Les actions paneuropéennes en matière de brevets : où en sommes-nous aujourd’hui ?
À l’heure où la juridiction unifiée du brevet tarde à devenir une réalité, l’évolution des besoins des entreprises en matière de contentieux de brevets est flagrante. Les entreprises se sont mondialisées et elles sont tentées de considérer les actions paneuropéennes en matière de brevets, nonobstant les risques encourus et les problématiques liées à la compétence d’un juge national pour statuer sur de telles actions.
La validité du brevet est de la compétence exclusive du juge du territoire couvert
par le brevet
Le Règlement (UE) dit Bruxelles I bis prévoit un certain nombre de compétences exclusives, parmi lesquelles celle de la validité d’un brevet. En effet, son article 24 dispose que la question de la validité d’un brevet est de la compétence exclusive des juridictions de l’État pour le territoire duquel le brevet a été délivré. Or, un brevet, même délivré pour plusieurs pays par l’Office européen des brevets, n’a qu’une portée nationale de sorte que sa validité ne peut être jugée que par les juridictions compétentes de chacun des pays pour lequel il a été délivré.
La validité d’un brevet étant quasi-systématiquement mise en cause par la partie à laquelle des actes de contrefaçons sont reprochés, il est généralement exclu de considérer une action paneuropéenne devant un juge unique.
L’action paneuropéenne en déclaration de non-contrefaçon fait exception
L’action en déclaration de non-contrefaçon de brevet est une action dite déclaratoire, aux termes de laquelle une partie demande à ce que son produit soit jugé non-contrefaisant du brevet d’un tiers. Les entreprises s’intéressent dès lors à la possibilité de demander à un juge national unique de déclarer l’absence de contrefaçon de leur produit concernant plusieurs désignations nationales d’un brevet européen.
Dans une première affaire pendante devant le tribunal de grande instance de Paris, le demandeur sollicite un jugement déclaratoire de non-contrefaçon concernant les parties française et britannique du brevet d’un tiers. Par ordonnance du 18 novembre 2016 (RG n° 15/06637), une exception d’incompétence concernant la partie britannique dudit brevet est rejetée et le tribunal restera compétent en sa qualité de tribunal du lieu du domicile de la défenderesse tant qu’une demande de nullité du brevet britannique n’aura pas été formée.
Dans une seconde affaire, pendante devant les juridictions britanniques, le demandeur sollicite un jugement déclaratoire de non-contrefaçon à l’égard de six désignations d’un brevet, y inclus sa désignation britannique, ainsi que la nullité de cette dernière. Par décision du 6 décembre 2017 ([2017] EWHC 3104 (Pat)), le tribunal retient sa compétence concernant les parties étrangères dudit brevet, en jugeant également que le tribunal restera compétent pour chacune de ces désignations tant qu’une demande de nullité n’aura pas été introduite à leur égard. En outre, le tribunal insiste sur les risques pris par le demandeur au principal, lequel ne pourra pas remettre en cause un jugement britannique qui jugerait son produit contrefaisant de chacune des désignations tout en annulant le brevet britannique, alors que les désignations étrangères pourraient ne pas être annulées par les juridictions étrangères qui ne sont pas liées par le jugement britannique sur la validité.
Dans ces deux affaires, il est à noter que la compétence du juge national n’est retenue que provisoirement, à la condition que la validité des désignations étrangères du brevet en litige ne soit pas remise en cause. La complexité et la précarité de mise en œuvre des actions paneuropéennes en matière de brevets dans un environnement économique qui les requièrent, justifient la création et l’intérêt de la juridiction unifiée du brevet. Les aléas entourant cette dernière ne permettent toutefois pas à ce jour d’anticiper un contentieux des brevets simplifié à l’échelle européenne.