Connexion

Arash Attar-Rezvani, la révélation

Par Ondine Delaunay

Le parfumeur du paradis. C’est la traduction d’Attar en persan. Un patronyme poétique qui a construit une belle et forte personnalité. Arash Attar-Rezvani n’a pourtant pas choisi la voie la plus aisée en devenant avocat d’affaires au sein de la firme américaine Skadden Arps, mais il a su tirer parti de son éducation, pour le moins exceptionnelle, de son honnêteté et de son altruisme pour parvenir à faire aujourd’hui partie des meilleurs.

Son originalité, il la doit d’abord à sa famille franco-iranienne. Son père, Abbas Attar, était l’un des photojournalistes les plus réputés de sa génération. Membre de Sipa Press, puis de Gamma et de Magnum Photos, il a couvert de multiples conflits et révolutions avant de s’engager dans un travail sur les religions et la spiritualité. Sa mère les élève, lui et son frère jumeau, dans le Berry, près de Bourges, dans un hameau regroupant cinq ou six maisons pourvues d’enfants de nationalités diverses. « Nous avons tous grandi ensemble, comme une vraie famille. Nous partagions nos cultures et apprenions les uns des autres », se souvient-il. En soulevant légèrement son sourcil gauche, comme pour capter l’attention de son interlocuteur, il poursuit son récit : « L’été, ma mère prenait sa petite voiture et nous traversions l’Europe pour découvrir ses richesses ». À leurs 12 ans, elle les fait traverser les îles Galapagos en bus. Ils vont ensuite vivre une dizaine jours avec les indigènes en Amazonie, mais aussi pêcher le saumon en Sibérie… « Nous avons eu une enfance idyllique », lance-t-il avec joie. Et quand leur père rentre en France, il leur raconte ses voyages à l’autre bout du monde et leur présente ses amis de l’agence Magnum : Henri Cartier-Bresson, Josef Koudelka, Salgado, Marc Riboud ou encore Raymond Depardon. « À force d’avoir côtoyé ces grands professionnels qui ont une vision singulière du monde, je crois qu’ils m’ont inculqué une forme de sensibilité et de créativité qui m’inspire dans mon exercice d’avocat », expliquait-il à la rédaction il y a quelques mois1.

À ses seize ans, la famille s’installe à Paris. Arash Attar-Rezvani est alors conseillé par une orientatrice scolaire qui lui suggère un parcours juridique. « Le déclic à l’université a été immédiat, raconte-t-il. Il me semblait naturel de me diriger vers le droit international puisque je parlais déjà plusieurs langues ». Sa licence est menée à Paris XII. Durant l’année, il part en Erasmus à l’université de Leiden, aux Pays-Bas. Pour sa maîtrise, il choisit de rejoindre Paris I. « C’était la formation la plus réputée en droit international. En tant qu’enfant d’immigrés, on m’a appris à toujours donner le maximum de moi pour réussir. Je savais qu’il me fallait aller dans la meilleure formation pour me donner la chance d’aller encore plus loin », raconte-t-il. Loin d’être présomptueux, l’étudiant fait preuve très tôt d’une force de travail considérable et il intègre Oxford en 2000 pour un LLM.

Une intelligence des situations

« Au sein de l’université, il y avait une grande bibliothèque où je passais mes journées, se souvient Arash Attar-Rezvani. Sur une des étagères, trônait le dernier numéro de la revue The Lawyer avec en couverture le titre : « Pierre Servan Schreiber quitte Sullivan & Cromwell pour rejoindre Skadden Arps ». Bien sûr je ne connaissais pas Pierre, mais j’ai tenté ma chance et j’ai postulé chez Skadden pour un stage ». C’est Xenia Legendre, alors counsel au sein du bureau parisien de la firme américaine, qui lui fait passer son entretien par téléphone. « Avant d’y aller, j’ai dû couper mes cheveux longs que je portais alors avec fierté », évoque l’avocat en riant, photos à l’appui.

Arash Attar Rezvani intègre Skadden Arps le 1er septembre 2000, à l’âge de 23 ans. « Sept mois de stage, neuf nuits blanches et plusieurs dossiers d’IPO signés », raconte-t-il. Galvanisé par cette expérience, il enchaîne ensuite comme collaborateur au sein de l’équipe capital market, puis il est initié au M&A par Pierre Servan Schreiber. « Pierre est charismatique et magnétique. Il me donnait envie de me surpasser, tout en continuant à rigoler tous les jours ensemble », explique l’avocat qui dit s’inspirer de lui, toujours aujourd’hui, en essayant de s’amuser au quotidien dans son métier. « Je veux être la même personne dans ma vie personnelle et professionnelle. J’ai la chance de travailler sur des dossiers exceptionnels grâce à des clients qui me font confiance et que j’estime. Ils me portent dans mon quotidien et m’apportent beaucoup de joie ».

