Lobbying : les praticiens souhaitent un dispositif transparent et équilibré
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Bien que favorables à une plus grande transparence des relations entre représentants d’intérêts et pouvoirs publics en France, entreprises et lobbyistes critiquent le caractère très formaliste et contraignant du dispositif prévu par le projet de loi Sapin 2. Et militent en faveur d’un meilleur équilibre entre les obligations des lobbyistes et celles des personnes sollicitées.
Cet article a été publié dans LJA Le Magazine n° 43 (juillet-août 2016)
C’est probablement un des plus vieux métiers du monde, et son caractère confidentiel nourrit encore bien des fantasmes en France. « Aujourd’hui encore, il demeure nécessaire de démystifier l’activité des lobbys, d’expliquer que le lobbying n’est pas une maladie mais un processus fondamental dans une société démocratique dès lors qu’il est transparent », affirme Philippe Portier, président de l’Association des Avocats Lobbyistes. Or l’objectif du titre II du projet de loi relatif à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique (dit Sapin 2) consiste précisément à améliorer la transparence des relations entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics en France. Et le gouvernement souhaite pour cela créer un cadre normatif applicable à cette activité.
Un retard français ?
Un terrain sur lequel la France est particulièrement en retard ? « Par rapport aux pays anglo-saxons, oui, mais à l’échelle européenne, la France est dans la moyenne, nuance Philippe Portier. Ce retard tient au fait que le lobbying ne correspond pas à notre conception de l’État qui, en France, est assez jacobine. » Reste que si l’Hexagone n’est pas en pointe sur ce terrain, ce n’est pas non plus un no man’s land réglementaire. En 2009, l’Assemblée nationale et le Sénat ont chacun créé un registre des lobbyistes et un code éthique. En 2013, la chambre basse a instauré de nouvelles exigences déclaratives pour les lobbies et institué l’obligation pour les députés de mentionner dans leurs rapports d’information les noms des groupes d’intérêt rencontrés au cours de leurs travaux.
Les lobbyistes français ont également appris à se plier aux règles établies par les institutions européennes, dont les premières initiatives datent de 2005. Et si l’inscription au registre européen de transparence (commun au Parlement et à la Commission européenne) n’est pas obligatoire, dans la pratique, « les fonctionnaires européens refusent de discuter avec des personnes qui n’y sont pas inscrites », poursuit Philippe Portier. La Commission européenne vient par ailleurs de lancer une consultation publique sur ce registre, dans le cadre d’une évaluation globale, qui n’exclut pas à terme de le rendre obligatoire.
L’évolution du cadre réglementaire a également été sensible ces dernières années pour les avocats lobbyistes français. « La transparence fait partie des principes promus par l’Association des avocats lobbyistes et c’est pourquoi, dès sa création, nous avons demandé au barreau de Paris de libérer les avocats lobbyistes de l’obligation de confidentialité concernant le nom des clients, afin de pouvoir s’inscrire dans les registres et dire aux personnes que nous rencontrons pour le compte de qui nous travaillons, explique Philippe Portier. Adoptées par le conseil de l’Ordre de Paris en juin 2011, ces dispositions ont été étendues à tous les barreaux de France en 2015 par le Conseil national des barreaux. Ainsi, les avocats français sont aujourd’hui des lobbyistes comme les autres. »
Pouvoir exécutif, législatif, élus locaux… une cible mouvante
Ces dernières semaines, le travail parlementaire a beaucoup fait évoluer les dispositions prévues dans le projet de loi Sapin 2. À commencer par leur portée générale. Dans sa rédaction initiale, le texte gouvernemental ne concernait que les interactions entre les représentants d’intérêts et les membres de l’exécutif, à charge pour les assemblées législatives d’en élargir le périmètre. Message reçu par les députés, qui ont largement amendé la liste en y ajoutant les parlementaires et leurs collaborateurs, les élus locaux, les hauts fonctionnaires et certains fonctionnaires territoriaux, mais aussi le président de la République (contre l’avis du gouvernement), les membres du Conseil constitutionnel (contre l’avis du gouvernement) et des sections administratives du Conseil d’État. Mais les sénateurs ne l’ont pas entendu de cette oreille. Après avoir rappelé qu’en vertu du principe de séparation des pouvoirs chaque institution doit pouvoir fixer ses propres règles en matière de relations avec les lobbyistes, la commission des Lois a supprimé tous les ajouts des députés pour revenir à la liste initiale établie par le gouvernement.
