"Rares sont les avocats, même les plus brillants juristes, qui démontrent dès leurs débuts une réelle aisance à l’oral"
Par
3 questions à Anne Girard, Présence et Parole en public(s)
L'avocat est-il un orateur né ? Pas si sûr... Prendre la parole reste pour beaucoup une difficulté. Le programme « Présence et Parole en Public(s) » aide les professionnels du monde des affaires à rendre leurs interactions par la parole plus efficaces. Présentation avec Anne Girard, co-fondatrice du programme.Votre approche s’appuie principalement sur le jeu. En quoi cela consiste ?
Anne Girard : Le jeu est une activité universelle (même les animaux jouent !) qui a une puissance pédagogique reconnue par la psychologie et les neurosciences. Le jeu permet au cerveau de développer des capacités d’adaptation et de nouveaux comportements. Jouer est une expérience sécurisée et sécurisante (par le cadre et les règles du jeu), et qui procure du plaisir. C’est donc un catalyseur de l’apprentissage. Nous créons des situations de jeu pour que chacun puisse faire des expériences au cours desquelles il va prendre conscience de ses aptitudes et apprendre à en tirer parti face à un public. C’est ce que nous appelons les « expériences apprenantes ». Par exemple, nous avons créé le « Temps d’un Cocktail » : un jeu qui se joue dans les conditions réelles d’un cocktail professionnel et qui permet aux participants d’apprendre à briser la glace, à faire passer des messages-clés efficacement, à savoir quels sujets aborder, à s’insérer dans un groupe…
Être à l’aise à l’oral est une compétence précieuse pour un avocat. Peut-elle s’acquérir facilement ?
A. G. : C’est une compétence essentielle pour progresser professionnellement. La plaidoirie est loin d’être la seule situation dans laquelle l’avocat doit s’appuyer sur l’oralité pour être crédible et avoir de l’influence. À l’occasion des « pitchs », des formations, des négociations, des réunions d’équipe ou de cabinet, des discours pendant des événements-clients, l’associé est constamment face à des publics de taille et de composition diverses.
L’associé est constamment face à des publics de taille et de composition diverses
Toutes ces situations nécessitent un entraînement dès les premières années, comme pour les artistes de scène dont nous nous inspirons. De même qu’on ne devient pas Niels Arestrup en quelques mois, rares sont les avocats, même les plus brillants juristes, qui démontrent dès leurs débuts une réelle aisance à l’oral. Et, surtout, une véritable efficacité. Car on peut se sentir très à l’aise mais avoir un impact limité…
La critique (ou feedback) est ce qui permet d’avancer. Il faut notamment lever la barrière du jugement sur soi. Il n’y a pas de don même si certains ont des facilités qu’ils ont travaillées. Cela permet de renforcer la confiance en soi, qui est un appui formidable pour s’exposer au regard du public sans se sentir jugé ou agressé.
Pour progresser, il faut avoir envie, se créer des occasions et dédier du temps et des efforts. Notre expérience montre que ces efforts sont toujours récompensés, d’une façon ou d’une autre.
Selon vous, quelles sont les qualités d’un bon orateur ?
A. G. : Être un bon orateur ne se résume pas à la maîtrise d’un ensemble de techniques. Bien sûr, le bon orateur connaît l’importance de la mise en scène, c’est-à-dire sa place dans l’espace, la lumière, ses déplacements, sa gestuelle. Il a aussi travaillé son texte, le rythme de son argumentation, ses références, etc.
Le bon orateur se préoccupe d’abord d’établir un contact ou un lien avec son auditoire. Il ne cherche d’ailleurs pas à se montrer parfait.
Mais le bon orateur se préoccupe d’abord d’établir un contact ou un lien avec son auditoire. Il ne cherche d’ailleurs pas à se montrer parfait. Un bon orateur sait aussi écouter et capter, ce qui lui permet de s’adapter à son public, créer des interactions, rebondir et se montrer authentique.
C’est la raison pour laquelle nous travaillons beaucoup sur la présence « silencieuse ». Savoir se taire pour accueillir une question, un argument, ou tout simplement un public attentif, permet de donner d’autant plus d’impact à ses propos.
Enfin, et c’est important pour les avocats, le bon orateur est aussi un bon co-présentateur. Il sait se mettre en retrait pour créer un duo efficace et convaincant. Rien de plus lassant, voire énervant, que d’assister à une co-présentation au cours de laquelle les orateurs se volent la vedette en permanence ou donnent l’impression de n’avoir pas préparé ensemble leur intervention !
"Présence et Parole en Public(s)" est un programme, fondé en 2015, de développement professionnel à destination des dirigeants, managers et professionnels du conseil (avocats, consultants, etc.) qui recherchent plus d’efficacité et plus d’aisance face à leurs publics. En savoir plus : www.presenceparolepublics.com