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Microsoft, pionnier de l’IA

Par Ondine Delaunay

Alors que la transformation digitale des acteurs du secteur juridique est au centre de toutes les attentions, il importe d’avoir une vision claire des avantages que l’intelligence artificielle générative peut procurer en termes de productivité et d’efficience. Jean-Christophe Dupuy, directeur de l’activité Microsoft 365, et Xavier Perret, directeur de l’activité Azure, ont accepté de détailler à la LJA les fonctionnalités des produits du groupe qui est l’un des pionniers en matière d’IA.

Pouvez-vous présenter les outils de Microsoft reposant sur l’IA générative qui s’adaptent au monde juridique ?

Xavier Perret : Microsoft propose deux grandes offres de produits intégrant la technologie de l’intelligence artificielle générative sur le marché de l’entreprise. Copilot pour Microsoft 365 qui est un assistant conversationnel reposant sur le modèle de langage large (ou « LLLM ») développé par notre partenaire OpenAI et intégré au produit Microsoft 365. La seconde offre, Azure OpenAI, propose aux entreprises de construire leurs propres solutions sur mesure pour des métiers spécifiques, notamment ceux du secteur juridique, sur la base des LLMs mis à disposition par Microsoft (LLMs de Microsoft ou LLMs de tiers tel que GPT 4 de OpenAI).

Jean-Christophe Dupuy : Dans le contexte de la pandémie et du développement du télétravail, les services Microsoft 365 (Teams, Word, Excel, Power Point, etc.) ont connu un fort engouement. L’avènement récent de l’IA générative, accessible en langage naturel, dans les outils de productivité a constitué une autre révolution dans l’univers du travail.

Notre étude annuelle WTI (Work Trade Index Pulse) nous a cependant fait prendre conscience de ce que les salariés passaient plus de la moitié de leur temps à rechercher une information, à suivre des réunions, à répondre à des messages, impactant de fait leur créativité et leur productivité. Copilot pour Microsoft 365 a ainsi pour objectif de permettre aux employés de réduire leur surcharge numérique en les aidant à trouver très rapidement une information utile au sein de leurs mails, discussions instantanées et autres documents internes. Ce Copilot peut aussi aider à rattraper une réunion en consultant le résumé, lui-même pouvant inclure une liste d’actions par personne et être interrogé en langage naturel pour clarifier un élément qui ne serait pas clair et à résumer de longs fils de discussions mails tout en proposant des projets de réponse. Enfin, ce nouveau service offre la possibilité d’interroger des documents particulièrement denses et volumineux, un besoin récurrent pour les professions juridiques, en se concentrant sur un thème ou une donnée particulière tel que définis par l’utilisateur. Copilot pour Microsoft 365 présente également l’avantage de baser son fonctionnement sur le Microsoft Graph, offrant ainsi des réponses à l’utilisateur fondées sur une interprétation intelligente de son contexte (i.e. ses mails, les personnes avec qui il a l’habitude d’interagir, ses dossiers récents, etc.)

X.P. : Je m’occupe pour ma part de produits qui sont spécifiques aux métiers. Dans les domaines du droit, le professionnel a plusieurs types de besoins : d’abord de workflow production pour l’aider dans ses tâches quotidiennes (une indexation sur des sites juridiques, une documentation sur des questions générales) ou d’un assistant spécialisé pour répondre à des questions juridiques internes, mais aussi d’un assistant capable de générer du contenu juridique, voire des clauses contractuelles. L’IA générative est alors utilisée comme modèle de langage, reposant uniquement sur les données internes, et capable de répondre en fonction du corpus documentaire propres à l’entreprise.

Plusieurs clients ont déjà construit leur propre plateforme, dédiée aux métiers du droit, grâce au soutien de Microsoft. Je pense notamment à Cellenza ou à l’Ordre des Avocats de Paris. Nous avons également travaillé avec des éditeurs juridiques comme Lefebvre Dalloz.

En quoi ces outils répondent-ils à un besoin des directions juridiques ?

X.P. : De nombreuses directions juridiques françaises s’intéressent au contract management, souvent compris uniquement à travers le prisme de la base de données, c’est-à-dire en tant que répertoire de contrats à utiliser. Microsoft propose de passer à l’étape supérieure : partir de ce répertoire pour générer de la valeur pour la direction juridique, que ce soit pour le suivi historique des modèles de contrats utilisés, l’analyse de clauses alignées avec les pratiques internes de l’entreprise, ou l’identification de dispositions contractuelles présentant des risques au regard de ces mêmes pratiques. C’est du contract management dopé par l’IA et chaque entreprise peut le modeler à sa convenance dans un environnement sécurisé qui lui est strictement propre, les données générées n’étant pas réutilisées pour améliorer les produits ou services d’une tierce partie ni rendues accessibles à d’autres clients.

