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Constantin Achillas et Olivier Mesmin - « Nous sommes attentifs à être très transparents dans notre communication »

Par Anne Portmann

C’est quasiment à l’unisson que s’expriment Constantin Achillas et Olivier Mesmin, les deux co-managing partners de BCLP, qui sont de toute évidence sur la même longueur d’onde. Ils n’ont pas eu le même parcours, mais tiennent ensemble la barre pour aller dans la même direction. Leur complicité est indéniable, ce qui est assez rare pour être souligné.

C’est Olivier Mesmin qui raconte le premier son parcours. Il s’implique très tôt dans le fonctionnement des structures qu’il intègre. Notamment chez EY, où il a fait ses débuts, il a pris en charge les ressources humaines. À la faveur de la fusion du cabinet avec Andersen, il découvre chez ses confrères une véritable culture de firme et observe avec grand intérêt la manière dont ils avaient réussi à inculquer à l’ensemble des collaborateurs un sentiment d’appartenance et une forme de fierté, tout en gardant une certaine humilité. « C’était assez fascinant », se remémore-t-il. Il siège alors au comité de direction de la nouvelle entité où une vraie réflexion a lieu pour savoir s’il est pertinent que le cabinet d’avocats reste avec l’audit. Puis l’affaire Enron bouleverse le paysage du conseil et Olivier Mesmin part chez Baker McKenzie, où il rejoint le conseil de surveillance. Il y restera 11 ans et ouvre pour la firme, qui fonctionne avec un système de parrainage par un bureau existant, une antenne au Luxembourg. « Les Néerlandais avaient tenté de le faire un peu avant, mais avaient jeté l’éponge », se souvient-il. Après cette première réussite, il part en Libye pour y implanter un autre, mais cette fois le projet tourne court. En désaccord avec la nouvelle stratégie de Baker, il rejoint le cabinet Fairway, puis Franklin, et enfin BCLP, issu de la fusion entre l’américain Bryan Cave et les Anglais de Berwin Leighton Paisner. C’est alors que survient la pandémie, qui rebat les cartes. BCLP accueille néanmoins 30 personnes durant le confinement. Et c’est au sortir de cette période, en 2021, après le départ de Rémy Blain (ancien managing partner), que démarre le tandem avec Constantin Achillas.

Ce dernier, qui envisageait plutôt au départ de faire carrière comme banquier d’affaires, a commencé « un peu par accident » sa carrière chez Salès Vincent & associés, comme juriste, avant de passer le barreau. « Il fallait à l’époque des gens capables de tenir des assemblées générales en anglais » explique-t-il, avant de décider très vite de se diriger vers le contentieux d’affaires. Après un schisme dans les années 2000, beaucoup d’associés partent mais le cabinet, qui s’était entretemps rapproché de Dentons, finit par fusionner avec cette firme. Sauf que les cultures des deux cabinets sont si différentes et les synergies si difficiles à trouver, avec d’un côté Salès et sa clientèle corporate américaine, et de l’autre Dentons et ses clients de la Tech et de la finance, que de nouveaux départs sont annoncés. Constantin Achillas pointe aussi la structure atypique du cabinet, qui regroupe plusieurs partneships autour d’un Verein. « Ce n’était pas pour moi la solution, il n’y avait pas de retour, ce n’était pas vraiment motivant ».

Il décide alors de rejoindre une structure à un stade précoce de son développement sur le marché français, où tout ou presque est à faire. Ce sera Bryan Cave, qui compte moins d’une dizaine d’avocats, et n’est alors à Paris qu’un avant-poste du cabinet américain. La structure parisienne est en pleine transformation et la nouvelle génération qui s’y épanouit aspire à un changement. Constantin Achillas en devient le managing partner en 2014 et s’emploie à transformer progressivement le bureau en une structure full service. Les effectifs montent à une vingtaine d’avocats. La fusion de la firme avec Berwin Leighton Paisner en 2018 permet au cabinet d’accélérer le changement. Avec l’arrivée d’Olivier Mesmin et d’une dizaine de ses associés et leurs équipes, le nouveau duo managérial est chargé de reprendre le flambeau. « Nous faisons beaucoup de choses ensemble et nous nous challengeons », admettent les deux hommes dans un sourire, même si Constantin Achillas a davantage une inclinaison pour le recrutement et Olivier Mesmin pour les pratiques transactionnelles, et plus particulièrement l’immobilier, avec la constitution d’une des équipes les plus importantes et complémentaire du marché. Surtout, ils ont la conviction qu’ils fonctionnent mieux à deux.

