Arbitrage international et intérêts moratoires : un guide pratique
Dans une sentence arbitrale, les tribunaux arbitraux ont le pouvoir d’allouer des intérêts moratoires au créancier afin de permettre une réparation intégrale des dommages subis par ce dernier.
Les règles institutionnelles ne traitent généralement pas de la question des intérêts moratoires. Pourtant, il peut y avoir un délai important entre le moment où un préjudice est causé à une partie, le prononcé de la sentence arbitrale et l’exécution de celle-ci par le débiteur. Il est alors essentiel d’ajuster les montants afin d’y ajouter des intérêts moratoires, qui peuvent fortement accroître les sommes dues. En outre, l’aspect international de l’arbitrage signifie que les tribunaux peuvent être confrontés à plusieurs lois et taux applicables. En pratique, les arbitres choisissent souvent le droit applicable au contrat pour régir la question des intérêts moratoires (sauf si la devise dans laquelle la sentence est rendue est étrangère, le droit suivant alors la devise). Cet article examine les règles de droit français applicables au calcul des intérêts moratoires. À ce titre, à moins qu’une société n’ait émis une facture dans le cadre de son activité professionnelle, une demande en intérêts doit être fondée sur le régime du Code civil (CC).
Application du régime commun
L’article 1153 anc. CC (1231-6 CC nouveau) est limité aux intérêts de sommes d’argent déjà fixés par la loi ou par contrat avant toute décision judiciaire. Il fixe leur point de départ à la date de la sommation de payer, ou d’un acte équivalent, jusqu’à parfait paiement. La demande en justice ou la demande d’arbitrage vaut sommation, faisant ainsi courir les intérêts à partir de l’assignation ou notification. Concernant le taux d’intérêt applicable, les parties peuvent choisir un taux conventionnel. S’il est excessif, ou en l’absence d’un tel accord, le taux légal sera appliqué. Celui-ci – fixé par décret et mis à jour tous les 6 mois – diffère selon que le créancier agit à titre personnel ou professionnel. Pour toute indemnité accordée par décision judiciaire et non déjà fixée, l’article 1153-1 anc. CC (1231-7 CC nouveau) s’applique pour le calcul des intérêts à compter de la date de la sentence jusqu’à parfait paiement. Toutefois, l’article donne au juge ou arbitre la faculté d’avancer la date de départ, par exemple à celle de la demande d’arbitrage. Le taux d’intérêt applicable reste inchangé.
Application du régime spécial
L’article L.441-6 anc. Code de commerce (L.441-10 nouveau) s’applique aux opérations impliquant une personne qui (1) exerce des activités de production, de distribution ou de services et (2) émet une facture dans ce cadre. Ces intérêts sont exigibles de plein droit à compter du jour suivant la date de la facture jusqu’à parfait paiement. Concernant le taux, les parties peuvent choisir un taux conventionnel. Sinon, le taux sera égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne (0 % depuis 2016), majoré de 10 points de pourcentage. Ce taux n’est pas sujet à la discrétion du juge ou arbitre et ne peut donc être réduit.
Capitalisation des intérêts
Enfin, la capitalisation des intérêts, c’est-à-dire l’intégration des intérêts échus au montant du capital qui produit des intérêts, est autorisée par l’article 1154 anc. CC (1343-2 CC nouveau) pourvu qu’elle soit prévue par convention spéciale ou demandée en justice. Il importe peu qu’au moment de la demande les intérêts soient dus pour une année entière, mais seulement que la demande vise les intérêts dus pour cette durée.
Notes :
Notes de fin
(1) Kuwait v. Aminoil, 24 mars 1982, 21 ILM 976 : sentence principale de USD 83 millions et USD 96 millions d’intérêts accordés.
(2) Born, International Commercial Arbitration, 2e Ed., chap. 23, janv. 2014.
(3) Cass. civ. 1, 3 juin 1997, n°95-18.458.
(4) CA Paris, 25 mars 2004, n°2002/20464, Fontan Tessaur v. Société ISS Abilis France.
(5) Cass. com., 2 nov. 2011, n°10-14.677.
(6) Cass. civ. 1, 12 mars 1991, n°89-19.133.