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BCLP, la métamorphose

Par Anne Portmann et Aurélia Granel

Quatre ans après la fusion de l’Américain Bryan Cave et du Britannique Berwin Leighton Paisner, le bureau parisien de Bryan Cave Leighton Paisner s’étoffe et change de dimension. Rencontre avec les deux managing partners, Constantin Achillas et Olivier Mesmin, dans leurs nouveaux locaux, à la mesure des nouvelles ambitions du cabinet.

D’une même voix et sans jamais se couper la parole, Constantin Achillas et Olivier Mesmin, partners en charge du bureau parisien de BCLP, ne sont pas trop de deux pour raconter l’histoire du cabinet. Celui qu’ils sont en train de reconstruire, avec les 16 autres associés parisiens. Contrairement à la majorité des cabinets internationaux, explique Constantin Achillas, BCLP n’est pas un agrégat de bureaux locaux, regroupés au sein d’un verein suisse, mais un véritable partnership intégré : mêmes process, système informatique unique, etc. Une fusion véritable. Pas de compétition entre les différents bureaux donc, mais une « saine émulation ». Et, au sein de la firme, une valeur cardinale : avoir, pour les associés, la même considération que pour les clients. Le chemin est donc tracé pour ce cabinet mondial issu de fusions successives.

UNE IMPLANTATION FRANÇAISE EN PLUSIEURS ÉTAPES

Le cabinet américain Bryan Cave, fondé au XIXe siècle à Saint-Louis (Missouri), souhaitait assurer sa présence sur le vieux continent depuis un moment. Il a finalement ouvert, en 2008, un cabinet à Paris, fondé par deux Américains francophiles, afin de suivre les intérêts de leurs clients en France. « Un simple avant-poste », estime Constantin Achillas. Cette implantation s’inscrivait dans un mouvement général, mais la firme n’avait pas encore de véritable ambition sur le marché français. Elle avait fusionné l’année précédente avec le cabinet américain Powell Goldstein, basé à Atlanta, puis s’était rapprochée de Holme Roberts & Owen, installé dans le Colorado, en 2012. C’est seulement à partir de l’année 2013 que Bryan Cave a voulu faire de son antenne parisienne un bureau de plein exercice et attirer des clients français. Pour mener son projet à bien, le cabinet recrute alors quelques nouveaux profils chargés de développer les pratiques locales.

C’est à ce moment-là que Constantin Achillas, en provenance du cabinet Dentons, rejoint le bureau pour prendre la tête du département litigation. Le cabinet poursuit sa lancée et continue à se développer, jusqu’à doubler sa taille, passant de 10 à 19 avocats, dont 6 associés. En 2015, c’est Rémy Blain, associé spécialisé en fusions-acquisitions de Marvell Avocats, qui est tenté par l’aventure. Il est suivi, l’année suivante, d’Antoine Martin, associé spécialisé en M&A et distressed M&A, en provenance d’Eversheds. Mais les recrutements commencent à se tarir, malgré le dynamisme des nouveaux venus qui annoncent vouloir dépasser les 50 avocats d’ici deux ans, avec des arrivées en financement, immobilier, fiscal et compliance. Fin 2017, Bryan Cave franchit une étape décisive.

La firme américaine, forte de 900 avocats, se rapproche du britannique Berwin Leighton Paisner, composé de 500 avocats. La complémentarité des couvertures géographiques de BLP et de Bryan Cave est sans équivoque. L’américain est assez peu positionné en Europe et en Asie, avec une centaine d’avocats en dehors des frontières américaines. BLP compte quant à lui des bureaux importants à Londres, en Allemagne et à Hong Kong. « Il y avait assez peu de conflits d’intérêts car, par exemple, contrairement à son homologue, Bryan Cave n’était pas présent au Moyen-Orient. Leurs seuls bureaux communs étaient en Asie et en Allemagne », observe Constantin Achillas. L’entité fusionnée change de paradigme et entend prendre une position importante sur le marché français rapidement et, grâce à sa présence au Royaume-Uni, en Allemagne et désormais en France, devenir un acteur incontournable.

