Les crypto-monnaies et procédures collectives : comment traiter des actifs volatils ?
Nés au début des années 2010, les crypto-actifs1 ont progressivement pris pied dans l’économie réelle française au travers de services permettant leur achat ou vente contre des monnaies légales, leur conservation, ou encore comme instrument de financement dans le cadre d’Initial Coin Offerings.
Face à l’essor de ces crypto-actifs, les régulateurs et législateurs sont aujourd’hui appelés à mettre en place un cadre réglementaire adapté à l’échelle mondiale. Le droit français s’est d’ailleurs voulu pionnier en la matière2, sans pour autant envisager, pour le moment, les questions relatives à la qualification juridique des crypto-monnaies et leur traitement dans le cadre des procédures collectives françaises.
Quelle qualification juridique ?
Les crypto-monnaies sont des réserves de valeur pouvant être converties immédiatement en euros à la suite de revente sur des plateformes dédiées, de sorte qu’elles devraient être prises en compte dans l’évaluation de l’actif disponible d’une société en difficulté. Ces actifs pourront donc faire échapper temporairement une société à la cessation des paiements ou, à l’inverse, l’y conduire brutalement dans l’hypothèse d’une importante fluctuation de valorisation. Les autorités de régulation européennes s’accordent aujourd’hui à dire que les crypto-monnaies ne sont pas des monnaies officielles ayant cours légal, de façon à ce que l’on puisse considérer qu’elles ne peuvent fonder une déclaration de créance. Ces actifs pourraient donc être assimilés à des biens meubles incorporels pouvant constituer l’assiette d’une sûreté réelle. Cependant, la complexité et la très forte volatilité des crypto-monnaies constituerait une source d’incertitudes pour le créancier lors de la réalisation des garanties consenties, de sorte qu’elles ne sauraient représenter une assiette fiable.
Quel traitement dans le cadre d’une procédure collective ?
Conformément aux dispositions du Code de commerce en vigueur, il apparaît que les paiements réalisés en crypto-monnaies intervenus durant la période suspecte pourraient être contestés. Une telle remise en cause serait toutefois peu pertinente, puisqu’entre le moment où le paiement est réalisé et le moment où les actifs digitaux sont restitués du fait de la nullité de la transaction, leur valeur peut avoir sensiblement augmenté ou diminué. La conversion de crypto-monnaies en euros devrait, quant à elle, échapper aux nullités de la période suspecte. Toutefois, un dirigeant qui, conscient des difficultés approchantes, procéderait à la vente rapide et à vil prix de ses crypto-monnaies, pourrait engager sa responsabilité pour insuffisance d’actif dès lors que cette conversion pourrait être assimilée à une faute de gestion ayant contribué à aggraver le passif de la société. Afin de dégager de la trésorerie pour financer la poursuite d’activité de la société en période d’observation, l’administrateur judiciaire pourra procéder, sur autorisation du juge-commissaire, à la revente des crypto-monnaies. Pour ce faire, il devra compter sur la coopération du représentant légal pour lui donner accès aux différents modes de stockage des crypto-monnaies détenues. Dans le cadre d’une cession totale ou partielle, les candidats repreneurs devront proposer un prix au tribunal prenant en compte, entre autres, la valorisation des actifs digitaux. Or, puisque l’offre de reprise déposée ne peut être modifiée sauf dans un sens plus favorable jusqu’à la décision du tribunal, le candidat repreneur devra supporter le risque d’un krach sur la valeur des crypto-monnaies. Dans le cadre de cessions isolées des actifs, la question de la valorisation devrait être évitée puisque celle-ci sera débattue lors de la mise aux enchères, ou sera fixée en amont par le juge-commissaire.
Retrouvez l’article dans son intégralité sur : http://bmhavocats.com/les-crypto-monnaies-dans-le-cadre-de-procedures-collectives-en-france-comment-traiter-les-actifs-volatils/
Notes :
(1) Crypto-monnaies et tokens.
(2) Notamment par la loi PACTE du 11 avril 2019 et la loi de finances pour 2019