Pierre Servan Schreiber témoigne à son tour : « La chance de ma vie professionnelle est d’avoir eu des collaborateurs de premier rang, dont Arash faisait partie. Il a toujours été facile et agréable de travailler avec lui car il a une grande intelligence des situations. À l’image de ses quelques confrères parisiens d’origine iranienne, il fait preuve de finesse, de culture et a une éducation très élevée ».

Pour parfaire sa connaissance des méthodes de travail du cabinet, Arash Attar Rezvani demande à faire un LLM à Colombia. Une année 2006 durant laquelle il exerce en parallèle au sein du bureau New yorkais de Skadden. « C’était l’occasion de me challenger et de me frotter aux plus grands associés de notre cabinet au niveau mondial », explique-t-il. Il y rencontre Paul Schnell, une légende du M&A transactionnel, qui l’a beaucoup soutenu dans sa carrière.

Un bon négociateur

En 2007, Arash Attar Rezvani est de retour à Paris. C’est le début de la crise financière mondiale qui grippe, durant plusieurs mois, les dossiers M&A large cap. L’avocat a alors le temps de se consacrer au développement de sa propre clientèle. Et c’est Pierre Servan Schreiber qui lui met le pied à l’étrier en lui confiant un dossier personnel pour un groupe malgache baptisé Axian. Le courant passe rapidement avec le client, qui finit par lui confier toute la diversification de son activité et son déploiement en Afrique. Le groupe pèse aujourd’hui près de 2 milliards de dollars et est devenu un fidèle client de la firme Skadden Arps.

Arash Attar Rezvani est d’un naturel très sociable et c’est à l’occasion d’un dossier qu’il rencontre Xavier Niel et Thomas Reynaud, dont le groupe devient aussi l’un de ses clients fidèles. Il a ainsi récemment accompagné Atlas Investissement – un véhicule dédié au secteur des télécoms et détenu par Xavier Niel – pour son OPA sur Millicom International Cellular (4,4 md$). Il a également conseillé Iliad pour la conclusion d’un accord avec Phoenix Tower International. On l’a aussi remarqué auprès de L’Occitane Groupe et Reinold Geiger dans le cadre de l’OPA sur L’Occitane International (6 md€), mais aussi aux côtés d’Intelsat lors de son rachat par l’opérateur de satellites commerciaux luxembourgeois SES (3,1 md$). Bref, l’année 2024 a été plutôt excellente pour celui qui a été coopté au rang d’associé de la firme américaine en 2018.

« Pour exercer mon métier, j’ai un état d’esprit proche de celui d’un banquier d’affaires, explique l’avocat. Je n’ai pas un nom de famille qui m’ouvre les portes de l’establishment, mais je cherche toujours à mettre les gens en relation. Je pense constamment à mes clients et tente de susciter des deals pour eux ». Le business développement constitue une grande partie de son activité quotidienne. « Ce n’est pas une science, explique-t-il. C’est un art et, plus encore, un mindset ».

Bien sûr Arash Attar Rezvani est ambitieux, mais il n’est pas agressif ni arriviste. Il ne met pas son ego là où il ne faut pas. Et il n’hésite pas à reconnaître beaucoup travailler pour s’assurer d’être toujours sur-préparé. « Je l’ai appris d’Armand Grumberg qui a été d’une grande aide dans ma carrière. Il est très technique et est un négociateur hors pair. Comme lui, je travaille tous mes rendez-vous en amont. J’écoute mes clients et je les rassure ». Ingo Dauer, le directeur juridique du groupe L’Occitane, qui le connaît depuis plusieurs années, vante la fiabilité de l’avocat. « Arash anticipe toujours tous les problèmes qui pourraient survenir lors d’une négociation. Il comprend l’esprit des transactions, il maîtrise les débats en restant toujours poli mais ferme, et son éducation très internationale lui permet de s’adapter aisément à la nationalité des cocontractants. Nous parlons le même langage, j’ai toute confiance en lui ». Transparence et honnêteté sont les deux qualités qui ressortent de la personnalité de cet homme, profondément spirituel et qui confie que la découverte tardive de sa foi a transformé la façon dont il vit son travail.

Et l’avenir ? « Il est chez Skadden bien sûr ! » lance-t-il en assurant être fier d’être le seul associé parisien à avoir conduit sa carrière entière au sein de la firme. « J’ai Skadden dans le sang, poursuit-il. C’est mon ADN ». 

(1) Ces avocats d’affaires passionnés, in LJA magazine, mai-juin 2024.