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Acquisitions au Canada, panorama des pratiques de M&A

Par Carl Bélanger, avocat associé et Morgan Guyot, avocat chez Fasken

Avec une pratique M&A assez similaire à celle des États-Unis, le Canada présente de surcroît de multiples avantages juridiques et fiscaux pour les investisseurs français. En termes de droit des sociétés, la loi québecoise est souvent privilégiée.

Le Canada attire les investisseurs français grâce à plusieurs facteurs : bilinguisme français-anglais des administrations fédérales (et usage généralisé du français au Québec), traité fiscal France-Canada avantageux, politique favorable aux investissements étrangers et traités de libre-échange avec l’Union européenne et l’Amérique du Nord (Accord États-Unis-Mexique-Canada). Les principaux secteurs d’investissement au Canada sont les nouvelles technologies, les énergies, les industries lourdes et l’exploitation des ressources naturelles. Malgré les récents développements politiques de ce début d’année, cette tendance devrait se poursuivre en 2025.

La pratique du M&A au Canada est similaire à celle des États-Unis mais présente des spécificités liées au système juridique canadien. Le Canada est un état fédéral divisé en dix provinces et trois territoires, chacun ayant son propre droit. Certains domaines relèvent de la compétence des provinces (droit des contrats, droit du travail), d’autres du fédéral (droit criminel), et certains sont partagés (droit des sociétés, droit fiscal).

S’agissant du droit des sociétés, l’une des particularités canadiennes est qu’il est possible de constituer une société sous la loi fédérale ou sous la loi provinciale. Ainsi, une société implantée au Québec peut être soit constituée en vertu de la loi fédérale soit en vertu de la loi québécoise. Même si les régimes provinciaux et fédéraux de constitution convergent, la loi québécoise est souvent privilégiée par les investisseurs étrangers car elle n’impose pas de critère de résidence des administrateurs, contrairement à la loi fédérale qui impose qu’un tiers des administrateurs soient des résidents canadiens.

Les sociétés par actions canadiennes sont d’inspiration anglo-américaine et flexibles dans leur organisation : capital variable, actions sans valeur nominale, liberté dans la création des catégories d’actions. La gouvernance est assurée par un conseil d’administration, qui peut être réduit à un seul administrateur et dont les pouvoirs peuvent être supprimés au profit d’un actionnaire unique.

Le droit des contrats relève du domaine provincial. Les provinces anglophones suivent une tradition de common law, tandis que le Québec dispose d’un code civil d’inspiration napoléonienne. Les principaux concepts civilistes occupent donc une place centrale au Québec. Le droit civil québécois présente toutefois des particularités qui le distinguent du droit français, notamment un régime de rupture contractuelle plus libéral et la présence structurée de la notion de fiducie (trust).

S’agissant du prix de vente, la majorité des transactions sont basées sur un prix estimé à la clôture, ajusté dans les 90 à 120 jours sur la base de comptes de clôture. S’il est correctement structuré, le prix d’achat payé par un acquéreur non canadien peut être rapatrié en franchise d’impôt sans avoir à vendre la société canadienne. Les clauses de locked box sont rares et utilisées dans des contextes spécifiques. 

La négociation des déclarations et garanties est centrale dans les acquisitions canadiennes. Les contrats de vente contiennent des déclarations générales, faites sous réserve d’exceptions détaillées dans des annexes de divulgation. Le concept de data room exonératoire est inexistant. Contrairement aux États-Unis, les clauses de sandbagging sont encore rares et peu reconnues devant les juridictions, surtout au Québec où la bonne foi contractuelle prime. Les assurances déclarations et garanties sont courantes, avec l’émergence de nouveaux produits d’assurance issus du marché américain.

Le calendrier d’une acquisition canadienne est généralement court. À titre d’exemple, il n’existe pas d’organe similaire au comité social et économique et aucune information-consultation d’instances représentatives du personnel n’est nécessaire dans le cadre d’une vente. Les signatures et clôtures simultanées sont la norme, sauf autorisations réglementaires préalables requises.

Les acquisitions importantes sont soumises à la loi sur la concurrence, nécessitant une notification aux autorités compétentes si certains seuils sont dépassés. Les investissements étrangers dans les entreprises canadiennes sont également soumis à un examen dans des secteurs stratégiques ou liés à la sécurité nationale, même si, hors secteurs stratégiques, les cas d’opposition sont relativement rares.