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Cazals Manzo Pichot Saint Quentin voit loin

Par Ondine Delaunay

Dans la salle d’attente du cabinet Cazals Manzo Pichot Saint Quentin se trouve un tableau de Ben avec cette interrogation : What’s the problem ? Une entrée en matière efficace pour un cabinet spécialisé dans cette matière si technique qu’est le droit fiscal. Mais fort d’une équipe d’une vingtaine d’avocats, aussi sympathiques que rassurants, comment pourrait-on s’inquiéter ?

En emménageant, il y a quatre ans, dans les anciens locaux du cabinet Jeantet, Cazals Manzo Pichot Saint Quentin voyait loin. « Prendre la suite d’un cabinet centenaire est plutôt de bon augure », plaisantent les associés en s’installant pour l’interview dans la grande salle de réunion du cinquième étage de l’immeuble du 87 de l’avenue Kléber. C’est en tout cas une nouvelle étape que la boutique spécialisée en droit fiscal vient tout juste de franchir : celle des 10 ans.

La rédaction de la LJA avait rencontré l’équipe d’associés, en 20181. Ils étaient alors quatre à la manœuvre : Thomas Cazals et Maxence Manzo, les fondateurs historiques, Romain Pichot, arrivé quelques mois après l’ouverture du cabinet, en 2014, puis Bertrand de Saint Quentin qui les avait rejoints en 2016. Tous animés par une même fibre entrepreneuriale visant à développer une boutique généraliste en droit fiscal, véritable alternative aux grandes marques du secteur. Leur objectif était non seulement de développer une clientèle propre d’entreprises et de fonds d’investissement, tout en devenant le partenaire incontournable des cabinets non pourvus de département tax en interne ou conflictés sur un dossier particulier. Les avocats étaient issus des grandes marques de la place, notamment anglo-saxonnes, et donc rompus aux exigences propres à ces structures en termes rédactionnels, de vitesse d’exécution et de force de travail. Leurs atouts ? « Ils sont aimables, discrets et de bonne humeur », nous avait rapporté l’un de leurs confrères en 2018. « Ils sont intelligents et très agréables, avait témoigné un autre avocat. Ils apportent des solutions avec humilité et ont un vrai sens du relationnel avec le client ». C’est surtout qu’ils ont eu cette idée originale de proposer une offre de service consacrée à toute la fiscalité en excluant les autres spécialités du droit des affaires. « Nous tenons à notre indépendance et n’avons jamais eu l’intention de nous développer dans d’autres matières du droit des affaires, indiquent aujourd’hui les associés. Nous avons toujours fait preuve de loyauté et de transparence à l’égard des cabinets qui nous ont sous-traité leurs problématiques fiscales. Notre activité a donc connu une croissance exponentielle et rapide ».

Passée l’installation, les années 2019 et 2020 ont été celles de l’accélération. Notamment grâce aux arrivées de deux nouveaux associés. D’abord celle de Pierre Ullmann, l’une des références françaises de la fiscalité immobilière et transactionnelle, suivie ensuite par celle de Xavier Colard, chargé de développer une activité en fiscalité patrimoniale complémentaire à l’offre déjà proposée. Et cette équipe de six associés vient tout juste d’être rejointe par un septième, Thomas Claudel, qui adjoint une pratique remarquée en fiscalité du private equity avec un positionnement aux côtés des fonds d’investissement. Formé chez Freshfields Bruckhaus Deringer, puis Latham & Watkins, il avait rejoint l’équipe de Hogan Lovells il y a quatre ans, intervenant sur les multiples dossiers de capital développement et de LBO signés par le cabinet. Il est considéré comme une rising star par l’édition EMEA de Legal 500 et ses qualités sont remarquées par les enquêteurs : « maîtrise des sujets, clarté des explications, pragmatisme des solutions, bonne coordination avec les autres expertises ».

« Grâce à ces renforts, Cazals Manzo Pichot Saint Quentin compte désormais une vingtaine d’avocats. Notre force de frappe est conséquente, reconnaît Bertrand de Saint Quentin. Nous nous positionnons sur des dossiers transactionnels de toute taille et pour tout type de clientèle : investisseurs, entreprises et dirigeants ou managers ». L’équipe s’est ainsi fait remarquer auprès de Meogroup pour son deuxième LBO minoritaire (cf. LJA 1618), et auprès du management d’Healthy Group pour l’acquisition par Ardian d’Aprium Pharmacie (cf. LJA 1616). Romain Pichot poursuit : « Nous accompagnons également au jour le jour des grandes entreprises, françaises et internationales, dans l’ensemble de leurs problématiques fiscales. Et nous consolidons notre positionnement en matière patrimoniale ». Pierre Ullmann ajoute que « tous les associés interviennent aussi bien en conseil qu’en contentieux, c’est indispensable pour être efficaces et crédibles dans les dossiers transactionnels. Nous concilions ainsi le temps long de la pratique contentieuse avec la rapidité exigée par le conseil transactionnel ». L’offre de services s’est donc construit pierre par pierre, selon les besoins des clients et, surtout, en fonction des rencontres. Olivier Tourtoulou, directeur fiscal du groupe Axa, reconnaît « l’intelligence des recrutements réalisés sans toucher à l’ADN de la structure qui est unique sur le marché. Les associés ont un niveau de sophistication qui n’a rien à envier aux plus grands noms de la place. Ils sont sérieux, engagés et impliqués dans chaque dossier. En dix ans, Cazals Manzo Pichot Saint Quentin est sans aucun doute devenu l’une des grandes signatures de la place en droit fiscal ».

