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CSRD : capitaliser sur l’interopérabilité des dispositifs de conformité et de leur gouvernance associée

Par Olivier Dorgans, associé et Camille Mayet, cabinet Foley Hoag

Le 26 septembre dernier, la Commission européenne a rappelé à quel point la directive (UE) 2022/2464 sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) (1)  était encore source de crispations tant entre les États membres qu’auprès des entreprises bientôt assujetties (2). Constatant que deux tiers des États membres manquaient encore à leurs obligations de transposition, la Commission les a mis en demeure. 

L

e CSRD marque pourtant une évolution souhaitable en matière de fiabilité et d’accessibilité de l’information non-financière de l’entreprise.

En France, dès le 1er janvier 2025, les sociétés déjà soumises à la déclaration de performance extra-financière publieront leur premier rapport de durabilité. Elles seront suivies le 1er janvier 2026 par les « grandes entreprises », puis en 2027 par les PME cotées en bourse. Plus d’un millier d’indicateurs relatifs à leur gestion des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) devront être traités au sein de ces rapports de durabilité qui feront l’objet, à l’année N+1, d’un audit visant à certifier la fiabilité des informations rapportées.

Pour rappel, l’élaboration d’un rapport de durabilité se structure autour de 12 normes méthodologiques et thématiques (ESRS) (3) : 2 normes générales, 5 normes environnementales, 4 normes sociales et 1 norme de gouvernance. Ces rapports constituent, à ce titre, une source infiniment précise et détaillée d’informations stratégiques sur les performances et initiatives ESG des entreprises assujetties. Conformément à son mandat (4), l’EFRAG ajoutera progressivement des normes sectorielles visant à affiner la comparabilité des informations publiées par des entreprises d’un même secteur. Les premiers projets, relatifs au secteur du pétrole et du gaz d’une part et à celui de l’excavation minière d’autre part, doivent être publiés au cours de ce dernier trimestre 2024 (5).

Dans ce contexte de reporting ESG renforcé, les expériences tirées de déploiements de dispositifs de compliance (anti-corruption, LCB-FT, sanctions économiques et loi sur le devoir de vigilance) sont autant d’outils utiles à une mise en œuvre réussie de la directive. Cette inscription logique de la CSRD dans le giron de la conformité a récemment été mis en exergue par l’Agence Française Anticorruption (6). Qu’il s’agisse de la « description des mécanismes visant à identifier et signaler [.] des comportements illicites ou contraires au code de conduite » (ESRS G1-1) ou de la « description des fonctions de l’entreprise les plus exposées au risque de corruption » (ESRS G1-3 (a)), les dispositifs anti-corruption Sapin 2 – et l’information granulaire qu’ils génèrent et structurent – permettent aux entreprises de répondre efficacement aux exigences de publication correspondantes.

Les synergies entre les dispositifs de conformité et les différentes étapes de l’élaboration du rapport de durabilité, de la sélection des impacts, des risques et des opportunités que l’entreprise considère comme pertinents eu égard à ses activités, à la rédaction du rapport final, font des directeurs juridiques et de la conformité des acteurs clefs de ce rapport et de sa gouvernance, aux côtés des directions financière, environnementale, opérationnelle, de la communication et des ressources humaines.

L’inflation règlementaire caractéristique des deux dernières décennies a conduit la direction juridique et de la conformité à investir l’ensemble des métiers de l’entreprise pour en identifier les risques de non-conformité. Elle a, ce faisant, développé une vision holistique des activités de l’entreprise et de sa chaîne de valeur, ainsi que des enjeux de sécurité financière que ces dernières induisent. Le prisme de l’approche par les risques rend les départements juridique et compliance les plus à même de comprendre et mettre en œuvre les exigences de la CSRD. Les ESRS invitent, pour identifier et sélectionner les enjeux de durabilité pertinents pour l’entreprise, à réaliser une cartographie, exercice auquel les directions juridiques et de la conformité sont par ailleurs particulièrement rompues.

Il convient enfin de souligner que la granularité et l’étendue de l’information publiée font des rapports de durabilité des mines d’informations, garanties par l’entreprise. Ils constituent, à ce titre, des “trésors probatoires”(7) publiquement accessibles aux investisseurs, aux clients et à la société civile. La prudence que cette dimension probatoire appelle fait également du directeur juridique et de la conformité, épaulé de ses conseils, l’un des acteurs centraux de la gouvernance du reporting de durabilité.

L’élaboration du rapport de durabilité est un exercice complexe face auquel l’entreprise n’est pas démunie : elle peut non seulement capitaliser sur les informations de conformité déjà collectée, mais elle dispose également d’une gouvernance juridique et de la conformité qui, si elle est suffisamment mature, détient les outils nécessaires pour coordonner la réponse de l’entreprise aux exigences de la CSRD.