Et si les rapprochements transatlantiques sont toujours un peu compliqués au début, notamment pour des questions de différence de modes de rémunération, celle-ci semble apporter satisfaction à l’équipe parisienne qui annonce que la fusion lui offre les moyens de ses ambitions de développement. Sous l’acronyme de BCLP, le bureau parisien change de dimension et multiplie les arrivées. Il va même jusqu’à doubler de taille en janvier 2020, lorsqu’il est rejoint par une équipe de sept associés, accompagnés de leurs collaborateurs, en provenance du cabinet Franklin. Henry Ranchon et Laurent Schittenhelm (immobilier transactionnel), Christine Daric et Olivier Mesmin (corporate tax à dominante immobilière), David Blondel et Olivier Borenstejn (financement), ainsi que Jean-Pierre Delvigne (droit public des affaires et énergies renouvelables) posent leurs valises. Le bureau parisien trouve ainsi une équipe immobilière à la hauteur de l’offre existante dans les bureaux britanniques et allemands de la firme. Mais ce n’est qu’une première pierre à l’édifice. Quelques semaines plus tard,

BCLP solidifie son offre corporate/M&A avec le recrutement de Christian Sauer, qui officiait chez Franklin. Enfin, en avril 2020, le cabinet annonce l’arrivée de deux nouvelles équipes : Julie Catala Marty, chargée de créer un département en droit de la concurrence, ainsi que Claire Fougea et Marion Brière-Ségala, pour renforcer le pôle social. En octobre, c’est Pierre Popesco et son équipe qui quittent CMS Francis Lefebvre, faisant de BCLP l’une des plus importantes équipes de la place en immobilier avec sept associés. Avec 70 avocats et juristes, dont 15 associés, le bureau est alors actif sur la majorité des spécialités de droit des affaires.

UN NOUVEAU DÉPART

Mais l’expansion va un peu vite. L’intuitu personae n’a sans doute pas eu le temps de se construire, notamment à cause de la pandémie qui a mis entre parenthèses les rapports sociaux pendant plusieurs mois. D’autant plus que les locaux historiques sont trop exigus pour accueillir le flux et le cabinet est coupé en deux, opérant sur deux sites assez éloignés l’un de l’autre, l’un dans le VIIIe et l’autre dans le XVIe arrondissement, ce qui n’a pas facilité l’organisation interne durant la pandémie. « C’était un véritable défi de gérer cette forte croissance en période de crise sanitaire. En termes d’intégration, le challenge n’a pas été aisé », se souviennent les deux associés. L’alchimie entre les équipes ne se crée pas et, fin 2020, est annoncé le départ du managing partner, Rémy Blain, et de son équipe, pour fonder le bureau parisien d’Addleshaw Goddard. Une douche froide. Mais Constantin Achillas et Olivier Mesmin, nommés co-managing partner du cabinet en janvier 2021, se retroussent les manches et repartent en campagne pour reconstituer tous les pôles. Pendant ce temps, au niveau global, la firme va aussi de l’avant.

Elle a lancé, avec l’appui de McKinsey, le programme Advance, une série de réflexions sur l’avenir du cabinet qui aboutit à l’élaboration d’un plan stratégique comptant 3 axes de développement au niveau global. Le premier pôle s’intitule complex midcap transactions et regroupe les opérations de midcap multi-juridictionnelles, le M&A, le fiscal, le corporate, le financement et le restructuring. Le deuxième est l’immobilier comme classe d’actifs qui couvre l’ensemble des aspects de l’investissement immobilier, c’est-à-dire son financement, son acquisition, sa structuration fiscale, les opérations de construction ou encore le contentieux. Le troisième axe, litigation & investigation, comprend le business and corporate litigation dont la concurrence et le droit social. Ces vecteurs de croissance qui concernent tous les bureaux de la firme, permettent cependant une certaine marge de manoeuvre pour s’adapter aux spécificités du marché français.

