Connexion

Clauses de parité : le rééquilibrage des relations plateformes-détaillants

Par Par Frédéric Puel, associé, Virginie Rebeyrotte et Lucie Marchal, avocats, cabinet Fidal.

Les textes définitifs du nouveau règlement d’exemption et de ses lignes directrices ont été adoptés le 10 mai 2022, en prévision de leur entrée en vigueur le 1er juin 2022. L’occasion pour l’équipe concurrence & EU du cabinet Fidal de présenter le troisième et dernier thème de sa saga sur cette réforme consacrée aux clauses de parité

La clause de parité (que l’on appelle aussi clause « MFN » pour most-favorednation) consiste, dans le contexte des restrictions verticales, à exiger d’un vendeur qu’il offre ses biens ou services à un acheteur à des conditions qui ne sont pas moins favorables que celles offertes à d’autres acheteurs.

Cette clause ne faisait pas l’objet de dispositions spécifiques, ni dans le précédent règlement d’exemption, ni dans les précédentes lignes directrices. Toutefois, le recours aux clauses de parité dans le secteur hôtelier a été largement dénoncé devant différentes autorités de concurrence européennes, plusieurs sites de réservation d’hôtels en ligne obtenant systématiquement, de la part des hôtels, le meilleur prix de la nuitée et la disponibilité des dernières chambres. L’approche devait donc être harmonisée au niveau européen face à des risques de divergences d’interprétation des textes européens. C’est désormais chose faite puisque la Commission, dans son explanatory note, identifie les obligations de parité au profit des plateformes d’intermédiation en ligne comme des « faux positifs » d’un point de vue de la concurrence. Il s’agit, selon elle, d’accords qui, de prime abord, pouvaient paraître pro-concurrentiels, mais conduisent en réalité à potentiellement restreindre la concurrence.

Ainsi, en augmentant les prix et en détériorant la qualité des services, mais également en créant des barrières à l’entrée, les clauses de parité auraient potentiellement un effet restrictif sur la concurrence. L’article 5, paragraphe 1, point d), du nouveau règlement exclut désormais du bénéfice de l’exemption « toute obligation directe ou indirecte interdisant à un acheteur de services d’intermédiation en ligne d’offrir, de vendre ou de revendre des biens ou des services à des utilisateurs finaux à des conditions plus favorables par le biais de services d’intermédiation en ligne concurrents ». Il est donc désormais interdit, pour une plateforme internet, d’exiger de ses vendeurs qu’ils appliquent, aux utilisateurs finaux, des conditions au moins aussi favorables que celles pratiquées sur d’autres plateformes d’intermédiation.

L’interdiction ne vaut en revanche que lorsque la part de marché des parties excède 15 % sur leurs marchés respectifs. Les accords tombant en dessous de ce seuil de minimis restent envisageables. Pour les clauses de parité qui n’entrent pas dans cette définition, elles bénéficient donc a contrario de la protection offerte par le règlement d’exemption. Les lignes directrices viennent toutefois ajouter certains points de vigilances (voir §356 et suivants). Ce pan de la réforme doit être mis en perspective, pour les accords soumis au droit des pratiques restrictives français, avec l’article L. 442-3 du code de commerce. Rappelons que la France, depuis l’affaire des réservations hôtelières en ligne évoquée plus haut, sanctionne les clauses prévoyant « automatiquement des conditions plus favorables consenties aux entreprises concurrentes par le cocontractant ».

Or les sanctions pouvant être prononcées par le ministre sont dissuasives (article L.442-4 du code de commerce). Le juge français a également pu considérer que des clauses de parité étaient constitutives d’un déséquilibre significatif (CA Paris, 21 juin 2017, 15/18784). La marge de manoeuvre des entreprises soumises au droit français était déjà étroite et vient donc à nouveau se rétrécir sous l’effet de l’adoption du nouveau règlement d’exemption.