Eurofeu, un 5e LBO hautement concurrentiel
En février dernier, le groupe spécialisé dans la sécurité incendie Eurofeu finalisait sa prise de contrôle par IK Partners dans le cadre de son 5e LBO. Son président Eric Hentges et Grine Lahreche, associé chez Winston & Strawn et conseil de la société, présentent les tenants et aboutissants de cette transaction remarquée, l’une des rares enregistrées en début d’année sur le segment upper-midcap.
Qu’est-ce que le groupe Eurofeu ?
Eric Hentges : Créé en 1972, Eurofeu est l’un des leaders du marché de la sécurité incendie en France. Si son cœur de métier demeure la fabrication et la maintenance des extincteurs, le groupe propose une offre globale, couvrant la détection incendie, le désenfumage, l’installation de robinets d’incendie armés ou encore la conception de panneaux de signalisation. Au titre de l’exercice 2024, son chiffre d’affaires dépassera 230 M€.
Moins de quatre ans après son rachat par Capza, la société a fait l’objet d’une nouvelle opération de LBO en février dernier, marqué par l’arrivée d’IK Partners en tant qu’actionnaire majoritaire. Deux opérations rapprochées dans le temps…
Eric Hentges : Lorsque Capza a acquis la majorité du capital d’Eurofeu en juillet 2020, aux côtés du fondateur Michel Lahouati, du directeur général Philippe de Panthou, de moi-même et de l’ensemble de l’équipe de direction, Eurofeu réalisait un chiffre d’affaires avoisinant 100 M€ et employait près de 900 collaborateurs. Le business plan établi à cette occasion reposait sur un fort développement du groupe, sur un plan tant organique qu’externe. Tous les objectifs ont été atteints avec au moins 18 mois d’avance. Sur le volet organique, Eurofeu a ainsi vu ses ventes enregistrer une croissance à deux chiffres sur la période, contre un rythme préalablement compris entre 3 et 5 % par an. En matière d’acquisitions, l’entreprise s’est imposée comme l’un des principaux consolideurs du marché hexagonal, avec huit rachats de concurrents, dont deux particulièrement structurants (reprise d’Isogard auprès de Johnson Controls et d’AMI2S). Dans ce contexte favorable, plusieurs acteurs ont alors commencé à manifester des marques d’intérêt pour Eurofeu. Et comme nous avions identifié des opportunités de développement à l’international, qui allaient notamment nécessiter de renforcer notre structure financière, le moment était apparu idéal pour Capza pour lancer la recherche d’un partenaire appelé à nous accompagner dans cette nouvelle phase de croissance.
Grine Lahreche : Autre paramètre important, la réussite de ce 4e LBO avec Capza se mesure également à l’aune de la réorganisation managériale qui a été menée, et dans le cadre de laquelle Eric Hentges avait pris la présidence du groupe en 2020.
Comment s’est déroulé le process ?
Grine Lahreche : Après l’expression de marques d’intérêt prononcées de la part de plusieurs candidats durant l’été 2023, l’intensité concurrentielle est progressivement montée, avec une accélération du process courant décembre. Au-delà du nombre significatif d’acquéreurs potentiels positionnés sur ce dossier, de l’ordre de près d’une dizaine, l’une des spécificités de la transaction portait sur l’hétérogénéité de leurs profils. Cette situation a grandement influé sur le contenu des discussions et sur la rédaction des term sheets qui ont dû faire l’objet d’une élaboration sur-mesure, prenant en compte les contraintes propres à chaque candidat. Conformément au calendrier souhaité par Capza et l’ensemble des associés, la finalisation des due diligences et les dernières étapes des négociations se sont ensuite déroulées en février 2024, dans des délais très courts. Une fois le choix d’IK Partners arrêté, l’essentiel du travail a enfin concerné la rédaction de la documentation contractuelle (pacte), une problématique d’autant plus sensible que la nouvelle structure du capital allait compter une pluralité d’acteurs aux intérêts multiples. Le closing est intervenu en mai 2024.
Comment se répartit aujourd’hui l’actionnariat du groupe ?
Eric Hentges : Outre IK Partners, qui est l’actionnaire majoritaire, Capza a réinvesti aux côtés de 170 collaborateurs de l’entreprise. Un troisième bloc est constitué de l’équipe de direction.
Comment l’opération a-t-elle été financée ?
Eric Hentges : Pour le financement, en plus des management presentation organisées par Natixis Partners auprès d’une vingtaine de prêteurs potentiels, nous avons bénéficié de l’expertise et des conseils d’IK Partners, qui dispose d’une équipe « capital markets » basée à Londres. Au final, HayFin a apporté la dette unitranche mise en place, sur la base d’une structure adaptée aux projets de développement d’Eurofeu.
Que retenez-vous de cette transaction ?
Grine Lahreche : Outre la qualité intrinsèque de la société, le haut degré de compétition entre les candidats au rachat en fait l’un des rares très beaux deals du premier semestre 2024, une période au cours de laquelle l’activité private equity me paraissait plutôt au ralenti.
Eric Hentges : Sur un plan personnel, il s’agissait de la première opération de cette nature à laquelle j’ai pu participer. Face à la complexité juridique de tels dossiers, l’accompagnement par des conseils pluridisciplinaires (juridique, tax et financier) qui connaissaient parfaitement la société a été déterminant dans la bonne conduite du process.
Quelles sont les priorités d’Eurofeu
pour les mois à venir ?
Eric Hentges : Nous travaillons actuellement sur la constitution d’un fonds commun de placement d’entreprise (FCPE). Aux côtés des 170 collaborateurs du groupe déjà actionnaires, je souhaite en effet impliquer un maximum de salariés au niveau de la gouvernance, dans une logique non seulement d’alignement d’intérêts, mais aussi de meilleur partage de la valeur. Le lancement effectif du FCPE est prévu au printemps prochain, de manière à coïncider avec le versement de la participation. Ce faisant, chacun de nos 2000 collaborateurs aura l’opportunité d’investir, avec cet argent, au capital de la société. La part détenue par les salariés pourrait atteindre, à terme, entre 15 et 20 %.
Qu’en est-il sur un plan business ?
Eric Hentges : L’accélération continue de la croissance du groupe sur son marché domestique reste au cœur de nos priorités, ce qui passera par la mise en œuvre d’un nouveau plan d’investissement ambitieux, doublé d’une politique M&A toujours aussi dynamique. Dans ce domaine, nous disposons d’un pipeline de cibles conséquent. Parallèlement, et c’est l’une des raisons qui ont conduit IK Partners à prendre une participation majoritaire, nous allons nous atteler à dupliquer en dehors des frontières notre stratégie qui a d’ores et déjà porté ses fruits en France. Nous nous intéressons dans un premier temps à l’Europe, en particulier certains pays dont l’Italie.
La croissance externe constituera-t-elle un moteur
de ce développement à l’international ?
Eric Hentges : En partie, oui. Notre intention consiste à acquérir des plateformes, qui participeront ensuite au mouvement de consolidation sectorielle. Compte tenu des caractéristiques du secteur de la sécurité incendie, qui compte de nombreux acteurs indépendants et de tailles relativement petites, les opportunités sont nombreuses. T