Chambres internationales du tribunal de commerce et de la cour d’appel de Paris : à nous également d’en assurer le succès
La concurrence toujours plus accrue entre les juridictions étatiques ainsi que les incertitudes concernant les conditions de reconnaissance et d’exécution des jugements anglais au sein de l’Union Européenne post-Brexit ont récemment incité Paris à renforcer son attractivité juridique.
Pour attirer à Paris plus de contentieux commerciaux internationaux, deux protocoles ont ainsi été signés le 7 février 2018, l’un portant sur la chambre internationale du tribunal de commerce de Paris (laquelle existe en réalité depuis 1995), l’autre sur une nouvelle chambre internationale au sein de la cour d’appel de Paris (CICAP).
La compétence de ces chambres, composées de juges spécialisés, pourra dépendre, objectivement, de la nature du contentieux : elles auront ainsi vocation à traiter les litiges de dimension internationale en matière, par exemple, de concurrence déloyale ou d’actions en réparation liées à des pratiques anticoncurrentielles. Leur compétence pourra également résulter de la volonté expresse des parties, au moyen d’une stipulation contractuelle.
Pour ce qui est des règles de procédure applicables, force est de constater que si elles s’inscrivent bien sûr dans le cadre du Code de procédure civile, elles sont clairement inspirées des règles applicables en matière d’arbitrage, sans verser dans les écueils de certains systèmes de common law : possibilité de produire des pièces en langue anglaise sans traduction, et de s’exprimer (pour les parties, témoins et experts), voire plaider (pour les avocats étrangers), dans cette langue ; droit de solliciter de la partie adverse la production de catégories de documents ; comparution personnelle des parties et auditions de témoins et experts donnant lieu à un interrogatoire par le juge ainsi que par les parties sur invitation du juge. À cela s’ajoute la possibilité pour les parties d’opter pour une mise en état conventionnelle de leur litige depuis l’entrée en vigueur du décret du 6 mai 2017.
Les fréquentes critiques quant à la prétendue inadaptation de la justice française aux contentieux d’affaires complexes, à les supposer avérées, sont donc caduques et l’on peut espérer que de nombreux contentieux seront à l’avenir tranchés par ces chambres dont les décisions pourront circuler sans entraves au sein de l’Union européenne et de l’Espace Économique Européen.
Mais pour que le succès soit au rendez-vous, il convient, dès aujourd’hui, d’en faire clairement la promotion : si la prépondérance de certains fors en matière de litiges internationaux (Londres pour ne citer qu’elle) peut s’expliquer par un environnement favorable et la fréquente application du droit local à certains types de contrats, elle doit également beaucoup à la publicité qui en est faite par les acteurs concernés, qui ont compris depuis longtemps qu’attirer des litiges sur leur sol présente un intérêt économique évident. De même, les chambres internationales récemment créées (à l’instar de la SICC à Singapour) sont activement promues, ce qui a sans conteste favorisé leur développement rapide. Il appartient dès lors aux acteurs juridiques français de s’emparer du sujet, au premier rang desquels les juristes d’entreprise et avocats, qui auront tout intérêt à communiquer largement sur les chambres internationales parisiennes et surtout à envisager, parmi les différentes options de résolution des litiges dans les contrats qu’ils négocient, l’insertion d’une clause au profit de ces chambres. Les outils étant là, à nous maintenant de faire en sorte que Paris, dont la réputation n’est plus à faire comme siège arbitral, s’impose définitivement comme un for privilégié pour la résolution des contentieux internationaux.