C’est dans ce cadre qu’interviennent de nouveaux recrutements parisiens. « Sans ignorer les opportunités qui se présenteront, nous allons nous développer en accord avec les trois axes stratégiques définis par la firme au niveau mondial : l’immobilier, le transactionnel, ainsi que le contentieux et l’arbitrage. Notre bureau regroupe pour le moment plus de 60 avocats et nous visons à atteindre entre les 80 et 100 d’ici 5 ans », annonce le duo parisien. Ces perspectives de développement attirent les candidats. En février 2021, Didier Bruère-Dawson, en provenance de Brown Rudnick, est chargé de fonder un pôle restructuring. Quelques mois plus tard, est annoncée l’arrivée de Philippe Métais et d’Élodie Valette de White & Case, pour renforcer l’activité en contentieux et investigations, puis un mois plus tard, celle de Frédéric Jungels, en provenance d’Allen & Overy, pour continuer à développer le M&A.

UN NOUVEAU VAISSEAU AMIRAL

Les équipes ont déménagé, au mois de janvier 2022, dans des locaux adaptés à leurs ambitions de croissance, au coeur du IXe arrondissement de la capitale, rue La Fayette. Les deux co-partners ne cachent pas leur joie d’avoir, enfin, investi les lieux, après des mois de travaux. La perspective du déménagement a d’ailleurs fédéré les équipes et créé du lien. « Nous sommes assez participatifs et aimons bien demander l’avis de tous les associés. Pour cet aménagement, deux associés ont été plus particulièrement en charge des nouveaux locaux, faisant des reportings réguliers sur l’avancement du projet, sur le choix des couleurs, des matériaux du mobilier. Et nous avons aussi demandé à tous les collaborateurs de participer », expliquent-ils. BCLP partage désormais un immeuble entier, flambant neuf, avec le cabinet de conseil Ekimetrics.

Un vaste hall de réception commun, comportant des espaces confortables, ouvre sur une client suite, des salons de réunion confortables et modulables qui permettent de recevoir les clients en toute confidentialité. Malgré les augures qui prédisaient la réduction de la surface des locaux, y compris chez les avocats, BCLP a fait le choix de la taille. « La visioconférence ne permet pas de restituer la communication non verbale, qui fait le sel de la relation client-avocat », estime Constantin Achillas. Un escalier et un ascenseur desservent deux étages de plateau. Celui du deuxième étage, d’une surface de 1 300 m2, est d’ores et déjà opérationnel. Le premier étage est encore en travaux, mais cela n’a pas empêché les avocats d’investir les locaux. D’une taille équivalente, le plateau du premier étage devrait être occupé à moitié à partir du 2e semestre 2022.

L’autre moitié sera louée en bail précaire et devrait être récupérée à l’horizon 2024. « Cette réserve foncière est rassurante pour notre développement dans les années à venir, elle nous assure que nous aurons les capacités d’accueillir confortablement de nouveaux entrants », indique Olivier Mesmin. Car le cabinet qui compte aujourd’hui quelque 70 avocats va encore s’étoffer d’ici les prochains mois. La firme a d’ailleurs mis en place une nouvelle politique de rémunération, correspondant davantage au niveau du marché, pour être attractive. Des cooptations sont prévues et les services support vont aussi monter en puissance. « La dynamique est lancée et je pense qu’il sera intéressant, qu’à un moment, nous ayons un directeur ou une directrice des ressources humaines aux côtés de notre secrétaire générale. Plus le cabinet grossit, plus nous aurons des besoins », note Olivier Mesmin. Après deux ans de confinement et tous ces bouleversements, les nouveaux associés tiennent à créer de fortes synergies entre les équipes, tant au niveau français, qu’international.

Bryan Cave Leighton Paisner (BCLP)