La présence de l’avocat pendant les perquisitions : une avancée pour les justiciables ?
Le projet de loi n° 4091 pour la confiance dans l’institution judiciaire, adopté par l’Assemblée nationale le 25 mai 20211, comporte à son article 3 alinéa 14 (et s.) une disposition qui fera frémir certains : la création d’un nouvel article 57-2 du Code de procédure pénale aux termes duquel les avocats peuvent désormais « se présenter » au cours des perquisitions diligentées chez leurs clients, et notamment présenter des observations écrites.
Cette disposition est nouvelle ; faut-il s’en réjouir ? Cette réforme conduira-t-elle à un alourdissement de la procédure pénale au profit des délinquants financiers, comme le déplorent déjà certains syndicats de policiers ?
Deux remarques s’imposent. Tout d’abord, si la présence de l’avocat lors de perquisitions « pénales » est certes une nouveauté, les entreprises savent bien que l’avocat peut déjà les assister depuis plusieurs années lors de « visites » de certaines autorités (Autorité de la concurrence, Autorité des marchés financiers, administration fiscale lors de visites sur le fondement du fameux article L. 16 B du LPF). Nous savons que, dans l’écrasante majorité des cas, et en dépit des préventions de certains, ces visites se déroulent sans anicroche, en présence des conseils. Pour quelles raisons ce qui se déroule relativement paisiblement avec des agents de l’Autorité de la concurrence ou de l’administration fiscale se passerait-il mal avec les services de police ?
Ensuite, les réactions de certains syndicats de policiers nous rappellent le débat houleux qu’avait suscité la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, relative à la garde à vue, prévoyant notamment le droit pour les avocats d’assister leurs clients pendant les auditions, et de consulter certains procès-verbaux, en tirant les leçons des arrêts Salduz et Dayanan de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) et prenant acte de la décision du Conseil constitutionnel du 30 juin 2010 et de l’arrêt de la chambre criminelle du 19 octobre 2010.
Ainsi, certains syndicats déploraient quasiment dans les mêmes termes qu’aujourd’hui « un système déséquilibré et moins efficace »2 et prédisaient que « les policiers ne pourront plus travailler », et que « les droits les plus élémentaires des victimes seront totalement bafoués face au renforcement de ceux de la défense ».3
Or, la réalité a été toute autre. Dans les procédures pénales économiques et financières, la présence de l’avocat lors des auditions des personnes gardées à vue a, au contraire, permis de renforcer la valeur probante des procès-verbaux rédigés en présence du conseil4. De fait, comment contester devant le juge d’instruction ou la juridiction une déclaration retranscrite dans un procès-verbal relu en présence du conseil ? Les praticiens savent bien que cela est impossible.
En conclusion, si elle est confirmée, la présence de l’avocat pendant les perquisitions n’est pas une panacée pour les justiciables. Si elle permettra effectivement de rassurer les personnes visées, et de protéger les droits des mis en cause, en veillant au respect des droits de la défense, paradoxalement, elle aura également pour conséquence de renforcer la validité des opérations de perquisitions. Lourde responsabilité pour les conseils qui devront veiller au grain aux irrégularités qu’il leur faudra dénoncer immédiatement…
Notes
1. www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/confiance_institution_judiciaire?etape=15-AN1
4. Comme l’avait prévu G. Moreas en 2009 : « Paradoxalement, la présence de l’avocat pourrait donner au procès-verbal du policier un poids encore plus fort, ce qui n’est pas nécessairement le but recherché par la défense… » www.lemonde.fr/blog/moreas/2009/12/07/points-de-vue-sur-la-garde-a-vue/comment-page-1