Les institutions financières bientôt au cœur de la tempête du contentieux climatique ?
Il y a dix ans, la Société Financière Internationale (IFC) a publié un rapport déclarant que « le changement climatique va avoir un impact économique considérable… les institutions financières ont la possibilité et la responsabilité de jouer un rôle de premier plan dans l’atténuation et l’adaptation du changement climatique »1.
Dans cette droite lignée, en 2021, un nombre important de changements réglementaires vont être mis en œuvre, dont le programme Finance ClimAct et le lancement de la Plateforme de la Transparence Climatique, « outil de centralisation des exercices de reporting climat et de référencement des meilleures pratiques, couvrant toutes les institutions financières (les investisseurs institutionnels, les gestionnaires d’actifs et les banques) sujettes à des obligations réglementaires et rendant ces informations accessibles au plus grand nombre, d’une manière centralisée » (Site Internet du Finance ClimAct). Le reporting se fera tout d’abord sur la base du volontariat puis deviendra obligatoire.
Ce lancement intervient dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe et du Plan cible en matière de climat à l’horizon 2030 ainsi que de la promesse faite par la Commission Européenne de réviser d’ici à juin 2021 « tous les instruments d’action concernés afin de parvenir aux réductions supplémentaires des émissions ».
Dans ce cadre, il est demandé aux institutions financières de se concentrer sur les « investissements verts » et de soutenir le développement de projets durables plutôt que des projets qui peuvent engendrer de la pollution. Dans cette optique, les institutions financières doivent se familiariser avec l’objectif de « finance durable » de la Commission Européenne. Cette connaissance et cette conformité avec les nouvelles réglementations à venir seront essentielles afin d’éviter ce qui accompagne souvent les nouvelles réglementations : de nouveaux contentieux.
Des déclarations faites par les institutions financières sur leurs sites Internet par exemple pourront être le fondement de futures actions, notamment pour tromperie ou publicité mensongère. Les institutions financières peuvent aussi devenir la cible d’allégations de manquements au devoir de vigilance qui est devenu en 2020 le fondement juridique principal d’actions climatiques détournées.
On peut craindre que le secteur financier soit également impliqué dans des actions à l›encontre de sociétés clientes sur le fondement qu’il participe, par ses investissements, au risque qu’une partie de la population développe une maladie liée à l’eau, à l’air, à la pollution du sol (éco-anxiété) ou deviennent la cible de taxes ou demandes spécifiques des États.
En 2019 et 2020, l’État français a été condamné à la fois par la Cour de justice de l’Union européenne et par le Conseil d’État sur le fondement de la pollution de l’air. En conséquence, il a annoncé que des mesures seront mises en œuvre pour réduire une telle pollution, des mesures qui devraient avoir des conséquences pour les industries participant à cette pollution. Même si des discussions vont être engagées sur le lien de causalité, on peut imaginer que les banques ayant soutenu les sociétés qui seront la cible de ces actions seront également visées.
En d’autres résumé, les acteurs du secteur financier devraient reconnaître et saisir tous les aspects positifs de l’économie verte et les opportunités qu’elle apporte, sans oublier que de tels investissements serviront de preuves qu’ils auraient pu le faire plus tôt et qu’ils ont la capacité de choisir les projets dans lesquels ils souhaitent investir. En effet, les ONG surveillent tout ceci de près. L’ONG Notre Affaire à Tous a par exemple publié un rapport analysant 25 sociétés, dont quatre banques majeures et un assureur, déclarant que ces derniers doivent revoir leurs initiatives qui ne permettraient pas en l’état de respecter les objectifs des autorités avant 2100.