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Quelle organisation interne du cabinet pour mieux fédérer les équipes ?

Par Laura Dray

Si la pandémie du Covid-19 appartient désormais au passé, elle a profondément modifié le cadre de travail des entreprises. Les cabinets d’avocats n’y échappent pas. Entre l’avènement du télétravail régulier et les déménagements, principalement motivés par des raisons financières ou de croissance organique, comment en 2025, les cabinets d’avocats parviennent-ils à fidéliser les talents tout en facilitant l’intégration des nouveaux collaborateurs ?

Passée la stupeur des différents confinements, ces dernières années ont pour le moins été actives pour les cabinets d’affaires qui ont tous cherché à encourager la productivité des équipes. Par conséquent, la mise en place d’un environnement de travail propice à la cohésion, à l’échange et à la synergie entre les collaborateurs s’est révélée essentielle pour optimiser les performances et l’attractivité.

Agencement de bureaux :
un levier stratégique
pour fédérer les équipes

Alors que de nombreux baux sont arrivés à terme et grâce à la stabilisation des tarifs de location d’immeubles, les déménagements de cabinets se sont enchainés à Paris. Or, cette mobilité est souvent un moment clé de transformation interne qui peut influencer positivement la collaboration entre les équipes, en facilitant les échanges, les interactions sociales et en valorisant l’esprit de partage. Les cabinets d’avocats l’ont bien compris. Désormais, les bureaux sont plus ouverts, modulables et partagés tout en préservant le besoin de confidentialité. Le phénomène n’est pas si récent.

Déjà en 2021, August Debouzy avait déménagé ses bureaux rue de Téhéran, dans le 8e arrondissement de Paris. Une occasion de repenser l’organisation des équipes et d’améliorer la collaboration entre les différents départements. Une vidéo présentant les nouveaux locaux avait alors fait grand bruit, car filmée par drone.

Plus récemment encore, en 2023, le cabinet Simmons & Simmons a déménagé au 21/23, rue de la Ville de l’Évêque, dans les anciens locaux de Willkie Farr. Ces nouveaux bureaux de 4 200 m², repensés, sont plus modernes, spacieux et lumineux. Des espaces de vie qui sont le fruit d’une réflexion collective, pour permettre les échanges et la collaboration tout en améliorant l’expérience client.

La firme Allen & Overy (devenue A&O Shearman en mai dernier) s’était pour sa part installée au 32, rue François 1er. Le managing partner de l’époque, Hervé Ekué, se félicitait alors que ces bureaux, réunis « Au sein d’un écrin unique, proche de nos clients et conformes aux nouveaux usages des collaborateurs, offrent des lieux adaptés aux évolutions des modes de travail et favorisent les synergies entre les équipes ».

Aujourd’hui les cabinets sortent du Triangle d’Or pour se retrouver dans le quartier de l’Opéra Garnier, des Grands Boulevards ou de la Bourse. Des quartiers vivants, qui attirent aussi les collaborateurs. C’est le cas notamment de Pinsent Masons qui s’est installé, fin 2024, au 35, boulevard des Capucines, ou encore de Cleary Gottlieb qui a pris ses marques au 2, rue Meyerbeer, dans le 9e arrondissement de Paris, pour désormais réunir ses avocats sur un même étage.

Mais certains cabinets, plus audacieux encore, ont décidé de franchir le pas de la nouveauté, et se délocalisent rive gauche. La rédaction est ainsi allée à la rencontre de Maxime Pigeon et Catherine Olive, co-managing partners chez Osborne Clarke. Ils retracent l’évolution du cabinet, qui a démarré rue de Rome avec une petite équipe avant de s’installer boulevard Malesherbes. À la fin de l’année 2024, ils ont déménagé dans de nouveaux bureaux situés au 79, boulevard Saint-Germain, dans le 6e arrondissement, un quartier dynamique et moins conventionnel que les traditionnels quartiers d’affaires. Rassemblant aujourd’hui 130 professionnels, dont 90 avocats (17 associés), Catherine Olive et Maxime Pigeon estiment que : « ces nouveaux bureaux, situés au cœur de Paris, constituent une étape importante dans l’histoire du cabinet. Modernes et conviviaux, ils reflètent l’identité de notre cabinet et viennent soutenir notre croissance, avec la volonté d’accueillir nos équipes et nos clients dans les meilleures conditions ». Avec 2 800 m² sur deux étages, l’ensemble immobilier présente des espaces communs attractifs : une élégante cour intérieure, des terrasses, des espaces dédiés au sport, à la détente avec un sauna et une brasserie dotée d’un rooftop. Cet investissement dans de nouveaux locaux n’implique pas la fin de l’organisation hebdomadaire des équipes et notamment du télétravail.

Le télétravail comme rétention
des talents ou frein à la fédération
des équipes ?

De grandes entreprises comme Ubisoft, Amazon, Disney souhaitent revenir aux 100 % présentiel aux États-Unis comme en France, arguant de la nécessité de renforcer la cohésion d’équipe. Mais ce retour en arrière ne semble pas convaincre les cabinets d’avocats qui, après avoir mis du temps à s’y mettre, estiment aujourd’hui que le télétravail n’est pas incompatible avec la coopération des équipes. Pour les managing partners d’Osborne Clarke, le télétravail, déjà bien installé, permet d’adopter un juste équilibre entre la flexibilité des bureaux et la formation des jeunes collaborateurs. « Un retour en arrière, sans télétravail, serait une ineptie », confie Maxime Pigeon. Chez A&O Shearman, les bureaux sont désormais organisés avec deux postes par salle sur lesquels tournent trois avocats. Impossible donc de refaire venir les effectifs à 100 % dans les locaux. C’est l’avis que partage aussi François Dauba, avocat associé et co-responsable du département concurrence/distribution du cabinet BCTG Avocats : « En termes d’organisation, nous nous sommes adaptés au monde post-covid. Nos relations reposent sur la confiance, en responsabilisant les équipes. Que nos collaborateurs travaillent depuis chez eux ou dans nos bureaux, l’important demeure leur investissement dans les dossiers, ce qui est aisément identifiable ». Alors, quand un collaborateur choisit de faire du télétravail un vendredi pour se ressourcer à la campagne, la demande est accueillie sans difficulté. Si le collaborateur est plus souvent au cabinet qu’à domicile et qu’il se déplace pour les événements fédérateurs de l’enseigne, pourquoi donc supprimer le télétravail ? Le credo est pourtant simple : fidéliser par un mode de travail hybride, fédérer par l’événementiel à l’instar des deux faces d’une même pièce.

Des moments partagés
 pour renforcer la cohésion

Avec le développement du télétravail, les moments fédérateurs entre équipe sont essentiels. Et les cabinets d’avocats ne se limitent plus à des séminaires ou des journées de formation, voire à des déjeuners mensuels entre associés, mais incluent également des activités sociales et récréatives. Les teams buildings créent une meilleure communication entre les associés, les avocats de toutes seniorités et les équipes de salariés, favorisant ainsi un environnement de travail plus harmonieux et collaboratif. Ils permettent de renforcer les valeurs du cabinet, d’améliorer la culture d’entreprise et d’encourager la rétention des talents. Chez BCTG, afin de fédérer les équipes, le cabinet a mis en place l’initiative « Les délibérés » pour permettre aux collaborateurs et aux associés de se retrouver autour d’un verre une fois par mois en soirée.

L’accompagnement des avocats est également clé. Et sur ce point, la directrice des ressources humaines d’Osborne Clarke, Laure Carapezzi, insiste sur la formation continue : « Chez Osborne Clarke, nous avons à cœur de permettre à nos avocats de s’inscrire dans un véritable parcours de carrière. Nous veillons à les accompagner dans tous les aspects de la profession et offrons notamment aux collaborateurs seniors et aux counsels, la possibilité de suivre des ateliers de management » Un accompagnement par des professionnels, favorisant un environnement sain où chacun peut s’exprimer et bénéficier du partage d’expériences et des bonnes pratiques de ses pairs. Maxime Pigeon et Catherine Olive précisent : « Ces formations permettent d’unifier les valeurs de management. Ce sont des moments précieux et fédérateurs. La richesse des profils de counsels, par exemple, est un atout qui doit être préservé. Soutenir nos avocats dans leur développement implique une recherche constante du meilleur équilibre entre les aspirations de chacun et l’intérêt du collectif ». D’autres cabinets ont mis en place ces programmes de formation des counsels, comme Linklaters qui prévoit un programme de mentoring, tout comme White & Case.