Capgemini mise sur la direction juridique du futur
En 2020, sous l’impulsion de son nouveau directeur général Aiman Ezzat, Capgemini a dévoilé sa nouvelle tag line : « get the future you want ». Plus qu’une signature, ce slogan incarne l’état d’esprit et l’énergie des équipes du groupe de conseil de la transformation numérique, des services technologiques et d’ingénierie. Au premier rang desquelles : la direction juridique. À sa tête Maria Pernas Martinez, une femme inspirante.
Le regard franc, sans faux-semblant, Maria Pernas Martinez respire l’intelligence. Elle est souriante, discrète, posée, féminine et formidablement chic. Même son parfum est envoûtant et rassurant. Elle vient d’ailleurs d’être nommée dans le Top 100 des femmes dirigeantes en Espagne, dans la catégorie Top 10 à l’étranger. Une consécration pour celle qui a grandi à côté de Saint-Jacques de Compostelle, puis à Madrid, avant de suivre son mari à Paris en 2008. Autour d’elle, son équipe de management resserrée est conquise et ne cesse de mettre en avant sa personnalité et sa vision d’avenir pour la fonction juridique au sein du groupe Capgemini. Car c’est bien elle qui a mené la transformation du département, en prenant ses fonctions en juillet 2017, à l’aube de l’OPA sur Altran qui a conféré au groupe une autre dimension et lui a donné le titre de leader mondial de l’industrie intelligente au service de la transformation numérique des entreprises. Miguel Viedma, le directeur juridique adjoint de Capgemini, qui avait exercé à ses côtés au préalable au sein du groupe Atos, témoigne : « Maria est focalisée sur l’avenir et, dès son arrivée, elle a souhaité réfléchir à la direction juridique du futur ». Prenant la suite d’Isabelle Roux-Chenu, qui avait créé la fonction juridique 23 ans plus tôt au sein du groupe, elle devait être celle qui allait accompagner la direction juridique à l’étape d’après. « Le secteur d’activité dans lequel nous opérons évolue extrêmement rapidement. Aujourd’hui nous parlons d’intelligence artificielle. Mais nous ne savons pas encore ce que nous traiterons demain. Notre groupe doit s’adapter sans cesse aux mutations technologiques, sans oublier le contexte géopolitique international qui est mouvant et l’inflation réglementaire toujours plus prégnante. La direction juridique doit accompagner ces évolutions avec proactivité et agilité », lance-t-elle avec conviction.
UN PLAN DE TRANSFORMATION GÉRÉ EN PLUSIEURS ÉTAPES
S’appuyant sur une forme de management innovante pour le département, la nouvelle directrice a très vite souhaité donner des perspectives à son équipe. Elle a donc pris le temps d’aller à la rencontre de ses collaborateurs, toutes séniorités confondues, pour les interroger et mieux les connaître. « Les nouvelles générations ont beaucoup de choses à dire, elles débordent d’idées. Les jeunes sont l’avenir de nos entreprises », affirmet- elle. Le plan de transformation est donc d’abord passé par l’écoute des 350 salariés de l’équipe juridique et des 400 de la division de gestion commerciale et contract management. « J’encourage tous mes collaborateurs à oser lever la main et à se créer des opportunités pour la gestion de leur carrière et leur promotion », explique la directrice. Elle considère que son rôle est de créer un cadre pour permettre aux salariés de continuer à apprendre chaque jour, pour développer leurs ambitions et elle les incite à proposer de nouveaux projets qu’ils piloteront eux-mêmes. « Dream big » est l’un de ses mottos et c’est ainsi qu’elle a elle-même toujours conçu son parcours. « Maria encourage l’esprit entrepreneurial, elle donne les moyens et les outils à ses équipes pour voir plus grand », témoigne Hassan Elmiligui, head of legal operations du groupe. Il est d’ailleurs bien placé pour le savoir puisque, avec le soutien de la directrice juridique, il a lui-même créé la fonction de legal ops au sein du groupe en 2020, après une expérience de deux ans en Inde en tant que corporate support hub manager. « Je suis convaincu que les legal ops façonnent la dynamique du domaine juridique dans son statut moderne, permettant ainsi aux professionnels du droit d’accomplir leur mission », explique-t-il. Il a été l’un des rouages essentiels du plan de transformation de la DJ, apportant aux équipes la technologie et les outils numériques pour être plus efficaces et agiles. Une plateforme extrêmement perfectionnée a ainsi été développée comprenant un logiciel de gestion des filiales, de la data, des contrats, ainsi qu’un moteur de recherche avancé permettant d’effectuer des investigations au sein même des documents archivés. La plateforme intègre également le déploiement de legaltechs et le legal design, et facilite en outre l’intégration des nouveaux collaborateurs sans oublier la formation permanente des juristes Bref, le knowledge management de demain. « Je crois fortement à l’intelligence collective, indique Maria Pernas. Notre organisation ne doit pas empêcher l’agilité et la célérité du traitement des questions, car dans le contexte de globalisation actuel, par-delà la technicité, c’est la vitesse qui fait la différence ». Dans cet objectif d’efficacité, quatre unités ont donc été structurées : la direction juridique du siège, les directions juridiques au niveau des pays, mais également un global legal network permettant de gérer certains sujets techniques de manière transversale (comme la recherche en nouvelles technologies qui est