Un deal, une équipe - Desfilis, Vivalto Santé, plus de vingt ans de collaboration
Daniel Caille, PDG du groupe, et Philippe Rosenpick, associé du cabinet Desfilis, ont oeuvré ensemble au développement de Vivalto Santé. Retour sur une collaboration de plus de vingt ans entre un pdg et son avocat pour créer l’un des leaders du domaine de l’hospitalisation privée.
Comment votre collaboration a-t-elle débuté ?
Daniel Caille : Nous nous connaissons avec Philippe Rosenpick depuis plus de vingt ans. À cette époque, la Générale des Eaux n’était pas au meilleur de sa forme. C’était alors l’une des plus importantes capitalisations boursières de France et le groupe s’était diversifié dans différents métiers, peut-être trop comme l’a ensuite dit Jean-Marie Messier. Les métiers immobiliers comprenaient deux entités qui étaient grevées de dettes. Il a fallu vendre un certain nombre de biens immobiliers. Nous avions confié certains dossiers à Shearman & Sterling, au sein duquel Philippe Rosenpick exerçait comme juriste. Le 1er janvier 2006, je me suis mis à mon compte et ai développé la holding Vivalto. J’ai rappelé les vieux copains pour faire des clubs deals. Philippe a été présent dans tous les clubs deals importants, notamment ceux qui ont donné naissance à ce que l’on appelle aujourd’hui Vivalto Santé.
L’expérience de Philippe et son savoir-faire ont été précieux pour la négociation d’une gouvernance équilibrée dans une situation totalement novatrice. Le contrat négocié était atypique, car il reposait sur un partenariat à trois : médecins, investisseurs financiers et management. Lors du deuxième tour, Philippe m’a une nouvelle fois conseillé dans un environnement différent puisque nous nous sommes associés avec des investisseurs institutionnels, dont les contraintes et exigences étaient distinctes. Le nouveau partenariat repose sur une gouvernance totalement adaptée à la nouvelle situation, imaginée avec Philippe.
Quel a été le point le plus délicat lors de cette opération de LBO ?
Philippe Rosenpick : Je me souviens de la négociation de ce premier LBO, en 2009. La force que l’on voulait conférer à Daniel et aux médecins, dans leur relation avec les fonds, n’était pas une lecture classique de ce qui se fait en private equity lorsque les investisseurs financiers sont majoritaires. Les fonds ont néanmoins compris la valeur ajoutée de Daniel et nous sommes parvenus à un équilibre satisfaisant pour les uns comme pour les autres. L’autre aspect novateur a été de convaincre les médecins d’entrer au capital, idée forte de Daniel, pour créer un pacte de gouvernance équilibré entre toutes les parties et permettant de se concentrer sur la création de valeur.
Daniel Caille : Il a fallu que les investisseurs du premier et du deuxième tour soient à la fois respectueux de la logique d’investissement et de la contrainte du pacte de gouvernance, mais également qu’ils acceptent le fait que ceux qui font le chiffre d’affaires au quotidien ont des droits au regard de certaines décisions stratégiques. Cette logique permet un alignement d’intérêts supérieur aux contraintes.
Philippe Rosenpick : C’était très novateur en France.
Daniel Caille : C’était même, je crois, une innovation mondiale : une voie mixte avec des médecins actionnaires et des investisseurs institutionnels ayant une vision de long terme (une durée d’investissement à 5 ou 7 ans).
L’innovation s’accompagne souvent d’un sentiment d’insécurité. Comment l’avez-vous levé ?
Philippe Rosenpick : Ma belle-famille compte des médecins et des pharmaciens et je connais bien ce type de personnalités, qui ont toujours plein d’idées, plein de questions et veulent tout maîtriser. J’ai accompagné Daniel face aux médecins pour leur expliquer les contours des opérations que nous voulions mener, ce qu’est un fonds d’investissement et l’intérêt de travailler avec des investisseurs financiers professionnels. Il a fallu faire preuve de pédagogie et convaincre car l’apport de « financiers » est pour certains considéré comme contrasté.
