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Ne bis in idem en matière fiscale : le combat continue

Par Olivia Dufour
Le 24 juin 2016, dans les affaires Cahuzac et Wildenstein, le Conseil constitutionnel a refusé de mettre fin aux doubles poursuites administrative et pénales en matière fiscale. Les explications de Claire Waquet, avocate aux conseils, qui a plaidé pour les Wildenstein.

Comment analysez-vous ce refus du Conseil constitutionnel ?
Claire Waquet : Il y a néanmoins une avancée dans cette décision, car le Conseil constitutionnel dit que les doubles sanctions sont réservées aux cas les plus graves en précisant : « Cette gravité peut résulter du montant des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des circonstances de leur intervention. » Par ailleurs, il rappelle que si le principe de nécessité des peines ne fait pas obstacle aux doubles sanctions c’est, selon sa jurisprudence constante en la matière depuis 1989, à condition que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues. Le combat n’est pas terminé, il faut s’attendre à de nouveaux recours concernant la définition des cas les plus graves justifiant les doubles poursuites.

Une autre décision importante est celle du 22 juillet 2016, dans laquelle le Conseil constitutionnel se prononce sur le fameux verrou de Bercy, autrement dit le monopole de l’administration fiscale dans le déclenchement des poursuites pour fraude fiscale…
C. W. : Dans cette décision le Conseil valide le fait que l’administration fiscale soit seule décisionnaire dans le déclenchement d’éventuelles poursuites pénales venant s’ajouter aux sanctions fiscales. Je crois qu’il faut lire les deux décisions ensemble. Le Conseil semble vouloir dire qu’il peut y avoir doubles poursuites et doubles sanctions dans certains cas au nom de l’effectivité des sanctions de la fraude fiscale, mais que la Commission des infractions fiscales (CIF) doit faire preuve du plus grand discernement car c’est sur elle et pas seulement sur le juge pénal que repose la responsabilité du principe de nécessité des peines. J’ai par exemple en ce moment le cas d’un contribuable qui s’est trompé de taux de TVA. L’administration pénale a reconnu sa bonne foi et lui a épargné les pénalités, mais le juge pénal, saisi par la CIF, a considéré à l’inverse que l’intéressé était de mauvaise foi. Ce genre de décisions contradictoires pose problème. J’ai saisi la CEDH. Il me semble que le Conseil constitutionnel, en limitant les doubles poursuites aux cas les plus graves, envoie un signal à la CIF pour attirer son attention sur les cas incertains qui risquent de donner lieu à des contrariétés de décisions.

La CEDH a déjà eu l’occasion d’appliquer à la matière fiscale le principe ne bis in idem. La France risque-t-elle une sanction si elle continue à maintenir les doubles poursuites fiscales ?
C. W. : La CEDH ne raisonne pas comme nous. Elle ne se situe pas sur le terrain de la théorie mais de la pratique. Si, dans un cas qui lui est soumis, elle constate que la France a sanctionné de manière excessive un contribuable, elle sanctionnera. Cela étant précisé, une sanction de la France est en effet envisageable. Personnellement, je pense que ces doubles poursuites posent une difficulté sur le terrain des droits de la défense. Devoir se défendre contre l’administration et parallèlement dans une procédure pénale, selon des logiques différentes et dans des délais de prescription différents, me semble une atteinte aux droits de la défense. C’est une piste encore trop peu explorée.
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