J.-C. D. : Concernant Copilot pour Microsoft 365, un juriste peut utiliser les capacités du service pour, par exemple, produire des résumés des multiples échanges ayant eu lieu pendant ses congés et identifier les actions qui lui incombe. Il peut également générer un projet de mail en anglais résumant les principales dispositions d’un contrat initialement rédigé dans une autre langue étrangère.

Et pour les cabinets d’avocats ?

J.-C. D. : Copilot pour Microsoft 365 propose des cas d’usage par métier1. L’avocat aura ainsi accès à des solutions permettant de revoir des éléments d’un contrat, comparer deux positions juridiques sur un même document, créer une FAQ, rédiger un memo, etc. Face à la vague de documentations à laquelle les avocats sont confrontés au quotidien, cet outil pourrait par exemple servir à faire une première analyse des textes légaux ou réglementaires. Cela constitue un gain de temps très important.

X. P. : Avec Azure OpenAI, chaque cabinet pourra développer des solutions visant à apporter de la valeur ajoutée aux équipes et aux clients. Je pense par exemple aux due-diligences M&A, qui sont des tâches répétitives, souvent déléguées à des avocats juniors. On pourrait imaginer un chatbot chargé d’accompagner un junior dans le suivi d’une due diligence selon la méthode habituellement utilisée par le cabinet. L’application d’IA ainsi créée ne pourra pas produire un résultat finalisé mais permettra un gain de temps et une grande aide pour tout avocat l’utilisant.

Concernant les avocats et juristes, l’utilisation réfléchie de ces technologies Copilot permettra également une distribution du temps favorable aux tâches à forte valeur ajoutée, augmentant de fait l’attractivité du cabinet et la capacité des directions juridiques à toujours mieux servir leurs clients internes.

J.-C. D. : Les structures qui n’auront pas adopté ces nouvelles technologies vont rapidement devenir moins compétitives que celles qui auront pris ce virage technologique. Par ailleurs, les jeunes talents sortant d’école voudront intégrer la structure qui leur propose de se former avec plus de valeur ajoutée et moins de travail pénible.

Il y aura également un effet d’entrainement entre les cabinets et leurs clients. Si la direction juridique a implémenté ces nouvelles technologies, elle attendra de ses conseils qu’ils s’inscrivent dans cette même évolution.

Les directions juridiques sont parfois inquiètes
de l’utilisation de l’IA dans le cadre de leur activité.
Est-il raisonnable de faire confiance à l’IA ?

X.P. : Il faut différencier l’expérience de ChatGPT, qui est un outil grand public, de l’utilisation de l’IA dans les processus évoqués plus haut, c’est-à-dire dans le contexte délimité de l’utilisateur au sein de l’environnement de son entreprise. C’est parce qu’elle est appliquée sur un corpus de documents et de connaissances internes à l’entreprise que la solution d’IA est pertinente. En restant dans ce contexte de l’entreprise, la réponse de l’IA sera plus précise et concise, contrairement à l’expérience dans ChatGPT, où la réponse sera plus longue, généraliste.

J.-C. D. : Les inquiétudes me semblent bien sûr compréhensibles car le produit Copilot pour Microsoft 365 n’est commercialisé que depuis six mois. Il faut laisser le temps aux grandes entreprises de se familiariser avec ces technologies, les PME suivront après. J’ajoute qu’il faut tout de même constater que les services juridiques ne sont pas les cibles prioritaires, au sein même de l’entreprise, pour le déploiement de ces outils. Elles passent après les équipes innovation, marketing, digital alors qu’elles constituent certainement la population susceptible de tirer la plus grande valeur de ces outils d’IA.

Quels sont les engagements contractuels
de Microsoft quant à l’utilisation des données ?

J.-C. D. : Les outils Copilot pour Microsoft 365 font partie des Core Online Services qui sont des services en ligne Microsoft soumis aux engagements les plus forts de Microsoft, notamment l’engagement « European Data Boundary » qui garantit à nos clients européens que leurs données sont stockées et traitées dans les pays de l’Union européenne. Par ailleurs, Microsoft a également pris un engagement, dénommé « Customer Copyright Commitment » permettant aux clients de demander à Microsoft de prendre en charge une réclamation d’un tiers qui prétendrait que les résultats générés par nos systèmes portent atteinte à leurs droits de propriété intellectuelle. En cas de condamnation, Microsoft s’engage à payer le montant de toute condamnation résultant de ces services d’IA générative, à condition que le client ait utilisé les mesures de sécurité nécessaires. 

(1)  Microsoft Copilot for Microsoft 365 Tips & Tricks - Microsoft UK