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Le contrôle préalable des sentences arbitrales à la CCI, un gage de qualité

Par Anne Portmann

Le règlement d’arbitrage de la CCI prévoit le contrôle préalable des sentences arbitrales par la Cour internationale d’arbitrage, constituée en son sein. Ana Vermal, avocate aux barreaux de Paris et de New York et co-head de la pratique arbitrage au sein du cabinet Proskauer, qui a accompli deux mandats successifs auprès de la Cour, nous en explique le rôle et les fonctions.

Vous venez de terminer votre mandat de membre de la Cour internationale d’arbitrage au sein de la CCI. Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne cette institution ?

Ana Vermal : La Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI), qui a son siège à Paris, est sans doute la plus connue des institutions d’arbitrage international au monde. Le règlement d’arbitrage de la CCI est choisi par des sociétés à travers le monde dans leurs contrats transfrontaliers, que le siège de l’arbitrage soit en France ou ailleurs. La Cour, présidée actuellement par Claudia Salomon, est composée d’une part d’un secrétariat permanent dont les équipes de juristes accompagnent les arbitrages du début à la fin. D’autre part, siègent à la Cour des membres (un ou deux par pays membre de la CCI), qui sont généralement des avocats externes, renommés pour leur pratique d’arbitrage international, nommés pour un voire deux mandats de trois ans. Le secrétariat gère le quotidien des procédures, tandis que certaines décisions importantes dans la vie d’un arbitrage sont prises lors de sessions hebdomadaires de la Cour, avec l’aide des équipes du secrétariat, dont le secrétaire général, Alexander Fessas.

Quelles sont les missions des membres
de la Cour internationale d’arbitrage ?

A. V. : La Cour intervient notamment pour la nomination des arbitres ainsi que pour se prononcer sur toute demande de récusation d’un arbitre désigné. L’autre mission majeure de la Cour, et c’est là sans doute la plus grande spécificité des arbitrages CCI, est l’examen préalable des sentences. Chaque tribunal arbitral, une fois la procédure d’arbitrage conclue, va adresser son projet de sentence à la Cour qui, après un examen et un rapport préalable du secrétariat, l’examinera. Concrètement, la Cour siégera soit en comité restreint de trois membres, soit en comité spécial d’au moins six membres, soit encore en session plénière. Un membre de la Cour pourra être nommé comme rapporteur et, après un rapport écrit et oral, ainsi que des échanges entre membres lors de la session, la Cour adresse en général des commentaires à l’attention du tribunal arbitral. La Cour peut approuver ou non la sentence, demander qu’elle apporte des précisions sur tel ou tel point, ou encore attirer l’attention du tribunal sur des points non-traités, etc. Ce passage au crible de la sentence avant qu’elle ne soit rendue est un véritable gage de qualité des sentences. Les arbitres doivent prendre en considération les observations de la Cour, mais gardent néanmoins bien sûr, in fine, la maîtrise de leur décision.

Vous avez accompli deux mandats comme
membre de la Cour, quel investissement cela demande ?

A. V. : Être nommé membre de la Cour de la CCI est un véritable honneur, mais c’est également une responsabilité et un véritable engagement, puisque les membres de la Cour doivent être disponibles pour des sessions très régulièrement (une ou plusieurs fois par mois), ce qui implique la lecture de plusieurs sentences souvent longues et la préparation de rapports tant sur les sentences que sur des demandes de récusation d’arbitre. C’est une activité à laquelle j’ai consacré en moyenne entre 200 et 300 heures par an. Mais c’est avant tout une expérience extrêmement enrichissante. La lecture et l’analyse d’autant de sentences par ailleurs confidentielles, écrites par tant d’arbitres différents, le travail et les débats de grande qualité avec les autres membres de la Cour, ainsi que le travail rapproché avec le secrétariat et la compréhension du fonctionnement de la CCI de l’intérieur auront énormément apporté à ma pratique, tant de conseil que d’arbitre.

Quelles raisons poussent les entreprises
à faire le choix d’un arbitrage CCI ?

A. V. : D’une part, ce dispositif d’examen préalable des sentences arbitrales, ainsi que l’accompagnement particulièrement compétent des équipes du Secrétariat composé de professionnels excellents. D’autre part, une des raisons principales du choix de l’arbitrage est sa confidentialité, qu’il est toutefois prudent de prévoir explicitement dans la clause d’arbitrage, car elle peut autrement s’appliquer ou non en fonction du lieu de l’arbitrage. La possibilité de choisir des arbitres compétents et qui pourront consacrer le temps nécessaire à l’affaire, et qui seront perçus par les parties comme plus neutres que les tribunaux du pays de l’une des parties, est également fondamentale. L’absence d’appel (et donc le temps gagné) et la facilité d’exécution de sentences arbitrales à l’international sont d’autres raisons qui poussent les entreprises vers l’arbitrage. Alors qu’une critique souvent formulée à l’égard de l’arbitrage est son coût (il est souvent plus coûteux qu’un contentieux en France, mais moins qu’un contentieux aux États-Unis), à la CCI les frais de l’institution et les honoraires d’arbitres varient en fonction du montant en litige.