Façonner une culture de firme

Au niveau global, le cabinet fonctionne avec plusieurs responsables mondiaux dans une matrice bureaux/practices : un chairman et un senior partner ainsi que des leaders pour chacune des trois pratiques phares de la firme : le corporate, le contentieux et l’immobilier. Au niveau local, les managing partners assurent la cohérence et la pertinence de l’offre sur le marché français et européen. Ils rappellent que le bureau parisien est relativement jeune, les membres les plus anciens étant presque tous arrivés en 2020. Il compte désormais 70 avocats, dont 24 associés, un cap franchit en seulement cinq ans, et espère atteindre la taille critique de 130 avocats à moyen terme. « Nous voudrions avoir au moins deux associés au sein de chaque practice », révèlent-ils, expliquant qu’après la phase de croissance, au cours de laquelle ils ont poussé pour intégrer le bureau parisien le plus possible dans les dossiers de transactions internationales, place à la phase de consolidation. « Nous aspirons à arriver au même niveau et à occuper les mêmes créneaux que des cabinets plus anciens et plus installés, expliquent-ils. Pour cela, nous investissons beaucoup et sommes très attentifs au recrutement. Nous ne souhaitons faire aucune erreur de casting ». Le cabinet est très attentif à l’accueil des impétrants : la tradition veut que les managing partners organisent un dîner d’associés en leur honneur, mais ils prennent également l’initiative d’un déjeuner avec chaque nouveau collaborateur. Quitte à étonner les arrivants, souvent agréablement surpris d’une telle attention de la tête du cabinet.

Être un modèle

Les deux associés le disent tout net : si la culture de la firme est encore en construction, ils savent ce dont ils ne veulent pas. « Pas de caractériels, ni d’ego surdimensionnés, nous voulons des gens qui n’ont pas de difficultés à travailler les uns avec les autres et se traitent avec bienveillance et respect ». Ils prennent ainsi le temps du choix et s’emploient à ce que tous souhaitent rester, avocats comme personnels salariés. Leur recette : la proximité. Les fonctions support ont d’ailleurs été complétées, en 2024, avec une responsable des ressources humaines, et une équipe facturation et marketing. Et les deux avocats, qui en tant que managers représentent le cabinet, revendiquent de faire le maximum pour se comporter comme des modèles. Leur complicité visible dissuade leurs interlocuteurs de jouer l’un contre l’autre, comme c’est souvent le cas dans les cabinets d’avocats. « Nous sommes très attentifs à être très transparents dans notre communication », expliquent-ils, convaincus que les grands dangers qui menacent l’équilibre des cabinets sont les frustrations tues et les non-dits. Ils mettent donc un point d’honneur à traiter les problèmes quand ils arrivent et s’efforcent d’être disponibles, attentifs et à l’écoute des autres. Et pour fédérer, ils ne ménagent pas leurs efforts. « Tous les 15 jours, nous organisons un petit-déjeuner avec chaque practice et l’année est marquée par deux grands évènements fédérateurs à l’occasion desquels nous nous retrouvons : la New Year Party et la Summer Party ». Il a également été créé une gazette interne et le grand espace d’accueil des locaux, ainsi que l’espace de restauration chaleureux ajoutent encore à cette convivialité.

Une stratégie qui paye, les deux associés estimant que le bilan du cabinet est plus que positif, BCLP faisant désormais le poids face à des cabinets installés depuis plusieurs décennies. Les deux managing partners ne cachent pas leur fierté d’être parvenus à un tel résultat en seulement cinq ans. T