Connexion

Classements d’avocats : entre contrainte et stratégie

Par Isabelle Eid, head of knowledge, marketing & BD, DLA Piper France

Aussi contraignants que soient ces exercices, ils sont depuis plusieurs années bien établis et source de compétitivité et de communication pour les cabinets d’avocats d’affaires.

L’exercice des soumissions pour figurer dans les classements des cabinets d’avocats occupe traditionnellement les mois de février et juillet-août des law firms et cabinets d’affaires. Il s’agit là d’un investissement en temps-hommes non négligeable, qui requiert une organisation interne ad hoc. Mais aussi contraignants que soient ces exercices, ils sont bien établis et source de compétitivité et de communication pour les cabinets d’avocats d’affaires. Les classements servent d’outils d’attractivité dans le cadre de recrutements de nouveaux talents et participent au prestige du cabinet. Les avocats étrangers les utilisent aussi - autant que la presse internationale - pour trouver de bons experts dans des domaines précis. Côté clients, une étude de l’association de directeurs juridiques Cercle Montesquieu en avait mesuré l’impact : 68 % des directeurs juridiques sondés avaient considéré les classements utiles en phase d’orientation ou d’aide au choix, et 32 % de ceux-là y recouraient lors de la phase de validation du choix final.

Des enquêteurs pas toujours juristes

Nés d’une pratique anglo-saxonne, les premiers palmarès de cabinets d’avocats, réalisés par Thomson Reuters, Bloomberg ou Mergermarket, ont d’abord consisté à mesurer l’activité du cabinet d’un point de vue purement économique ou volumétrique (nombre d’opérations traitées, etc.). Puis s’est développé, depuis une trentaine d’années, un autre type de classement aux analyses plus qualitatives par domaine d’intervention (Legal 500 et Chambers, les plus réputés désormais). Quand Chambers se distingue en fondant principalement ses palmarès sur les retours des clients, Legal 500 accorde plus d’importance aux dossiers traités par les avocats. Plus récents encore, d’autres classements comme celui de Best Lawyers se basent sur une approche « peer to peer », faite de recommandations en ligne entre confrères.

Les enquêteurs ou « researchers » de ces organismes n’étant pas systématiquement juristes de formation, leur compréhension des différentes pratiques peut parfois faire défaut, d’où l’importance des retours de clients (« referees ») et du marché en complément des dossiers.

Un outil de « market listening »

Dans ce foisonnement de « rankings » internationaux et nationaux, les cabinets privilégient les classements de référence. Ils choisissent d’ailleurs souvent de se concentrer autour de quelques pratiques et secteurs sur lesquels ils souhaitent se positionner ou à propos desquels ils seront certains d’obtenir de bons référencements.

Percevant l’enjeu que représentent chaque année leurs enquêtes pour les avocats, certains éditeurs de renom comme Chambers proposent une offre payante. Il s’agit d’un rapport « unpublished » qui restitue de façon anonyme les retours des clients (« referees ») et du marché en général recueillis au cours de leur enquête. S’ils ne sont pas déterminants dans l’établissement du classement, affirme Chambers, ces « unpublished » reprennent en intégralité les retours (neutres ou négatifs) du marché et des personnes sondées. Toutes ces informations, susceptibles de heurter certains ego démesurés, constituent un outil de « market listening » non négligeable. 

Isabelle Eid DLA Piper France Avocats marketing