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Directive relative aux actions représentatives : transposition et concrétisation des risques

Par Ozan Akyurek, associé, et Zoran Hocdé, cabinet Jones Day

La directive relative aux actions représentatives 1 est désormais transposée par la plupart des États membres, entraînant dans le même temps la concrétisation des risques qui en découlent. En témoigne l’une des premières actions introduites sur son fondement à l’été 2024 par une organisation non-gouvernementale et une association de consommateurs devant les juridictions italiennes.

Les entreprises et les acteurs clés des actions de groupe, tels que les associations de consommateurs, les organisations non-gouvernementales ou les tiers financeurs (ou third-party litigation funders) scrutent avec attention les mesures nationales de transposition de la directive prise par les États membres. Ces derniers étaient en effet tenus de la transposer au plus tard le 25 décembre 2022 et de rendre ces actions disponibles à partir du 25 juin 2023.

Pourtant, en janvier 2023, la Commission européenne constatait qu’un grand nombre d’États membres (24 sur 27) n’avaient pas transposé la directive dans les temps et se verraient donc adresser une lettre de mise en demeure. Presque deux ans après la date limite, la directive est désormais transposée dans l’ordre juridique de la plupart des juridictions européennes. Sauf, notamment, en France où, après la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024 et, en conséquence, l’abandon de la proposition de loi adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 8 mars 2023 puis par le Sénat le 6 février 2024, sa transposition est désormais envisagée à travers un projet de loi déposé le 31 octobre 2024.

Assurément, la directive telle que transposée par chacun des États membres favorisera le développement des actions des groupes en Europe, à l’image, dans une certaine mesure, de ce qui se passe aux Pays-Bas et au Portugal.

Ces juridictions restent en effet pour l’heure les plus actives en la matière, ce pour deux raisons principales. La première est qu’elles permettent l’introduction d’actions soumises à un opt-out réunissant, de fait, un plus grand nombre de victimes potentielles que les actions soumises à un opt-in, lesquelles nécessitent que soit recueilli le consentement individuel de chacune des victimes. La seconde est que ces actions bénéficient d’un soutien financier considérable et quasiment systématique de la part de tiers financeurs, dont l’intervention n’est pas encore réglementée au niveau européen.

 

Sur cette base, l’actualité dans ces juridictions met en évidence certaines tendances sectorielles susceptibles de se développer dans les autres juridictions européennes, telle que la poursuite de la croissance des actions en matière de protection des données personnelles ou de responsabilité sociétale des entreprises. Ce dernier domaine est d’autant plus à risque pour les entreprises que leurs déclarations et communications environnementales sont particulièrement scrutées, tant par les organisations non-gouvernementales que les autorités régulatrices.

Plus généralement, le risque émergent en Europe lié aux actions de groupe doit être conjugué avec celui issu de l’évolution des textes visés par la directive, celle-ci s’appliquant aux actions intentées en raison d’infractions à 68 textes européens. Le premier d’entre eux est la directive relative à la responsabilité du fait des produits défectueux de 1985, désormais remplacée par une nouvelle directive du 23 octobre 2024 qui s’appliquera aux produits mis sur le marché ou mis en service après le 9 décembre 2026 et qui, notamment par le jeu des présomptions de défectuosité et de causalité qu’elle établit combiné aux règles de divulgation de preuve en cas de demande « plausible », facilitera l’engagement d’actions frivoles ou spéculatives. Nul doute donc que le développement des actions de groupe dans ce domaine se renforcera.

Le premier axe de limitation du risque encouru par les entreprises pourrait passer par la réglementation du financement des contentieux par des tiers, que le Parlement européen a recommandé dans une résolution adoptée le 13 septembre 2022. 

(1) Directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE.