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Jeux Olympiques 2024 : tous en télétravail ?

Par Par Marion Ayadi, associée, cabinet Raphaël Avocats

Les Jeux Olympiques de Paris débuteront le 26 juillet prochain, mais les périmètres de sécurité (et les restrictions de transport et de circulation en découlant) seront activés dès le 18 juillet, et ne seront levés que le 8 septembre avec la clôture des Jeux Paralympiques. Sans compter les fermetures de stations de métro, RER, tram et gares, qui seront effectives progressivement. Pendant cette période, il sera évidemment plus difficile pour les parisiens et franciliens de circuler, et par conséquent, de se rendre sur leur lieu de travail.

Souhaitant anticiper ces difficultés, le gouvernement encourage largement les entreprises à recourir au télétravail. Le guide publié par le ministère du Travail sur son site internet le 23 avril dernier pour accompagner les employeurs dans l’organisation du travail de leurs salariés pendant les Jeux, fait la part belle à ce dispositif (rappelons qu’à ce jour, 45 % des actifs en France télétravaillent régulièrement, avec 2,1 jours télétravaillés par semaine en 2023). Il évoque également la possibilité pour les employeurs d’imposer la prise de congés payés et/ou de RTT, ainsi que la modification temporaire de la durée du travail et des horaires de travail.

L’employeur peut-il imposer le 100 % télétravail
pendant la période des Jeux Olympiques ?

Le télétravail est un dispositif reposant sur le double volontariat : l’employeur et le salarié doivent être d’accord pour le mettre en place. Il ne peut donc être imposé par l’une ou l’autre des parties. Toutefois, l’article L.1222-11 du code du travail permet à l’employeur d’imposer le télétravail « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure ». Si l’épidémie de Covid-19 constituait à l’évidence une telle circonstance exceptionnelle, rien n’est moins sûr s’agissant des Jeux Olympiques de Paris, dont l’organisation est prévue depuis 2017. Leur caractère prévisible depuis cette date empêche donc les employeurs de rendre le télétravail obligatoire pendant cette période.

Dès lors, un employeur ne pourra s’opposer à la venue d’un salarié sur site. Le salarié déterminé à travailler en présentiel pourrait même saisir l’inspecteur du travail afin qu’il enjoigne l’employeur de lui donner accès aux locaux.

Comment dès lors organiser le recours au 100 % télétravail ou, à tout le moins, augmenter la part
du télétravail pendant les Jeux ?

La mise en place du télétravail nécessite un accord collectif négocié entre l’employeur et les partenaires sociaux, ou à défaut une charte élaborée par l’employeur. En cas d’accord collectif, l’adaptation temporaire du dispositif nécessite une révision de l’accord. Cela implique d’ouvrir une négociation de révision avec les syndicats, et de conclure un avenant qui aura vocation à s’appliquer seulement pendant les Jeux. Lorsque le télétravail découle d’une charte, sa modification est plus simple car elle nécessite seulement la consultation préalable du CSE.

Dans les deux hypothèses, l’accord des salariés sera ensuite nécessaire, toujours en raison de la règle du double volontariat. De même lorsque le télétravail n’existe pas encore dans l’entreprise, et que l’employeur n’entend y recourir que pendant la parenthèse des Jeux : il devra recueillir l’accord individuel de chaque salarié.

L’avenant de révision de l’accord collectif, la charte modifiée, ou l’accord individuel avec chaque salarié devra préciser les aménagements spécifiques applicables pendant cette période (dispositif étendu aux stagiaires, aux salariés en période d’essai, obligation de déclarer le lieu de télétravail, d’activer la caméra pendant les réunions, de se connecter à des horaires précis, etc.), mis en place notamment pour maintenir le lien avec les collaborateurs.

S’agissant de la prise en charge des frais liés au télétravail, le montant des allocations forfaitaires exonéré de cotisations sociales dépend du nombre de jours télétravaillés. Il conviendra donc d’ajuster les sommes allouées en fonction du nombre de jours télétravaillés pendant les Jeux.

Les employeurs peuvent également choisir de ne prendre aucune initiative, et attendre que les salariés sollicitent individuellement des aménagements exceptionnels. L’idée étant alors de conserver la possibilité d’accepter ou de refuser en fonction des contraintes propres à chaque service. Une gestion individuelle des demandes de télétravail est tout à fait possible, mais n’est pas sans risque :

• elle ne doit d’abord pas devenir arbitraire, et conduire à des inégalités de traitement : toute décision de refus doit être justifiée objectivement ;

• l’employeur refusant une demande de télétravail pourrait vraisemblablement se voir reprocher un manquement à son obligation de sécurité de résultat, si le salarié démontre l’augmentation importante de son temps de trajet du fait des restrictions de transport et l’impact de ses déplacements sur sa santé ;

• enfin, une gestion individuelle du télétravail impose de comptabiliser, pour chaque salarié, le nombre de jours effectivement télétravaillés, et d’adapter, pour chacun l’allocation forfaitaire correspondant aux frais liés au télétravail.

Une solution intermédiaire (et socialement plus acceptable) consistera enfin, pour les employeurs, à adapter leur dispositif existant (accord ou charte), en prévoyant expressément que toutes les demandes de télétravail exceptionnel seront acceptées (sauf événement impératif nécessitant la présence sur site et ne pouvant être reporté). T

M. Ayadi