Connexion

M&A 2025 : vers un changement de paradigme ?

Par Cédric Testut Directeur juridique groupe d’Orange Ian Kayanakis Directeur juridique et M&A, Enomyc, administrateur honoraire de l’AFJE Anne-Laure Laroussinie associée d’Osborne Clarke Julien Bourmaud-Danto associé de Linklaters Jeremy Scemama associé de Proskauer Rose (en visioconférence) Marc Sabaté Président de CNCEF France M&A F

L’activité du marché des fusions-acquisitions a connu quelques ralentissements ces derniers mois… Les causes sont multiples et largement commentées – les taux d’intérêts élevés, des valorisations excessives, des élections présidentielles et autre décisions politiques inattendues – et aucun secteur n’a finalement été épargné. Mais depuis quelques semaines, les opérations stratégiques semblent revenir.

Dans quelles conditions l’activité reprend-elle ? Quelles sont les opportunités et les défis en 2025 en France et à l’international ? Quels moyens mettre en œuvre pour garantir la performance des opérations ? Quels acteurs faut-il désormais impliquer en amont des opérations pour parvenir à ses fins ?

État des lieux
du marché

Marc Sabaté : Après une année 2023 assez mauvaise pour le marché du M&A, avec des baisses évaluées entre 15 et 30 % selon que l’on parle de volume ou de valeur des deals, 2024 donne l’impression d’être une année de transition. On constate une progression en valeur des opérations, même si cette reprise est surtout tirée par quelques opérations de large cap qu’elles soient industrielles ou financières. En volume, la tendance n’est pas la même. C’est d’ailleurs dans la lignée de la reprise du M&A mondial qui a été largement commentée par la FED depuis quelques mois.

Sur le marché français du small et mid cap, la reprise est encore fragile. En volume, les statistiques demeurent orientées à la baisse. Sur la base des données de marché à fin septembre, la baisse était encore de 8 %. Cela étant, c’est en amélioration par rapport à l’année dernière, donc il faudrait sans doute parler de « décroissance de la baisse ». Mais la fragilité est tout de même palpable. Et il y a des divergences entre les secteurs qui ne sont pas tous impactés de la même manière par la reprise.

L’un des moteurs significatifs du marché du M&A en France est le private equity, et sur ce point il faut véritablement parler de rupture en cours. Le premier semestre 2024 était compliqué, dans la lignée de 2023, avec une forte contraction du volume des opérations de LBO. Mais une reprise a débuté significativement au troisième trimestre. Les volumes atteignent +30 % sur les neuf premiers mois, selon l’indice Argos Epsilon, et +50 % selon Refinitiv. Les investisseurs sont donc de retour. Au-delà du processus de baisse des taux d’intérêts qui facilite les opérations de LBO, il y a une masse de capitaux important (la fameuse « dry powder ») et les fonds ont besoin de faire des deals ; ils sont contraints par leurs LPs à remettre des sociétés sur le marché pour aller relever des capitaux. Le marché du LBO va donc se rouvrir en 2025, avec le maintien de valorisations payées par les fonds qui seront plus élevées que les multiples payés par les industriels.

Jeremy Scemama : S’agissant du contexte, n’oublions pas que l’on a vécu une année 2021 extraordinaire. Beaucoup s’en servent comme référence, alors qu’en réalité je pense que c’était plus un effet de rattrapage. Donc le marché est revenu à des niveaux un peu plus cohérents.

Ian Kayanakis : Je suis d’accord avec vous. Le marché s’ajuste et ce n’est pas un véritable changement de paradigme. Si 2024 est marqué par une certaine reprise des opérations, elle reste tout de même la seconde année la plus mauvaise en M&A (en volume et en valeur) depuis cinq ans.

Jeremy Scemama : À court ou moyen terme, il devrait y avoir de nouvelles opportunités, que ce soit à travers la baisse des taux d’intérêts ou de la pression des LPs pour que les fonds sortent les sociétés de leurs portefeuilles. J’ajoute que les grands deals stratégiques qui arrivent vont nécessairement apporter leurs lots de carve-out, car les entreprises auront l’obligation de se séparer de certains actifs au regard du droit de la concurrence. Ce seront autant d’opportunités pour les investisseurs.

Ian Kayanakis : : Si les LPs mettent la pression à leurs GPs pour faire tourner leurs sociétés de portefeuille et pour de nouveau investir, force est de constater que les fonds ne vendent pas leurs participations car ils les ont achetées à des niveaux de valorisation beaucoup trop importants. C’est moins le cas aux États-Unis et c’est d’ailleurs en partie ce qui explique le dynamisme du marché du private equity Outre-Atlantique. La banque fédérale est également bien plus favorable aux investisseurs, en jouant bien plus facilement sur l’agilité des taux d’intérêts que la BCE.

