Avec Hysetco, Hy24 a réalisé sa plus grosse acquisition
En avril dernier, la société d’investissement Hy24 est devenue l’actionnaire majoritaire d’Hysetco, le pionnier de la mobilité hydrogène intégrée qui bouclait alors un tour de table de près de 200 M€. Sébastien Paillat, Head of Investment de Hy24, et ses conseils juridiques Fanny Combourieu et Simon Charbit, partners chez DLA Piper, reviennent sur la complexité juridique de cette opération qui associe des investisseurs aux profils hétérogènes.
Qu’est-ce que Hy24 ?
Sébastien Paillat : Hy24 est une co-entreprise créée en 2021 par Ardian et FiveT Hydrogen. La société de gestion compte une quarantaine de collaborateurs en France et à l’étranger (Zurich, Singapour, New York) et a pour vocation d’investir sur toute la chaîne de valeur de l’industrie de l’hydrogène bas carbone, en Europe, en Amérique du Nord et en Asie. Soutenus par plus de 50 investisseurs institutionnels et grands groupes industriels (Air Liquide, TotalEnergies, VINCI, Airbus, EDF, Groupe ADP…), nous avons lancé un premier véhicule en 2022, baptisé « Clean H2 Infra Fund ». Disposant d’une enveloppe de 2 mds€, il cible des investissements dans les infrastructures hydrogène et dérivés de l’hydrogène (e-méthanol, ammoniac vert…). Les tickets injectés – minoritaires en règle générale – sont compris entre 30 et 200 M€. Le fonds compte aujourd’hui huit participations et devrait, à terme, en détenir le double environ. L’an dernier, nous avons lancé un deuxième fonds, « Clean Hydrogen Equipment Fund », qui se focalise pour sa part sur le financement des technologies et des équipementiers de la filière hydrogène bas carbone. Toujours en cours de levée, il vise une taille-cible de 500 m€. Les tickets investis oscillent entre 5 et 60 M€. Il nous a permis de réaliser un premier investissement dans la société norvégienne Hexagon Purus.
En avril dernier, Hy24, par l’intermédiaire de son Clean H2 Infra Fund, bouclait sa plus grande prise de participation, et sa première en tant qu’actionnaire majoritaire, en investissant dans Hysetco.
Pourquoi cet investissement ?
Sébastien Paillat : Créée en 2019 par Air Liquide, Idex, STEP et Toyota, Hysetco s’est imposée comme la société pionnière de la mobilité hydrogène et chef de file en Europe. S’appuyant sur l’acquisition structurante en 2020 d’un des leaders historiques du taxi parisien, Slota, Hysetco est parvenue à obtenir un positionnement unique sur le marché en développant d’une part, le 1er réseau de stations hydrogène en France qui compte 8 stations à ce jour, distribuant près de 30 tonnes d’hydrogène par mois, et d’autre part en déployant une flotte de véhicules hydrogène – principalement des taxis – qui avoisine actuellement les 800 véhicules circulant en région parisienne. Le fait qu’aucun autre acteur n’affiche une telle présence sur ces deux segments confère un réel avantage concurrentiel à Hysetco et lui permet d’être d’ores et déjà profitable. S’ajoutent à cette équation les perspectives porteuses pour la réplication du modèle en France et à l’international, principalement pour les usages intensifs, les avantages de la solution – un ravitaillement s’effectue en seulement 3 à 5 min pour une autonomie allant jusqu’à 600 km – et notre bonne connaissance de l’entreprise et de ses dirigeants. Les conditions étaient réunies pour que Hy24 puisse se positionner sur ce dossier.
Comment s’est déroulé le processus d’investissement ?
Sébastien Paillat : Afin de financer ses Capex, en l’occurrence la construction de nouvelles stations de recharge, et son développement géographique en dehors de l’Ile-de-France, Hysetco cherchait à lever 200 M€. Si certains de ses financeurs historiques ont réinvesti, l’option d’une entrée au capital d’un nouveau partenaire majoritaire, s’est imposée, compte tenu de l’ampleur de l’investissement. Dans ce cadre, la société avait mandaté mi-2023, une banque conseil pour l’accompagner. Assez rapidement, nous nous sommes retrouvés en situation d’exclusivité dans les négociations. Plusieurs mois ont ensuite été nécessaires pour mener à bien cette transaction assez complexe.
C’est-à-dire ?
Simon Charbit : La première difficulté avait trait au grand nombre de parties qui sont intervenues sur ce dossier. La banque d’affaires évoquée par Sébastien conseillait la société. Parallèlement, chaque actionnaire a nommé son propre conseil, au même titre que Raise Impact et Eiffel Investment Group, qui finançaient Hysetco en dette. Au-delà de l’abondance d’interlocuteurs, les discussions ont été également rendues complexes en raison de la diversité de profils au sein du tour de table. En effet, entre des associés historiques (Air Liquide, TotalEnergies Toyota et Kouros) qui sont très attentifs à leurs droits en matière de gouvernance, un fonds appelé à devenir le nouvel actionnaire majoritaire qui va lui aussi chercher à sécuriser son contrôle et, enfin, d’autres acteurs financiers investis sous la forme d’instruments de dette et dont les attentes ne sont pas les mêmes, il a fallu multiplier les échanges pour aligner les intérêts de chacun.
Sébastien Paillat : Une issue qui n’a effectivement pas été aisée dans la mesure où nous n’avions pas face à nous un représentant unique des actionnaires, mais une multitude de conseils.
Fanny Combourieu : En outre, ce processus a été d’autant plus dense que Hysetco a mené, en marge des discussions afférentes à son augmentation de capital, des négociations commerciales avec deux de ses actionnaires : Air Liquide pour un contrat de fourniture d’hydrogène et Toyota pour la fourniture de véhicules à hydrogène destinés à enrichir sa flotte.
Sébastien Paillat : Par ailleurs, Clean H2 Infra Fund est un fond aligné sur les exigences de l’article 9 de la réglementation SFRD et présente, à ce titre, un objectif d’investissement durable. Dans ce cadre, nous avons approfondi les travaux de due diligence sur le volet ESG, de même que ceux relatifs au volet commercial.
Comment s’est structurée la levée de fonds ?
Fanny Combourieu : Le financement a reposé sur l’émission d’actions de préférence au profit de Hy24 et d’obligations convertibles souscrites par Hy24, mais également par Raise Impact et Eiffel Investment Group qui souhaitaient continuer d’accompagner Hysetco. Le financement en obligations convertibles est assorti d’un « security package » assez classique pour ce type de transactions.
Après avoir bénéficié d’un afflux de capitaux,
le secteur des énergies vertes a, depuis près de deux ans, moins le vent en poupe auprès des investisseurs. Quid du secteur de l’hydrogène ?
Sébastien Paillat : Celui-ci n’échappe certes pas à cette tendance, mais notre optimisme demeure intact. S’agissant de Hysetco, qui a d’ailleurs bénéficié d’un coup de projecteur formidable lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 en fournissant en hydrogène une flotte spécifique de 500 véhicules hydrogène à disposition des officiels et des athlètes, son portefeuille de clients ne cesse de croître et de se diversifier. L’entreprise a récemment amorcé le déploiement de ses premiers vans à hydrogène pour le transport de passager à mobilité réduite ou pour la logistique du dernier kilomètre. À noter, les autres participations réalisées via le Clean H2 Infra Fund enregistrent la même dynamique de développement soutenu. Plus globalement, à l’échelle du marché, je considère que le retour à la réalité industrielle des projets et de leur temps de déploiement se traduit sur le marché par de nouvelles opportunités, les valorisations de la plupart des acteurs ayant sensiblement diminué.
Fanny Combourieu : Autre signe que l’industrie de l’hydrogène attire toujours les investisseurs, les équipes de DLA Piper ont accompagné à l’international plusieurs clients dans ce secteur, comme par exemple H2Apex en Allemagne ou Hydrom en Oman, dans des projets « pilotes » comme celui pour Engie et Mitsui en Australie ou NEOM Green Hydrogen Company en Arabie Saoudite, et bien sûr Hy24 dans plusieurs de leurs opérations internationales.
Simon Charbit : Il est aussi intéressant de signaler que de nouveaux profils d’acteurs s’y intéressent, notamment dans la tech, à l’instar de Capgemini qui a récemment investi dans le deuxième fonds de Hy24, Clean Hydrogen Equipment Fund.