Une organisation atypique

Ce profil de boutique spécialisée en droit fiscal avait été inscrit dans la charte du cabinet, rédigée dès la création de la structure, et que tous les associés doivent signer à leur entrée dans le partnership. « Le tax c’est l’ADN du cabinet, indique Maxence Manzo. Notre positionnement généraliste est un peu en train d’évoluer car certaines expertises très pointues commencent à être développées, sur demande de nos clients, alors que l’équipe ne l’avait pas prévu au départ. Je pense notamment à la fiscalité des prix de transfert ». Il se murmure d’ailleurs qu’un associé spécialisé en ce domaine pourrait bientôt poser ses valises avenue Kléber. Xavier Colard poursuit : « Notre modèle nous permet aujourd’hui d’intégrer des avocats plus spécialisés, à l’image d’Hélène de Bollardière qui vient de nous rejoindre en qualité de counsel et qui intervient majoritairement pour le compte de grandes familles. Mais notre positionnement généraliste n’est pas impacté puisque, pour chaque dossier, nous tenons à intervenir en binôme d’associés pour assurer une meilleure qualité de service et de disponibilité ». Et la formation de ces compétences cumulées sur chaque dossier peut se révéler très originale, par exemple lorsque les associés mixent leurs positionnements institutionnel et privé dans un même dossier immobilier.

Le directeur des affaires juridiques et réglementaires de Rakuten France, Benjamin Moutte-Caruel, témoigne de cette organisation particulière qui fait ses preuves. « Leur manière de travailler est rassurante car les réponses sont rapides et pertinentes, indique-t-il. Le client mesure au quotidien l’implication des associés et des collaborateurs dans nos dossiers. Et la croissance rapide du cabinet n’a rien retiré à l’engagement des équipes, leurs rapports directs et francs avec le client. Les associés sont authentiquement sympathiques ». Il reconnaît aussi l’implication sans faille de certains collaborateurs, plus particulièrement celle de Morgan Anfray, counsel en fiscalité transactionnelle, avec lequel il travaille régulièrement.

À cet effet, il est intéressant de constater la mise en avant des collaborateurs du cabinet. Contrairement à la majorité des autres structures, ceux-ci sont mis en première ligne face aux clients et interviennent à chaque étape des dossiers. Chacun des sept partners partage même son bureau avec un ou deux collaborateurs. Et tous les six mois, tous les bureaux tournent. « C’est notre petit côté start-up, plaisante Thomas Cazals. À nos débuts, l’objectif était d’apprendre à nous connaître, à travailler ensemble, pour forger l’intuitu personae du cabinet. Dix ans plus tard, nous conservons cette organisation qui nous paraît également très formatrice pour nos collaborateurs qui nous voient travailler, échanger avec les clients, négocier avec nos confrères, facturer, etc. » C’est aussi une façon judicieuse d’impliquer les jeunes avocats dans le développement de la structure : en voyant les associés s’engager au quotidien, ils apprennent leur métier, développent leurs capacités et leurs perspectives de déploiement au sein de celle-ci. Cette proximité est un argument majeur dans les recrutements des nouvelles recrues qui cherchent aujourd’hui à se former différemment.

Préparer l’avenir

Dix ans après la création de Cazals Manzo Pichot Saint Quentin, il s’agit aujourd’hui de parler d’avenir. « Si votre plan est pour un an, plantez du riz, disait le philosophe chinois Conficius. Si votre plan est dix ans, plantez des arbres. Si votre plan est de cent ans, éduquez vos enfants ». Manifestement, les associés de la boutique semblent avoir leur horizon bien en tête. Bertrand de Saint Quentin explique : « Par-delà l’adjonction de compétences plus spécialisées, nous avons un vrai projet de développement interne. Nous tenons à faire monter en compétences nos collaborateurs avec comme objectif leur association ». L’une des plus anciennes collaboratrices de la boutique, Aurélie Urvois, a grimpé une à une toutes les marches de ce parcours interne avec brio. Elle pourrait d’ailleurs être cooptée au rang de counsel à la fin de l’année. Or, ce statut constitue l’antichambre de l’association. Durant deux ans, chaque counsel est coaché plus spécifiquement par l’un des associés qui lui confie un périmètre de dossiers à développer, lui apprend à se faire davantage connaître des clients, à faire du business développement…

Le counsel Morgan Anfray pourrait d’ailleurs être le premier interne à accéder à l’association. L’avocat a en effet rejoint la boutique, en janvier 2015, un an avant de prêter serment et a bénéficié d’une formation sur-mesure des associés. Benjamin Moutte-Caruel indique d’ailleurs que Morgan Anfray intervient régulièrement sur les dossiers « avec le même sérieux que les autres associés. Il est au courant de chaque avancée et constitue donc un référent naturel pour moi ». L’équipe est également très fière de l’arrivée récente d’Hélène de Bollardière qui a développé une véritable expertise en matière de successions internationales complexes ainsi que sur les problématiques fiscales des trusts. Elle pourrait également suivre la même voie vers l’association.

« Notre objectif est assurément de faire croître le cabinet, indique Romain Pichot qui vise une taille d’environ 30 avocats. Mais notre principal enjeu est de voir nos collaborateurs se transformer en associés pour porter, demain, les valeurs et la croissance de Cazals Manzo Pichot Saint Quentin ». T

(1) Cazals Manzo Pichot, le collectif avant tout, in LJA magazine, septembre-octobre 2018