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Flexible Anton Carniaux

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES

Anton Carniaux est assurément l’exemple inverse de la caricature du professionnel du droit rigide, enfermé dans ses livres, et déconnecté du terrain. Le directeur des affaires publiques et juridique France de Microsoft est un homme accueillant, ouvert à la discussion et doté d’une faculté d’adaptation impressionnante. Son parcours en est d’ailleurs le reflet.

Assis dans son bureau clair et aux murs transparents d’Issy- les-Moulineaux, Anton Carniaux se dévoile avec simplicité. Ses débuts, il les a faits chez White & Case dès 2001 en qualité d’avocat, spécialisé en droit de la concurrence. Un an plus tard, il rejoint le cabinet français Nomos pour développer son expertise en antitrust et, plus largement, le droit économique. Le cabinet, bien positionné sur ces sujets, la propriété intellectuelle et les hautes technologies, lui permet de proposer son expertise technique à des entreprises numériques en pleine croissance. Mais après cinq ans de barreau, l’avocat ressent une certaine frustration de ne pas faire partie de chaque étape des projets de développement des clients qu’il accompagne. « Je ne voulais pas être sur le remorqueur qui accompagne le paquebot vers le port, je souhaitais avoir ma place sur le grand navire lui-même », raconte-t-il.

En 2006, il intègre le groupe SFR en qualité de juriste, pour participer au déploiement du groupe télécoms alors en pleine expansion et dont le réseau de distribution était en cours de réorganisation. Passionné par les questions de droit économique qu’il traite, il grimpe rapidement les échelons, s’insère intelligemment dans la stratégie de croissance du groupe, pour finalement être nommé directeur juridique de la business unit SFR Business Team, dont il intègre le comité exécutif.

Le goût pour l’international

En 2013, Samsung propose à Anton Carniaux le poste de directeur juridique et conformité France. Attiré par le tournant international donné à sa carrière, le juriste rejoint le groupe coréen au moment où celui-ci prend des parts de marché conséquentes, notamment en Europe, et lance une succession de produits innovants. « La France est un marché important pour Samsung et j’avais donc une relation très suivie avec les équipes du siège, raconte le directeur juridique. C’était un moment d’effervescence extrêmement stimulant d’un point de vue juridique et réglementaire au niveau européen, qui imposait une réactivité des équipes juridiques et beaucoup de pédagogie vis-à-vis du top management ». Nommé vice-président des affaires juridiques et compliance en 2022, Anton Carniaux s’intéresse de plus en plus aux grands penseurs du droit et aux stratèges du monde des affaires des côtes Est et Ouest américaines, qu’il écoute avidement à travers une succession de podcasts. Au premier rang desquels Brad Smith, qui a intégré Microsoft comme directeur de l’équipe chargée des affaires juridiques et institutionnelles en Europe, devenu vice-chairman et président du groupe en 2015. Il raconte : « Brad Smith a permis à Microsoft de se distinguer dans les relations constructives qu’elle déploie avec les autorités de régulation et les gouvernements pour relever les défis générés par les nouvelles technologies ». Ce volet affaires publiques intéresse d’ailleurs de plus en plus Anton Carniaux, qui n’hésite pas à saisir l’occasion de rejoindre le groupe américain, à la fin de l’année 2022, comme head of corporate, external & legal affairs.

Customer Zero

Passer d’un groupe coréen à un Gafam, le mouvement a de quoi fait sourire dans le contexte géopolitique. Mais Anton Carniaux y voit surtout le momentum idéal d’intégrer un groupe en plein déploiement de l’IA générative. Les investissements financiers sont massifs, les produits les plus innovants s’enchaînent les uns après les autres, la construction de centres de données, les programmes de formation à l’IA des populations les plus variées… « Il est important de comprendre l’IA pour pouvoir l’adopter et en tirer les bénéfices », insiste le directeur juridique et affaires publiques qui annonce, pour sa part, économiser environ 90 minutes par jour de travail grâce au recours à l’IA. « Je dégage ainsi du temps pour me concentrer sur la partie la plus stratégique des dossiers, le management et le développement des équipes, l’adoption des outils IA… », décrit-il. Transformer un document Word en présentation PowerPoint, obtenir un résumé de la visioconférence organisée sur Teams, préparer ses interventions externes en fonction du profil de ses interlocuteurs, … Les membres de sa direction juridique et affaires publiques échangent beaucoup entre eux sur leurs use cases, ils se considèrent comme des « customers zero ». Ils testent actuellement l’IA agentique déployée par Microsoft qui a été développée sur des thématiques pointues, comme la conformité à l’IA Act ou DORA. Ils explorent également l’auto­nomie de l’outil, par exemple sur l’envoi de mails automatiquement rédigés. « Plus on maîtrise l’IA, moins elle inquiète », précise Anton Carniaux qui ne manifeste aucune crainte de devoir s’adapter aux changements.