En France, le mouvement de correction des valorisations n’a pas débuté avec conviction. Les vendeurs demandent toujours des prix très élevés. Et les sociétés de gestion montent des fonds de continuation pour ne pas perdre d’argent sur leurs actifs. Aujourd’hui, ceux qui semblent tirer la reprise du marché, ce sont les corporates à travers des opérations stratégiques et des joint-ventures.

Cédric Testut : J’ajouterais que les corporates ont besoin de plus de clarté. Désormais, si les entreprises s’engagent dans une opération d’acquisition, il leur faut un deal « no brainer ». Elles recentrent en effet depuis quelques années leurs stratégies d’investissement, et la période n’est plus à la diversification tous azimuts.

Le secteur des télécommunications est extrêmement régulé et très sensible aux changements de fiscalité, car il les subit. Orange est partout où il est présent un opérateur télécom local, même s’il est implanté mondialement. La fiscalité nationale nous impacte donc directement au niveau de ces filiales opérateurs, qui sont souvent des acteurs économiques importants dans leurs pays. Cette fiscalité est d’ailleurs très conséquente et variée – l’imposition spécifique aux télécoms pèse, par exemple, environ 3 % du chiffre d’affaires des opérateurs français. Il est toujours facile pour les États d’aller taxer des actifs locaux et le risque fiscal des investisseurs, dans un contexte mouvant, ne doit pas être négligé lorsqu’ils réfléchissent à acquérir une cible.

D’un point de vue géopolitique, une dérégulation est attendue dans certains pays. Elon Musk, nouveau ministre au sein du gouvernement Trump, a annoncé son intention de fermer les agences fédérales américaines. Alors qu’au contraire, la tendance européenne reste à la régulation – avec la France championne de la surtransposition des textes européens. Certains rapports alertent sur cette régulation excessive, comme le rapport Draghi de septembre 2024 qui traite de la compétitivité européenne et de l’avenir de l’Union européenne. Mais il y a encore beaucoup d’efforts à faire pour s’aligner sur ce qui est en train de se passer Outre-Atlantique.

L’augmentation du nombre de joint-ventures

Anne-Laure Laroussinie : En small et mid cap, les entreprises souhaitent aussi se concentrer sur leurs actifs stratégiques et adaptent leur politique M&A en conséquence. On constate depuis plusieurs années maintenant que beaucoup d’opérations de carve-out sont conduites par des grands groupes, y compris des branches en difficultés. Au regard des contraintes réglementaires que vous venez d’évoquer, je note un regain des opérations de joint-venture.

Jeremy Scemama : Ces joint-ventures sont sans doute aussi dues à l’incertitude sur le futur et le manque de visibilité sur les business plans, les performances, des entreprises. La JV est une étape de fiançailles : les groupes apprennent à se connaître et à développer du business ensemble, pour ensuite éventuellement passer à un rapprochement à 100 %.

Ian Kayanakis : Le nombre de JV conclues démontre que ce sont les ingénieurs et les commerciaux qui ont repris la main sur la stratégie des groupes, car ils sont plus enclins à se fiancer avant de se marier afin de tester le business case là où les directeurs financiers peuvent parfois se satisfaire d’un tableau Excel pour valider un rationnel d’acquisition.

Cédric Testut : C’est effectivement une tendance que nous vivons. Notre groupe a conclu un certain nombre de JV ces dernières années, pour des raisons sans doute originales qui tiennent au fait qu’Orange est d’abord un acteur d’infrastructures, c’est elles qui permettent le transport de la voix et de la data. Et le segment des infrastructures a connu un fort regain d’intérêt des investisseurs ces dernières années, avec des actifs présentant des valorisations élevées. Les acteurs ont donc considéré qu’il était utile d’externaliser la valeur de leurs infrastructures : réseaux, tours, data centers… Pour continuer à avoir de la croissance et du financement sur ces actifs, on les met en JV.

Jeremy Scemama : Dans ce secteur de l’infra, il y a également une forte activité chez les fonds. Ce sont d’ailleurs les fonds infra qui tirent une bonne partie de l’activité du private equity en France. Ils ont même étendu leur champ d’activité.

Julien Bourmaud-Danto : On les voit par exemple investir dans l’éducation désormais !

