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L’open data des décisions de justice

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES
Paru dans La Lettre des Juristes d'Affaires n°1419 du 04 novembre 2019
Par Charles Suire, avocat Fidal département Propriété intellectuelle & Cécile Trautmann, juriste Fidal département Technologies de l’information

Dans un contexte législatif sur l’open data incertain, la cour d’appel de Paris a dû se prononcer le 25 juin 2019 sur la mise à disposition du public des décisions de justice à titre gratuit et sous forme électronique.

Le dirigeant d’une société d’édition juridique demandait, en son nom propre, l’accès aux minutes de la juridiction et le droit de réutiliser leur contenu, au visa des articles 1440 et 1441 du Code de procédure civile. Sa demande se vit refusée au motif que l’état actuel du service ne leur permettait pas de dégager le temps et les effectifs nécessaires à l’extraction des décisions depuis le logiciel informatique.

Par requête du 16 juin 2017, le président du TGI de Paris rejetait également sa sollicitation des services de greffe et une déclaration d’appel a été formée. Dans un arrêt du 18 décembre 2018, la cour d’appel de Paris annulait la décision du TGI de Paris et condamnait les services de greffe dans leur refus de communiquer les décisions et enjoignait le directeur des services de greffe judiciaire du TGI de Paris de communiquer au demandeur les décisions judiciaires publiques rendues, à condition de les anonymiser, ou de le laisser accéder aux minutes dans les mêmes conditions que tout autre opérateur autorisé afin de les scanner, les anonymiser et d’en faire un usage autorisé par la loi.

Pourtant, la cour d’appel de Paris se ravise dans sa décision du 25 juin 2019. Saisie d’une demande en référé rétractation par le garde des Sceaux, elle ordonne la rétractation de l’arrêt du 18 décembre 2018.

Elle considère que « les modalités essentielles de l’anonymisation des décisions publiques, voire de leur pseudonymisation et des dispositions protectrices de la vie privée (…) devront être définies ». Prévues par l’article L.111-14 du Code de l’organisation judiciaire, elles n’ont pas encore été précisées par décret en Conseil d’État. La cour constate dès lors que le requérant ne présente pas des assurances suffisantes pour garantir l’anonymisation, étant observé que la société dont il est le directeur fait l’objet d’une plainte pour cybersquattage.

Quelques jours auparavant, ce sont les acteurs de la justice qui se prononçaient publiquement sur ces questions : le Conseil national des barreaux publiait une résolution tendant à obtenir l’anonymisation des avocats dans les décisions de justice et l’Union syndicale des magistrats déplorait, suite à l’agression d’un membre du corps, que les pouvoirs publics aient refusé de prévoir l’occultation des noms des magistrats dans les décisions, les exposant à des risques accrus de pressions.

Dorénavant, pour mener à bien l’impératif de mise à disposition des décisions judiciaires, le droit national devra transposer au plus tard le 17 juillet 2021 la récente refonte du cadre européen fixé par la directive n°2019/1024 du 20 juin 2019 concernant les données ouvertes et la réutilisation des informations du secteur public, publiée au JOUE le 26 juin 2019.

Le législateur français devra adapter l’actuel socle législatif, constitué des lois n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, dite « loi Valter » et n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, dite « loi Lemaire ». Il pourra notamment s’appuyer sur les lignes directrices élaborées conjointement par la Commission nationale informatique et libertés et Commission d’accès aux documents administratif, publiées en octobre 2019 fixant trois objectifs majeurs : le renforcement de la transparence de l’action administrative, l’identification des leviers d’amélioration de l’organisation et de la gestion publiques et enfin, la suscitation de l’innovation économique.

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