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Le Conseil d’État juge illégale l’interdiction du référencement payant pour les sites de vente en ligne de médicaments

Par Julien Moiroux, of counsel, et Pierre Pacton, collaborateur, cabinet Simmons & Simmons

Autorisée depuis 2011 dans l’Union européenne, la vente de médicaments sur internet est, en France, une activité fortement encadrée, réservée aux pharmaciens d’officine et limitée aux médicaments sans ordonnance. Selon l’Autorité de la concurrence (ADLC), qui appelle à certains assouplissements, seulement 1,66 % des 22 401 officines françaises exercent cette activité.

Donnant du relief aux recommandations de l’ADLC, le Conseil d’État a récemment fait droit au recours d’un pharmacien, fondateur d’un important site internet de vente de médicaments, de recourir aux comparateurs de prix et au référencement payant dans les moteurs de recherche (Google AdWords, etc.). Le référencement permet au site internet d’être visible auprès du public dans les résultats d’une recherche internet.

Opérant un revirement par rapport à sa précédente décision, le Conseil d’État a enjoint au ministre de la Santé d’abroger l’annexe de l’arrêté du 28 novembre 2016 qui prévoit l’interdiction. Ce dernier y a procédé le 14 mai dernier .

Sur le fond, au visa des directives du 8 juin 2000 sur le commerce électronique et du 6 novembre 2001 sur les médicaments à usage humain, le Conseil d’État considère que l’interdiction critiquée instaure une différence de traitement entre les officines de pharmacie européennes, au détriment des françaises.

Ainsi, au regard du principe d’égalité, le Conseil d’État examine les justifications mises en avant par le ministère et juge que :

l’objectif de lutte contre la surconsommation et le mésusage de médicaments n’est pas susceptible d’être atteint par une interdiction du référencement payant applicable uniquement aux sites internet des officines situées en France, puisque les clients français peuvent accéder aux sites localisés dans un autre État membre de l’Union européenne, qui ne sont pas soumis à cette interdiction ;

l’objectif de répartition équilibrée des pharmacies sur le territoire national n’est pas en rapport avec l’interdiction contestée, dès lors que le recours au référencement payant est possible pour les sites localisés ailleurs dans l’Union européenne, qui bénéficient ainsi d’une meilleure visibilité, leur permettant de concentrer une part accrue des ventes ;

il n’est pas établi que l’interdiction du référencement payant pour les seules officines situées en France serait de nature à préserver la relation de confiance entre le patient et le pharmacien, dès lors que les clients français peuvent acheter plus facilement des médicaments auprès de sites qui ne sont pas soumis aux garanties déontologiques applicables en France.

Cette décision est une avancée importante pour les cyber-pharmaciens français qui vendent sur internet des médicaments sans ordonnance. Il existe encore en France d’autres freins règlementaires au développement de cette activité, fondés pour certains sur les mêmes considérations que celles rejetées par le Conseil d’État le 17 mars dernier. 

Notes

. Autorité de la concurrence, 4 avril 2019, avis n° 19-A-08 relatif aux secteurs de la distribution du médicament en ville et de la biologie médicale privée, point 194. À titre de comparaison, selon l’ADLC (point 214 de l’avis), la part de vente de médicaments sans ordonnance sur internet représente, en Allemagne, 14,3 % (chiffres 2016).

. CE, 17 mars 2021, n° 440208.

. CE, 4 avril 2018, n° 407292.

. Arrêté du 28 novembre 2016 relatif aux règles techniques applicables aux sites internet de commerce électronique de médicaments prévues à l’article L. 5125-39 du Code de la santé publique.

. Arrêté du 14 mai 2021 modifiant l’arrêté du 28 novembre 2016 précité : JORF n°0114 du 18 mai 2021, texte n° 15.

. Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information et notamment du commerce électronique dans le marché intérieur.

. Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

Julien Moiroux Simmons & Simmons Pierre Pacton