règlement Intérieur National (RIN) est totalement muet sur les relations avocats-magistrats. Seule une disposition du code de déontologie européen prévoit qu’un avocat ne doit pas sciemment induire un tribunal en erreur ; une disposition que certains responsables ordinaux jugeaient, il n’y a pas si longtemps encore, comme contraire à la «tradition française», ou qui n’aurait eu vocation à s’appliquer qu’à l’étranger (comme si l’avocat français devait mieux se comporter à l’étranger que chez lui …).

Il faut bien admettre que les avocats français sont parfois très tolérants en matière d’éthique, comme en atteste la rédaction de l’article 7.2 du RIN qui prévoit qu’un avocat doit refuser «de participer à la rédaction d’un acte ou d’une convention manifestement illicite ou
frauduleuse
» ; comme si la participation à la rédaction d’un acte «simplement illicite ou frauduleux» était acceptable …

L’éthique est la colonne vertébrale des avocats et des juristes d’entreprise.

Si les avocats veulent un secret professionnel du conseil fort et les juristes d’entreprise une protection de leurs avis, ils doivent démontrer qu’ils ont une éthique claire, sans concession et que le non-respect des règles sera sanctionné.

Aujourd’hui, la profession d’avocat souffre d’un déficit de crédibilité. Ce déficit a été clairement identifié dans un rapport conjoint de l’IHEJ et du CREPA (Rapport de l’Institut des Hautes Études de la Justice – Oct. 2017), comme le premier des «4 Défis de l’avocat français du XXIème siècle». T