Jeremy Scemama : Exactement ! En termes de deal flows, cette tendance a tout de même pour conséquence de réduire le marché puisque les fonds infra sont sur des investissements beaucoup plus long terme qu’un fonds de LBO classique. Il n’y a plus ce roll-over de trois ou quatre ans, les cycles sont bien plus longs.

Julien Bourmaud-Danto : Il y a également un sujet de TRI qui est plus prévisible, car en infra les cash-flows sont de fait plus récurrents et moins sujets aux événements macro-économiques.

La moindre concurrence entre fonds
et industriels à l’achat

Julien Bourmaud-Danto : J’observe qu’à une époque, les deals étaient plus normés avec d’un côté le private equity et de l’autre les deals industriels. Aujourd’hui, la frontière paraît plus fine, voire parfois inexistante. Les industriels s’invitent désormais sur des process sur lesquels ils n’étaient pas conviés auparavant car réservés à des fonds. Evidemment, certains actifs sont moins faciles à vendre donc les banquiers invitent plus de monde autour de la table. En outre, les valorisations sont plus élevées et les industriels sont capables de payer plus cher s’ils arrivent à dégager des synergies. Enfin, les process sont plus longs et, ce qu’un industriel ne savait pas faire il y a quelques années -comme déposer un premier mark-up de SPA en trois jours – il peut le faire aujourd’hui car les process prennent plus de temps. La moindre compétitivité de certains deals laisse la place aux industriels pour s’imposer à la reprise. Avec les niveaux de valorisations que l’on constate aujourd’hui, il y a parfois un réel intérêt à aller chercher des industriels.

Cédric Testut : La difficulté des industriels est d’aligner les intérêts à l’intérieur de l’entreprise. La finance n’a en effet pas les mêmes intérêts que le commercial ou que la technique, une partie de la valeur d’un deal est dans les synergies, mais pas uniquement. Il y a également des étapes de gouvernance qui peuvent prendre du temps et les groupes cotés sont rarement capables d’obtenir toutes les autorisations en deux jours pour lancer le deal. Mais les processus M&A prennent aujourd’hui plus de temps, ce qui joue en notre faveur, et nous nous sommes organisés pour être plus agiles.

Ian Kayanakis : Bien sûr les fonds ont aussi de nouvelles contraintes susceptibles de ralentir leur process (la compliance, l’antitrust notamment), mais en général ils n’hésitent pas une seconde à externaliser aux avocats pour conserver une agilité exceptionnelle.

Jeremy Scemama : Dans la phase préparatoire, les corporates ont su s’aligner sur cette agilité et donc le rééquilibrage des pratiques est notable. À l’inverse, les fonds ont gagné en rapidité pour réunir leur financement grâce à l’apport des unitrancheurs. Or le financement disponible était historiquement l’atout des corporates.

Ian Kayanakis : On croit souvent que les industriels sont réactifs grâce à des liquidités disponibles, mais en réalité ils vont également chercher l’argent sur les marchés pour éviter d’utiliser leur propre cash et de le soumettre ainsi au risque d’acquisition. Bien sûr, un pool bancaire se monte très rapidement, et par exemple lever plus d’un milliard d’euros sur les marchés n’est pas véritablement un sujet quand on est un groupe coté au CAC40.

Jeremy Scemama : Sur la phase d’exécution, le fonds aura généralement moins de sujets antitrust à régler qu’un corporate. C’est à son avantage.

Ian Kayanakis : L’antitrust est clairement à l’avantage des fonds. J’ai longtemps travaillé dans de grands groupes industriels, dans lesquels ces questions étaient un véritable casse-tête pour les équipes et représentaient un frein important à l’agilité dont nous parlions à l’instant.

Des opérations plus longues et incertaines

Marc Sabaté : Sur le upper market, les process n’ont pas vraiment ralenti et lever de l’argent n’a pas été difficile. À la différence du small et du mid cap où les opérations sont plus longues, avec des risques de deal-breaker plus importants liés à des sous-jacents économiques dégradés des cibles et à l’incertitude géopolitique, fiscale ou réglementaire, notamment, l’évolution de la fiscalité des transmissions d’entreprise commence à avoir un effet sur les volumes des deals smid cap.

Ian Kayanakis : La fiscalité est fondamentale pour des chefs d’entreprise de taille smid cap. C’est un élément important d’hésitation pour eux. Malheureusement leur réflexe est de souvent corriger cette incertitude fiscale par une valorisation élevée, ce qui fait que le marché est grippé.

Marc Sabaté : Force est de constater que les LBO primaires sont moins nombreux. Les vendeurs prennent du temps sur les marchés car ils ne veulent pas vendre à la baisse. Ils préfèrent attendre.

