Connexion

Maria Gomri, la passionnée

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES

Maria Gomri est directrice juridique de Google France depuis 2011. Elle a rejoint le groupe il y a presque 20 ans et a été l’une des principaux acteurs de la construction du droit de l’Internet en Europe. Alors que la révolution de l’IA vient tout juste de débuter, elle aborde cette
période avec le même enthousiasme qu’à ses débuts.

Les sujets qu’elle traite au quotidien sont techniquement complexes et juridiquement nouveaux, pour la majorité d’entre eux. Malgré tout, Maria Gomri a ceci de rassurant qu’elle donne toujours l’impression d’être préparée à tout, d’être convaincue de ses arguments et de savoir où elle va. « Elle a une maîtrise aiguisée du droit du numérique », reconnaissait l’avocat Alain Bensoussan à l’occasion d’un portrait réalisé en 2019 par la rédaction de la LJA1. En six ans, le numérique a fait un pas de géant et les questions juridiques que posait la révolution Internet ont laissé place à de nouvelles : celles qu’impliquent le développement de l’intelligence artificielle. Mais pour la directrice de Google France, d’un point de vue juridique, les deux phases ne sont pas comparables, notamment en Europe. Elle explique : « Le développement de l’intelligence artificielle en Europe s’inscrit actuellement dans un contexte réglementaire dense, dont l’impact sur la capacité d’innovation des entreprises mérite d’être considéré avec attention. Si l’ambition affichée, à l’instar de la volonté exprimée par le président français de positionner la France comme une puissance de IA, est forte, la complexité et l’étendue des réglementations émanant des institutions européennes et des autorités administratives indépendantes soulèvent des questions ».

Maria Gomri affirme vouloir qu’un dialogue s’instaure pour réfléchir ensemble et de façon pragmatique, à une IA sûre, explicable et responsable. « Nous sommes aux prémices du développement de ces outils et nous ne connaissons pas encore leur potentiel. Imaginons ensemble comment l’IA pourrait être juridiquement encadrée, sans freiner son développement », propose-t-elle. Elle dit avoir toujours apprécié débattre avec les universitaires, les praticiens de droit et les régulateurs. « À défaut de toujours convaincre, il faut échanger. Il y a un vrai besoin de pédagogie sur ce que sont ces technologies », estime-t-elle.

Performance et rapidité

D’un point de vue technique, la directrice juridique est très enthousiaste face à cette nouvelle révolution qu’elle juge « ultra-stimulante ». « Je l’aborde avec la même excitation qu’il y a 20 ans, au moment du développement d’Internet », dit celle qui apprécie de comprendre la technicité des outils proposés par son groupe. Depuis trois ans, la directrice juridique France et Europe du sud est d’ailleurs également en charge de la fluidité des lancements des produits dans la zone EMEA. « Ma fonction m’impose d’avoir une vision à 360° des enjeux liés au développement d’un outil : le contexte politique, le business, les contraintes techniques, le droit en vigueur, etc. ». C’est cette approche globale qu’elle a découverte en intégrant l’un des Gafam, en 2006, après avoir débuté comme avocate. Elle avait fait ses armes chez Alain Bensoussan durant trois ans, puis avait exercé au sein du cabinet Franklin entre 2001 et 2003, avant de se lancer dans l’entrepreneuriat à la suite d’un voyage au Japon qui lui aura permis de découvrir un concept de boutique séduisant qu’elle ambitionnait d’implanter dans l’hexagone. Elle raconte que c’est cet esprit entrepreneurial et ce goût du risque qui ont sans doute convaincu Google de la recruter comme juriste, en 2006, au moment où le groupe se déploie sur le Vieux continent.

Devenue directrice juridique en 2011, elle supervise une équipe composée d’une vingtaine de juristes à l’esprit pionnier. Sans surprise, l’IA générative fait partie de leur quotidien depuis maintenant deux ans. « Nous avons tous des objectifs trimestriels et annuels d’utilisation des outils d’IA (NDLR. Gemini et NotebookLM), explique Maria Gomri. Nous les considérons comme un formidable assistant en productivité, ils nous rendent plus performants, plus rapides et plus pertinents ». Et la directrice juridique de détailler avec enthousiasme les cas d’usage qu’elle met en œuvre au quotidien, notamment pour traiter les questions techniques soulevées par les nombreux contentieux dont elle a la charge.

Elle en est persuadée : l’IA est un générateur d’idées qui vient utilement compléter le bon sens humain. « Nous attendons bien sûr de nos avocats qu’ils travaillent avec l’IA pour devenir plus efficaces et compétitifs dans leur approche des dossiers », tient à ajouter la directrice juridique.