Cet article a été publié dans LJA Le Magazine n° 43 (juillet-août 2016)
C’est probablement un des plus vieux métiers du monde, et son caractère confidentiel nourrit encore bien des fantasmes en France. « Aujourd’hui encore, il demeure nécessaire de démystifier l’activité des lobbys, d’expliquer que le lobbying n’est pas une maladie mais un processus fondamental dans une société démocratique dès lors qu’il est transparent », affirme Philippe Portier, président de l’Association des Avocats Lobbyistes. Or l’objectif du titre II du projet de loi relatif à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique (dit Sapin 2) consiste précisément à améliorer la transparence des relations entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics en France. Et le gouvernement souhaite pour cela créer un cadre normatif applicable à cette activité.
Un retard français ?
Un terrain sur lequel la France est particulièrement en retard ? « Par rapport aux pays anglo-saxons, oui, mais à l’échelle européenne, la France est dans la moyenne, nuance Philippe Portier. Ce retard tient au fait que le lobbying ne correspond pas à notre conception de l’État qui, en France, est assez jacobine. » Reste que si l’Hexagone n’est pas en pointe sur ce terrain, ce n’est pas non plus un no man’s land réglementaire. En 2009, l’Assemblée nationale et le Sénat ont chacun créé un registre des lobbyistes et un code éthique. En 2013, la chambre basse a instauré de nouvelles exigences déclaratives pour les lobbies et institué l’obligation pour les députés de mentionner dans leurs rapports d’information les noms des groupes d’intérêt rencontrés au cours de leurs travaux.
Les lobbyistes français ont également appris à se plier aux règles établies par les institutions européennes, dont les premières initiatives datent de 2005. Et si l’inscription au registre européen de transparence (commun au Parlement et à la Commission européenne) n’est pas obligatoire, dans la pratique, « les fonctionnaires européens refusent de discuter avec des personnes qui n’y sont pas inscrites », poursuit Philippe Portier. La Commission européenne vient par ailleurs de lancer une consultation publique sur ce registre, dans le cadre d’une évaluation globale, qui n’exclut pas à terme de le rendre obligatoire.
L’évolution du cadre réglementaire a également été sensible ces dernières années pour les avocats lobbyistes français. « La transparence fait partie des principes promus par l’Association des avocats lobbyistes et c’est pourquoi, dès sa création, nous avons demandé au barreau de Paris de libérer les avocats lobbyistes de l’obligation de confidentialité concernant le nom des clients, afin de pouvoir s’inscrire dans les registres et dire aux personnes que nous rencontrons pour le compte de qui nous travaillons, explique Philippe Portier. Adoptées par le conseil de l’Ordre de Paris en juin 2011, ces dispositions ont été étendues à tous les barreaux de France en 2015 par le Conseil national des barreaux. Ainsi, les avocats français sont aujourd’hui des lobbyistes comme les autres. »
Pouvoir exécutif, législatif, élus locaux… une cible mouvante
Ces dernières semaines, le travail parlementaire a beaucoup fait évoluer les dispositions prévues dans le projet de loi Sapin 2. À commencer par leur portée générale. Dans sa rédaction initiale, le texte gouvernemental ne concernait que les interactions entre les représentants d’intérêts et les membres de l’exécutif, à charge pour les assemblées législatives d’en élargir le périmètre. Message reçu par les députés, qui ont largement amendé la liste en y ajoutant les parlementaires et leurs collaborateurs, les élus locaux, les hauts fonctionnaires et certains fonctionnaires territoriaux, mais aussi le président de la République (contre l’avis du gouvernement), les membres du Conseil constitutionnel (contre l’avis du gouvernement) et des sections administratives du Conseil d’État. Mais les sénateurs ne l’ont pas entendu de cette oreille. Après avoir rappelé qu’en vertu du principe de séparation des pouvoirs chaque institution doit pouvoir fixer ses propres règles en matière de relations avec les lobbyistes, la commission des Lois a supprimé tous les ajouts des députés pour revenir à la liste initiale établie par le gouvernement.
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