Anne-Laure Laroussinie : Il est indéniable que les deals prennent plus de temps en small et mid cap. D’abord parce qu’il y a un scope de due diligences qui est de plus en plus large, avec des sujets de compliance qui ont émergé. Le RGPD bien sûr, déjà depuis plusieurs années, l’anticorruption, mais d’autres sont plus récents comme les réglementations IA avec le règlement européen sur l’IA adopté le 17 mai 2024 qui prévoit un cadre juridique pour le développement et l’utilisation de l’IA ou cyber, qui impliquent de s’entourer d’équipes de spécialistes. S’agissant des due diligence cyber, au regard de la multiplicité des cyberattaques qui touchent l’ensemble des entreprises, quel que soient leur taille ou leur secteur d’activité et des risques financiers et réputationnels encourus, la sécurité informatique des cibles notamment est scrutée avec attention.

On constate également le recours de plus en plus fréquent à l’assurance W&I (warranty & indemnity). La question se pose désormais quasi-systématiquement sur les deals smidcap. Or le principe de la W&I est que l’entreprise est assurée sur ce qu’elle a revu, ce qui sous-entend d’étendre le scope de la due diligence de la cible et donc demande plus de temps pour bénéficier de la couverture la plus large possible.

Jeremy Scemama : En sens inverse, cette durée des due diligences raccourcit le délai de négociations sur les garanties.

Marc Sabaté : Et je note une montée des assurances sur les garanties. Mais à moins de 15 M€ de valorisation, on ne voit pas ce type de clause.

Anne-Laure Laroussinie : En effet, même si les primes ne sont pas très élevées, l’investissement financier au niveau des conseils est encore trop important sur ce type d’opérations. En revanche, on voit se développer des W&I sur un risque spécifique identifié en due diligence, qui pourrait être deal-breaker.

Enfin, je note un réel effort des entreprises positionnées sur le smid cap d’identifier les sujets FDI et antitrust très en amont, pour anticiper et pré-notifier au maximum. En France, la procédure de demande préalable d’examen dans le cadre du contrôle des investissements étrangers permet de prévenir d’éventuels blocages durant la phase entre le signing et le closing.

Julien Bourmaud-Danto : Aux États-Unis, le contrôle FDI est un sujet important. Si le pays se dérégule aujourd’hui, je rappelle tout de même que le CFIUS (Committee on Foreign Investment in the United States) peut parfois décourager les clients, ne serait-ce qu’au niveau des fees d’avocats qui peuvent être nécessaires pour obtenir l’autorisation ! Certaines entreprises préfèrent envisager un carve-out préalable au closing plutôt que de passer par l’autorisation CFIUS. La question qui se pose dans cette nouvelle ère Trump est de savoir comment vont aujourd’hui être regardés les investisseurs étrangers, qu’ils soient français ou autres. Il a déjà évoqué de mettre certaines autorisations en pause.

Jeremy Scemama : La France n’est pas exempte de critiques sur le contrôle des investissements étrangers. Il existe encore une réelle incertitude sur l’étendue du texte qui est rédigé d’une telle façon qu’il peut tout recouvrir. Il y a 10 ans, les investisseurs étrangers s’inquiétaient du droit social français. Aujourd’hui, ils nous parlent de Bercy !

Contrairement à l’antitrust qui est désormais assez ciblé et clair, le contrôle des investissements étrangers semble toujours très compliqué et peu lisible.

Julien Bourmaud-Danto : Par exemple, les textes prévoient que les délais courent « à partir du moment où le dossier est complet ». Cela laisse une marge d’appréciation importante à Bercy qui n’aide pas en termes de visibilité.

Jeremy Scemama : La procédure commence à s’améliorer, notamment avec la possibilité de remplir les documents en ligne, mais il y a encore du travail pour parer aux incertitudes.

Anne-Laure Laroussinie : En Grande-Bretagne, le contrôle est également quasi-systématique. Une simple relation commerciale locale dans un secteur sensible peut justifier la compétence des autorités britanniques sur le contrôle des investissements étrangers. En revanche, la procédure est efficace et encadrée dans le temps, il y a moins d’aléa qu’en France.

À quoi s’attendre pour 2025 ?

Marc Sabaté : 2025 devrait être dans la continuité de ce phénomène de reprise, de rebond. Mais attention aux sous-jacents économiques évoqués à l’instant. On voit encore des deals avorter parce que les current trading ne sont pas au rendez-vous.

Anne-Laure Laroussinie : Tous les secteurs ne vont pas reprendre au même rythme. Le secteur TMC est au cœur des attentions, notamment porté par les sujets cyber et IA. La défense également, même dans un cadre d’incertitude géopolitique dans certaines régions du monde. La santé peut aussi être un secteur actif en termes de M&A, mais tout dépendra des évolutions réglementaires.