Daniel Caille : Aujourd’hui le système repose sur la confiance entre chaque partie. C’était un exercice de management et de leadership. Il a fallu leur démontrer que la valeur de Vivalto Santé trouve ses fondamentaux sur l’alignement des intérêts des uns et des autres. Philippe a su mettre en musique ce plan, et ensuite je me suis chargé de le mettre en oeuvre. Sur le deuxième tour, en 2015, les avocats mandatés en face avaient changé de catégorie. Les discussions ont été plus compliquées. Vivalto Santé a en outre dû se conformer à la réglementation AMF. La société fait en effet désormais appel public à l’épargne et les augmentations de capital nécessitent des prospectus visés par l’AMF, rajoutant aux complexités du LBO celles du respect de ce corps de réglementation.
Philippe Rosenpick : Sur le premier tour, nous devions négocier avec deux fonds de private equity (Parquest Capital et Omnes) dont un leader et un co-investisseur. Sur le second, la CDC International Capital et le fonds souverain aboudabien (Mubadala) sont entrés comme minoritaires. Au-delà de l’opération de restructuration du capital, Daniel nous a aussi fait confiance sur les opérations d’APE. Je veux rendre hommage à ses équipes et aux nôtres qui ont beaucoup travaillé sur des opérations très complexes.
Vous avez choisi de suivre Philippe lors de ses changements de maison. Pourquoi cette fidélité ?
Daniel Caille : Sur le segment de marché sur lequel Vivalto Santé est positionné, j’estime que l’intuitu personae est fondamental entre le client et l’avocat. Il faut que le conseil comprenne l’économie, la stratégie, l’architecture périphérique du droit, repère l’environnement corporel et incorporel de l’entreprise. C’est une compréhension du deal que je qualifierai d’intime et non simplement une compétence technique. Les paillettes autour de la marque du cabinet sont rassurantes pour l’investisseur, pas pour l’entrepreneur qui a besoin de son avocat, en qui il a confiance et avec lequel il s’est construit.
Philippe Rosenpick : À cette époque, j’étais en train de quitter CMS Bureau Francis Lefebvre pour rejoindre le cabinet Desfilis. J’en ai informé Daniel alors que l’opération devait débuter. Alors que je ne savais pas ce que j’allais vouloir faire, Daniel a barré le nom du cabinet sur la lettre d’intention et a mis mon nom personnel comme son conseil, celui de Vivalto et du management. Je ne le remercierai jamais assez de cette marque de confiance à un moment de transition dans ma carrière. Le deal a bien sûr été parfaitement exécuté même s’il était, c’est vrai, plus compliqué que le premier. Nous traitions face à King & Wood Mallesons et Latham & Watkins. Ils étaient surpris de me voir arriver sous le nom du cabinet Desfilis.
Qu’est ce qui définit un bon avocat ?
Daniel Caille : L’avocat doit comprendre la psychologie de chaque partie et négocier avec sérieux mais aussi empathie. Avec Philippe Rosenpick et son équipe de collaborateurs, j’ai assurément trouvé chaussure à mon pied ! Philippe Rosenpick : Il est fondamental de rappeler que la première mission d’un avocat est de servir, dans les bons jours comme dans les mauvais, et avec une fidélité respective. La technique doit bien entendu être maîtrisée, mais la réussite d’une opération passe aussi par la proximité et je dirai presque « l’admiration entre les personnes ». Il y a eu des années de formation du marché, désormais la technique est majoritairement maîtrisée. Ce qui fait la différence c’est la compréhension des enjeux économiques, le fait de dire la vérité même si elle n’est pas toujours agréable, comprendre et mener à bien une stratégie, etc. Le conseil n’est plus qu’une histoire de technicien. C’est au-delà que démarre la vraie valeur ajoutée, le fait de rester lié sur le long terme.