Entrée en fonction de la Chambre arbitrale de la grande distribution
La LJA s’était fait l’écho, en juin 2024 de l’ouverture prochaine de la Chambre arbitrale de la grande distribution (CAGD) (cf. LJAH 1638). Elle est désormais prête à accueillir des dossiers. Interview du président, Hervé Delannoy et du secrétaire général, Arnau Puig Tiemblo.
Que s’est-il passé depuis l’annonce
de l’ouverture de la CAGD ?
Hervé Delannoy : La CAGD est désormais installée dans des locaux situés avenue Pierre 1er de Serbie qui sont ceux de notre partenaire, la Chambre Arbitrale Internationale de Paris (CAIP) qui est chargée de l’organisation et de l’administration de nos médiations et arbitrages. Nous avons complété notre conseil d’administration. Aux côtés des fondateurs, à savoir Muriel Chagny, professeur et Franck Tassan, ancien directeur juridique de Carrefour devenu arbitre et vice-présidents, Jean-Louis Fourgoux, avocat en droit de la concurrence ainsi que secrétaire du conseil d’administration, et Daniel Diot, trésorier, qui est aussi secrétaire général de l’ILEC (l’Institut de liaison des entreprises de consommation). Nous avons adjoint différents membres reflétant la diversité du secteur de la grande distribution. D’une part, des personnalités issues du monde du droit de l’arbitrage et de la concurrence, comme le professeur Cyril Nourrissat, l’avocat spécialiste de l’arbitrage Daniel Schimmel et l’avocate médiatrice Juliette Desvaux. La distribution est également bien représentée : je suis moi-même ancien directeur juridique au sein des groupes Rallye/Casino et PPR, Franck Tassan a longuement exercé au sein du groupe Carrefour, tandis que Laurence Paquet est directrice juridique et financière de Nhood, la foncière du groupe Auchan. Font également partie du conseil d’administration Marie Even, de Cdiscount, qui est une spécialiste de la distribution numérique et Gilles Rota d’Intermarché. Nous y avons enfin accueilli Jean-Luc Bellin de L’Oréal, pour le commerce non-alimentaire et, côté alimentaire, Muriel Zevaco, du groupe Bel ainsi que Sophie Perrin, du groupe Solina, toutes les deux médiatrices.
Les règlements de médiation et d’arbitrage étaient en cours de rédaction en juin.
Que contiennent-ils ?
Arnau Puig Tiemblo : Les deux règlements sont désormais achevés. Ils comportent des échéances calendaires précises et relativement rapides. Nous les avons voulus courts. Dans le secteur de la grande distribution, il y a beaucoup d’arbitrage ad hoc, mais souvent ces procédures sont longues et coûteuses. Le règlement d’arbitrage de la CAGD entend y remédier, en privilégiant le recours à un arbitre unique pour des questions de célérité, tout en préservant l’efficacité et la maîtrise des coûts, même si les parties peuvent bien entendu choisir d’avoir trois arbitres.
H.D. : Quant aux listes d’arbitres et de médiateurs, elles sont en cours d’élaboration. Les candidats sont nombreux et nous prenons le temps à travers des réunions de finaliser la sélection. Bien entendu, les parties qui nous saisissent sont libres de choisir un arbitre ou un médiateur qui n’est pas dans la liste. La CAGD a aussi vocation, le cas échéant, à prévoir des formations si par exemple la personne choisie, issue du secteur de la distribution, n’a pas de compétence juridique ou inversement...
À quel moment la juridiction pourra-t-elle commencer à fonctionner ?
H.D. : Pour le moment, nous sommes dans une phase de communication auprès des entreprises et de leurs avocats. Nous avons élaboré un modèle de clause compromissoire (v. encadré), et nous invitons les acteurs de la distribution intéressés à l’insérer dans leur contrat. Lors des premiers contentieux qui naîtront, nous pourrons alors être saisis, ou en l’absence de clause arbitrale dans le contrat, par compromis. Il en est de même pour la médiation qui peut précéder le recours à l’arbitrage.
Quel est l’avantage de la médiation en la matière ?
H.D. : À la différence de l’arbitrage où l’arbitre tranche, dans la médiation, ce sont les parties qui définissent ensemble et acceptent les termes de la solution du litige. Dans un secteur tel que celui de la grande distribution, où les relations, souvent incontournables, ont vocation à durer, la médiation peut permettre de régler le différend de façon mieux acceptée et ainsi faciliter la poursuite de la relation commerciale plus sereinement, ce qui est très important. Un véritable effort de diffusion et de pédagogie reste cependant à mener, car la médiation est encore insuffisamment connue des acteurs de la grande distribution, alors qu’elle est très adaptée à celle-ci. Et la médiation offre l’avantage comme l’arbitrage d’une très forte confidentialité.
Cette nouvelle juridiction suscite-t-elle l’intérêt des acteurs du secteur ?
H.D. La grande distribution est à la fois un secteur très technique et fortement régulé, avec des textes qui changent souvent, laissant place à différentes interprétations et incertitudes alors que les enjeux sont importants. Le choix de l’arbitrage spécialisé a clairement l’intérêt d’ouvrir une possibilité de confier ses litiges à des arbitres qui connaissent très bien le métier, le droit applicable et peuvent ainsi donner dans des délais rapides des solutions adaptées et pourquoi pas ouvrir de nouvelles interprétations plus proches des réalités. La CAGD pourra également organiser des réflexions, sous forme de colloque, pour faire avancer le droit en la matière.
Clause compromissoire :
« Tous différends découlant du présent contrat ou en relation avec celui-ci seront tranchés définitivement suivant le règlement d’arbitrage de la CHAMBRE ARBITRALE DE LA GRANDE DISTRIBUTION (6, avenue Pierre 1er de Serbie – 75116 Paris ; tél. 01 42 36 99 65 ; www.arbitrage.org), que les parties déclarent connaître et accepter ».