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La valorisation des évènements sportifs : un exercice de haute voltige

Par Camille Pecnard, avocat associé et Martin Simonnet, avocat, Lavoix

La publicité et la communication dans le cadre d’évènements, comme les Jeux Olympiques de Paris 2024, sont souvent des sujets qui amènent leur lot de contentieux, communément appelé « ambush marketing ». Cette pratique peut se définir comme une « stratégie publicitaire qui viserait à créer une confusion dans l’esprit du public sur l’identité réelle des partenaires d’une compétition, s’associant à l’événement pour obtenir sans bourse délier une partie de la reconnaissance et des bénéfices reliés au statut de ‘sponsor officiel’».

En France, outre l’arsenal classique des droits de propriété intellectuelle, du droit à l’image ou de la concurrence déloyale, l’article L.333-1 du code du sport accorde un droit spécifique de propriété aux organisateurs de manifestations sportives sur leur exploitation. Voici un panorama de décisions riches d’enseignement pour quiconque évolue dans le monde du sport, à l’exclusion des questions propres à la négociation des droits de retransmission télévisée, qui posent d’autres problématiques qui ne seront pas traitées ici.

Une multiplicité de droits traditionnels invocables

Les droits de propriété intellectuelle ont toujours été liés au monde du sport.Dès 2002, la CJCE rendait son célèbre arrêt Arsenal, estimant que la vente de souvenirs et produits dérivés revêtant la marque du club éponyme constitue un usage auquel le club pouvait opposer sa marque enregistrée.

Marques, brevets, dessins et modèles ou encore droits de la personnalité peuvent donc être détenus et mis en œuvre par tout type d’acteurs, comme les fédérations sportives, les sportifs, leurs sponsors (voir la LJA n°1634 et notre article sur le sujet), ou n’importe quel opérateur économique. La valorisation de ces droits est une source importante de financement pour le secteur. Encore faut-il avoir des droits dont la validité est forte, et un dossier bien construit. Récemment, l’UEFA a agi, sans succès, en contrefaçon de marque à l’encontre d’une société vendant des écharpes portant la mention « CHAMPIONNAT D’EUROPE », en marge des matchs du championnat d’Europe de football 2016. La marque a été annulée pour défaut de distinctivité.

Devant la Juridiction unifiée du brevet (JUB), un breveté a aussi tenté de faire valoir ses droits contre l’UEFA et ses partenaires technologiques. L’affaire portait sur une technologie de détection d’une situation de hors-jeu, que l’UEFA contreferait par les mécanismes d’arbitrage vidéo en place pour l’Euro 2024 (la VAR). La JUB, saisie d’une demande d’interdiction provisoire, n’a pas fait droit à la demande du breveté, estimant notamment qu’il avait agi tardivement.

Si le dossier est bien construit, ces droits peuvent être invoqués avec succès et permettent de protéger plusieurs aspects (nom, marque, image, inventions, etc…), parfois combinés. Des exemples sont cités dans notre article publié dans la LJA n°1634.

Une spécificité française : le code du sport

En France, l’article L.333-1 du code du sport vient ajouter une protection supplémentaire pour les organisateurs de manifestations sportives qui « sont propriétaires du droit d’exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu’ils organisent ». La question se pose de savoir quel type d’activité constitue une « exploitation d’une manifestation sportive », qui ne peut donc être réalisée, en application de cet article, que par son organisateur.

Le texte ne prévoit pas de définition. La Cour de cassation, qui a reconnu cet état de fait, s’est déjà prononcée en retenant une définition vaste, et protectrice des organisateurs : « toute forme d’activité économique ayant pour finalité de faire naître un profit et qui n’aurait pas d’existence si la manifestation sportive qui en est le prétexte ou le support nécessaire n’existait pas ». Tout type de prestation peut tomber sous le coup de ce monopole, comme des services d’hospitalité, la revente de billets, ou la vente de produits dérivés.

Ce droit est actionnable sans prérequis particulier. Il peut aussi être invoqué en référé, s’il est nécessaire de faire cesser de manière urgente les actes litigieux. La FIFA a par exemple obtenu une décision en environ trois semaines contre un vendeur illicite de billets pour la Coupe de monde de football féminine. La décision a été confirmée par la cour d’appel.

Le Comité olympique et les fédérations n’hésitent pas à agir sur le fondement de ce monopole, notamment afin de négocier des accords transactionnels avec les différents acteurs considérés comme potentiellement gênants. La prudence est donc de mise, et il est utile de faire valider ses projets en amont par des spécialistes. T