Incertitudes quant au régime applicable à l’appel d’une ordonnance de référé statuant uniquement sur la compétence
Le décret du 6 mai 20171 est entré en vigueur depuis plus d’un an déjà mais une interrogation essentielle demeure concernant le régime applicable à l’appel d’une « ordonnance » de référé statuant exclusivement sur la compétence. En effet, les quelques jurisprudences éparses rendues sur le sujet font état de positions divergentes.
Il a pu être considéré que l’appel d’une « ordonnance » de référé statuant exclusivement sur la compétence était soumis au régime dit du « circuit court », régi par les articles 905 et suivants du Code de procédure civile (CPC) lesquels ne requièrent pas de l’appelant la saisine du premier président en vue d’obtenir l’autorisation d’assigner à jour fixe ni de motiver sa déclaration d’appel. Il s’agirait d’ailleurs là d’une recommandation de la Chancellerie.
a contrario, justiciables et juridictions ont pu parfois considérer que le régime applicable était celui des articles 83 et suivant du CPC portant sur l’appel d’un « jugement » statuant exclusivement sur la compétence, incluant alors les « ordonnances » portant elles aussi uniquement sur la compétence. À cet égard, la cour d’appel de Paris a jugé, le 8 novembre 2018, qu’il convient « de retenir que les dispositions des articles 83 et 85 du code de procédure civile s’appliquent à l’appel des ordonnances par lesquelles le juge des référés ne statue que sur sa compétence »2.
Cette solution a été reprise par la cour d’appel de Nîmes, qui a considéré que « le terme de ‘jugement’ inséré dans ces articles [84 et 85] s’entend ici de façon générique et désigne toute décision de justice […], sans distinction entre jugements et ordonnances »3.
Il a d’ailleurs été affirmé que « [l]a solution s’impos[ait] », dès lors que, « selon l’article 83, l’appel particulier est ouvert lorsque le juge a statué sur la compétence sans statuer sur le fond »4.
La jurisprudence semble donc généralement trancher en faveur de la soumission de l’appel d’une « ordonnance » statuant uniquement sur la compétence au régime des articles 83 et suivants du CPC, renforçant de fait le formalisme procédural.
Mais il semblerait que certaines juridictions entendent instaurer, par une distinction subtile, une différenciation du régime applicable aux ordonnances de référé et aux ordonnances du juge de la mise en état portant sur la compétence.
En effet, aux termes d’un arrêt du 10 avril 2018, la cour d’appel de Paris a jugé que les articles 84 et 85 du CPC « visent exclusivement les décisions des juridictions ayant le pouvoir de trancher le fond du litige, ce qui exclut les ordonnances du juge de la mise en état »5 tranchant sur la compétence.
Dans le prolongement de cet arrêt de la cour parisienne, la cour d’appel de Rennes a jugé, le 29 mai 2018, que « l’appel de l’ordonnance du juge de la mise en état [tranchant sur la compétence] obéit au régime procédural déterminé aux articles 905 et suivants, […] et non aux dispositions des articles 83 et suivants du Code de procédure civile tels qu’issus du décret du 6 mai 2017 »6. La motivation adoptée, qui fait la distinction entre les ordonnances selon qu’elles émanent ou non de juridictions pouvant en principe connaître du fond du litige, alors que, par définition, le fond n’est jamais abordé que ce soit au terme des ordonnances de référé ou des jugements statuant uniquement sur la compétence, est alors source d’interrogations.
La Cour de cassation devra prochainement se prononcer et purger définitivement ces questions procédurales dont le traitement actuel est source de confusion et d’incertitudes.