Jeremy Scemama : J’ajouterais le secteur de la transformation énergétique. Sans oublier celui du private equity, en cours de concentration, qui peut donner lieu à certaines opérations d’envergure.

Il convient également de parler de la nature des deals qui sont attendus. Les mega deals qui ont alimenté le marché en 2024 vont nécessiter de se séparer de certains actifs. Ils vont entrainer toute une série de carve-out et de cessions d’actifs qui peuvent créer des opportunités en 2025.

Ian Kayanakis : En termes de volume de transactions, l’essentiel des acteurs est dans le smid cap et la reprise va dépendre du private equity qui détient majoritairement ces entreprises et est l’acteur majeur du LBO smidcap. Sur ce segment ainsi que sur le mid-to-large, en 2025, le marché du M&A peut être tiré par le distressed M&A et le restructuring. À l’image de ce qui se passe actuellement en Allemagne.

Marc Sabaté : La plupart des équipes d’audit se sont d’ailleurs équipées de spécialistes du restructuring.

Cédric Testut : En période d’incertitude, les entreprises resteront à l’affût d’opportunités de création de valeur, seul ou en partenariat avec d’autres acteurs. Il faudra donc suivre avec attention les difficultés auxquelles le tissu économique peut être confronté, en particulier en France avec les débats en cours sur le budget.

Ian Kayanakis : Si le budget annoncé est voté (1), l’alourdissement des charges sur les entreprises sera de l’ordre de 9 mds€. C’est l’équivalent de 350 000 emplois qui sont appelés à disparaître, car les entreprises ne pourront pas faire face à ces charges.

Julien Bourmaud-Danto : Sur les deals de taille importante, je pense qu’il n’y aura pas vraiment de changement de paradigme en 2025. Ce sera plus une continuité de 2024. Compte tenu des incertitudes macroéconomiques actuelles, les vendeurs privilégieront les investisseurs capables de délivrer, à coup sûr, le deal versus celui qui sera capable de payer un peu plus cher, mais sans certitude de closer. S’agissant de la structure du prix, j’ajoute que l’on voit de moins en moins de paiements 100 % cash au closing, mais de plus en plus de vendor loans, d’earn out, etc.

La deal certainty est aujourd’hui anticipée par les banquiers avant même de lancer les process de vente. Le vendeur demande très en amont aux acquéreurs potentiels leur analyse quant aux autorisations qui seront nécessaires pour closer. Finalement, les aspects réglementaires et de financement sont, encore plus qu’avant, anticipés au plus tôt car ils sont clés pour la réussite du deal. Le pire est de ne pas pouvoir closer un deal qui a été signé, parce qu’il n’y a pas d’autorisation au bout. L’exécution est aussi cruciale que le montant du prix aujourd’hui.

Ian Kayanakis : Peut-être que nous pourrions convenir que le changement de paradigme en 2025 s’opérera finalement sur la manière de conclure les deals. Le volume et les typologies d’acteurs ne changeront sans doute pas, mais la façon d’exécuter les opérations sera différente. Ils impliqueront d’autres professionnels et d’autres process.

Jeremy Scemama : Ce sont des simples évolutions de pratique, pas véritablement un changement de paradigme. L’année 2025 laissera place à un regain d’activité grâce à une série de facteurs. Mais la régulation excessive et la fiscalité prohibitive entraineront, sans aucun doute, un décrochage à long terme. La Vieille Europe doit se ressaisir pour redynamiser le business.

Ian Kayanakis : Une éventuelle nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale, en 2025, n’aura que peu de conséquences sur le marché du M&A, d’après moi. Ce qui importe c’est de changer cette trajectoire fortement régulée et fiscalisée pour redynamiser le marché. Travailler sur la fiscalité des transmissions aurait pour conséquence de libérer le marché du smid cap.

Julien Bourmaud-Danto : J’ai tout de même vu la question politique se poser, dans un process avec des investisseurs américains sur une cible française, où pendant trois mois, le temps d’avoir un gouvernement, le deal a été mis sur pause. Le sujet de la mac clause avait évidemment été soulevé.

Ian Kayanakis : Face à des partis qui ont dans leur programme l’expropriation et des taux confiscatoires, les acquéreurs étrangers sont obligés de prévoir des mac clauses.

Julien Bourmaud-Danto : Les Américains sont, de toutes façons, très friands de la mac clause, ce qui n’est pas le cas en Europe. T