directement gérée par Miguel Viedma), enfin le global legal center qui est un centre d’excellence technique et juridique visant à faire grandir la collaboration entre les différentes équipes juridiques dans toutes les régions du monde. Il se compose de trois implantations – en Inde, en Pologne, au Guatemala – chargées d’industrialiser certaines initiatives en développant, pour le reste de l’organisation, des tâches juridiques à moyenne et forte valeur ajoutée. Mais attention, on n’est loin de l’offshoring. Ces centres sont composés de talents, souvent titulaires d’un double diplôme, venant du monde entier. Et la moyenne d’âge du juriste de Capgemini est assez jeune : 36 ans. « La mobilité géographique est encouragée au sein du groupe. On ne cantonne pas l’innovation juridique à un pays. Nos juristes ont tous de belles opportunités de carrière », prévient la directrice. Le mode de fonctionnement est très international, tout comme la gestion des talents. « Nous nous entourons des collaborateurs les plus talentueux, peu importe leur nationalité ou le lieu où ils se trouvent », poursuit-elle. Et l’exercice de la profession d’avocat n’est pas un pré-requis même si c’est souvent le cas et Isabelle Rivière, group legal director M&A, en est d’ailleurs le reflet. Elle a débuté comme avocate, formée cinq ans au sein des équipes de Latham & Watkins. Béatrice Delmas- Linel a, elle-aussi, eu une belle carrière au sein de grands cabinets d’avocats (August Debouzy, Osborne Clarke) avant de rejoindre, il y a un peu plus d’un an, le groupe comme general counsel France, Morocco, south & central Europe. Et pour animer tous ces collaborateurs, les faire échanger et assurer une ambiance bienveillante, a été fondé un department of joy, doté d’un petit budget permettant de développer des initiatives de pro-bono, des activités dans le domaine social, mais également de financer des afterworks, des cours virtuels de yoga, de nutrition et même de zumba !
LE PLAN STRATÉGIQUE VALIDÉ CHAQUE ANNÉE PAR LE CEO
Mais la transformation de la direction juridique n’a pas été faite en vase clos. Elle s’intègre à un plan de déploiement du groupe, conçu par son directeur général, Aiman Ezzat, et mené par un comité exécutif groupe dont Maria Pernas Martinez fait d’ailleurs partie. Tous les ans, cette dernière présente un plan stratégique de développement au CEO, à l’instar des autres business unit opérationnelles. Elle détaille : « Ce plan débute par une analyse de l’environnement macro-économique et de l’évolution de notre industrie durant les derniers mois. Il s’inspire des problématiques soulevées par les administrateurs qui se montrent de plus en plus attentifs à la digitalisation des process, aux questions d’ESG et à la pression réglementaire ». La directrice prend en compte également une enquête mensuelle auprès des collaborateurs pour s’imprégner au maximum de l’ensemble des sujets qui les intéressent. « Le plan détaille ensuite comment il convient d’adapter notre organisation interne pour accompagner le plus efficacement possible ces nouvelles problématiques et les autres parties prenantes du groupe », poursuit-elle. Ainsi, a été créée la fonction de group legal sustainability en 2021, ainsi qu’une legal sustainability academy. « Le groupe Capgemini a pris des engagements très forts en matière ESG et la direction juridique doit être au niveau pour accompagner les besoins identifiés », affirme-t-elle avec une conviction non feinte. Le plan stratégique comporte en outre un volet baptisé « Make or buy », qui vise à définir quels sont les besoins en termes d’externalisation auprès des cabinets d’avocats. Ceux-ci sont sélectionnés au travers d’un programme de certification, mené main dans la main avec la direction des achats, qui est différent d’un panel en ce qu’il est plus flexible et moins engageant. Il permet surtout de développer une relation de proximité entre le groupe et ses conseils. « Ils doivent nous connaître par coeur, explique la directrice juridique sans concession. Ils doivent savoir les sujets sur lesquels nous travaillons et ceux sur lesquels nous nous pencherons demain pour pouvoir nous faire bénéficier de leur valeur ajoutée ». La relation avec ses avocats, Maria Pernas la conçoit comme un véritable partenariat de confiance réciproque.
CAP SUR LA DIRECTION JURIDIQUE DE 2026
En 2018, quelques mois après son arrivée, Maria Pernas Martinez a conçu la direction juridique de 2022. Elle s’attelle désormais, avec son équipe, à construire celle du futur, celle de 2026. Et les quelques éléments révélés laissent à penser que la direction juridique de 2026 sera hybride. Bien sûr en termes de modes de travail, puisque la pandémie a accéléré le télétravail, mais également en termes de profils de salariés. « On ira peut-être chercher des profils qui n’ont pas de diplôme en droit, mais qui auront des compétences pointues en data analytics par exemple », lance-t-elle dans un sourire. Elle poursuit : « Aujourd’hui, nous nous entourons de juristes qui sont dédiés à temps plein à une fonction, à une tâche. Demain, l’organisation sera peut-être plus alternative et on travaillera en mode projet avec une équipe globale, digitale et bien sûr internationale ». L’objectif étant toujours de dérouler la road map opérationnelle définie par le CEO, avec célérité, énergie et engagement. « Nous devons être ambitieux, dans le respect de nos valeurs, conclut la directrice juridique. Il faut oser ! ».