Le recouvrement forcé des créances dans le secteur aéronautique : la saisie conservatoire et la saisie-vente d’avions
La saisie conservatoire et la saisie-vente d’avions constituent un moyen efficace de recouvrement des créances. Elles se singularisent néanmoins des autres saisies par leur régime juridique qui repose sur une combinaison entre le droit commun des voies d’exécution et des dispositions spéciales posées par le code des transports, le code de l’aviation civile et la convention de Genève du 19 juin 1948.
La saisie conservatoire d’avions requiert le respect de conditions de forme et de fond. D’un point de vue formel, le créancier doit être autorisé par une ordonnance du juge même s’il dispose déjà d’un titre exécutoire. D’un point de vue substantiel, la saisie conservatoire d’un avion affecté à un service d’État ou à des transports publics n’est possible que si la créance à recouvrer porte sur les sommes dues par le propriétaire de l’appareil à raison de son acquisition, de la formation ou de la maintenance liée à son exploitation, ou de certaines taxes. Les juges veillent au respect de ce cadre particulier destiné à préserver la fluidité du trafic aérien et éviter des difficultés diplomatiques.
Dans une affaire « Air Gabon », les juges ont ainsi considéré qu’un Boeing 747 parqué dans un hangar de l’aéroport Orly Sud pour y subir une opération de grande visite n’en restait pas moins affecté aux transports publics, de sorte que le créancier saisissant ne pouvait faire saisir l’appareil sans autorisation judiciaire préalable1. Dans une affaire « Flash Airlines », ils ont considéré que la saisie conservatoire du carburant présent dans les réservoirs d’un Boeing 737 affecté au transport public de passagers s’apparentait à la saisie de l’appareil tout entier, de sorte que le créancier qui disposait uniquement d’une créance sur son exploitant (et non sur son propriétaire) ne pouvait le faire saisir2.
Au stade de sa réalisation, la saisie conservatoire d’avions est également particulière : le commissaire de justice instrumentaire fait positionner l’appareil de manière qu’il ait sa tête face à un bâtiment et notifie la saisie aux autorités aéroportuaires et de l’aviation civile pour empêcher toute aide au déplacement ou au décollage de l’appareil.
En pratique, cette immobilisation de l’avion entraîne des conséquences importantes pour son propriétaire en termes de perte de recettes ou d’atteinte à l’image de la compagnie aérienne, et conduit souvent au désintéressement du créancier.
Si la saisie conservatoire de l’appareil n’a pas permis le paiement du créancier, celui-ci peut alors poursuivre sa vente forcée. La première singularité de cette procédure tient naturellement à son objet. En effet, un avion est toujours immatriculé au sein d’un État dont il a la nationalité et il peut être grevé de sûretés ou de privilèges spéciaux qui sont inscrits sur son registre d’immatriculation. Les sûretés prennent la forme d’hypothèques conventionnelles, tandis que les créances privilégiées par préférence aux hypothèques recouvrent les frais de justice exposés pour parvenir à la vente de l’appareil et la distribution de son prix, les rémunérations dues pour son sauvetage et les frais indispensables engagés pour sa conservation.
Les différentes étapes de la vente forcée d’avions sont prévues dans la partie réglementaire du code de l’aviation civile : notification d’un commandement de payer au propriétaire de l’appareil, dénonciation du procès-verbal de saisie au débiteur et citation devant le tribunal judiciaire pour dire qu’il sera procédé à la vente, dénonciation de la saisie aux créanciers inscrits, fixation de la mise à prix et des conditions de vente par le juge, accomplissement des formalités de publicité obligatoires, audience de vente judiciaire et distribution du prix de vente selon le rang des différents créanciers.
À noter que lorsque l’avion est immatriculé dans un État partie à la Convention de Genève, le juge doit respecter la règle de l’enchère minimum, selon laquelle aucune vente forcée ne peut avoir lieu si les droits préférables à ceux du créancier saisissant ne peuvent être éteints par le prix de vente.
Enfin, l’issue de la procédure de vente forcée intervient avec l’ordonnance du juge autorisant le fonctionnaire chargé de la tenue du registre d’immatriculation de l’avion à radier les inscriptions des créanciers non colloqués.