Covid-19 & reprise d’activité : enjeux et contours des risques pour l’employeur
La reprise d’activité génère une forte inquiétude des employeurs soucieux de rassurer leurs salariés sur les conditions de retour et devant faire face à un risque de voir leur responsabilité engagée. Les récentes jurisprudences donnent quelques orientations pour s’en prémunir autant que faire se peut.
Les employeurs sont tenus d’assurer la sécurité et la santé de leurs salariés. À l’origine conçue comme une obligation de résultat, l’obligation de sécurité s’est transformée en une obligation de moyen renforcée depuis un arrêt Air France.
Si les entreprises savent appréhender les risques professionnels propres à leurs métiers, la difficulté est tout autre face à la pandémie du Covid-19 qui laisse beaucoup d’inconnus pour tous les acteurs, les entreprises devant faire face à des informations et à des instructions changeantes et contradictoires. Le risque épidémique ne peut être maîtrisé dans sa totalité et il n’est pas légitime de le faire peser uniquement sur l’employeur. Les entreprises restent démunies pour faire face à cette situation inédite, ne pouvant s’appuyer que sur les instructions du gouvernement et sur les guides élaborés par les organisations professionnelles.
Nous constatons une forte inquiétude des employeurs de voir leur responsabilité engagée malgré la mise en place des mesures prescrites. Ces craintes sont d’autant plus légitimes que le ministère du Travail précise que l’employeur « ne devrait pas, sous réserve de l’appréciation souveraine des juges, encourir de sanction pénale ». Cette notion « d’appréciation souveraine des juges » combinée à la position des juridictions dans les décisions récentes concernant notamment Amazon et Renault-Sandouville crée une insécurité juridique. Elles permettent toutefois de tirer des leçons sur les bonnes pratiques à adopter.
Il résulte ainsi de ces jurisprudences qu’il est recommandé à l’employeur : (i) d’associer très en amont le CSE et les représentants du personnel lors de l’évaluation des risques, de la mise en place des mesures de prévention et de protection en veillant à formaliser les réunions et les échanges ; (ii) d’informer et consulter le CSE et la CSSCT ; (iii) d’associer, si possible, la Direccte et la médecine du travail ; (iv) de mettre régulièrement à jour le Document Unique (DUER) avec le concours des représentants du personnel ; (v) de former les salariés aux moyens de prévention ; (vi) de prévoir une procédure en cas de contamination d’un salarié.
Suivre ce « guideline » permet une meilleure adhésion des salariés, ce qui facilite leur retour au travail. Il est ainsi plus aisé pour l’employeur de s’opposer à l’exercice du droit de retrait, Il pourrait ainsi user de son pouvoir de direction en contraignant légitimement le salarié à reprendre son poste de travail.
Des employeurs redoutent que leur responsabilité pénale soit engagée. Cependant, il semble complexe de caractériser certains délits dans le cadre du Covid-19. Par exemple, le délit de mise en danger de la vie d’autrui, sera difficilement constitué dans la mesure où : (i) il n’existe, à ce jour, aucun texte prescrivant des règles particulières (les fiches pratiques et le protocole de déconfinement n’ont aucune valeur juridique) ; par ailleurs ; (ii) la volonté délibérée de l’employeur et le lien de causalité sont difficiles à démontrer, le virus pouvant être contracté en tout lieu. De ce fait, en cas de contamination d’un salarié, la démonstration du caractère professionnel de la maladie parait comprise, sauf pour le personnel soignant.
Les inquiétudes des employeurs suscitées par les contraintes de la reprise d’activité sont légitimes eu égard aux incertitudes générées par la pandémie. Cependant, appliquer les leçons issues des jurisprudences récentes (également La Poste, Carrefour Market, etc.), ce que beaucoup d’entreprises avaient déjà anticipé lors de leur reprise partielle pendant le confinement, permet d’en limiter les potentielles conséquences.