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Ces avocats d’affaires passionnés

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES

Même si les avocats d’affaires se consacrent essentiellement à leur métier et à leurs clients, avec peu de temps libre, certains ont tout de même développé des passions qui les portent quasiment au quotidien. Ils ont accepté de les dévoiler et de raconter l’enrichissement qu’ils en retirent dans le cadre de leur exercice professionnel.

Éric Fiszelson, Ashurst

Producteur de cinéma et de documentaires

Éric Fiszelson est cinéphile depuis son enfance. Lorsqu’il étudie à Sciences Po, il a accès à ce que l’école appelle des enseignements d’ouverture et, parmi ceux-ci, il choisit celui sur le cinéma. Il suit un cours sur le film noir et un autre sur la migration des cinéastes allemands vers les États-Unis lors de l’arrivée au pouvoir d’Hitler. Il hésite même à abandonner Sciences Po, pour passer le concours de la Femis, l’école nationale supérieure des métiers de l’image et du son. Pendant le confinement, il crée, avec un ami assistant-réalisateur, un podcast, baptisé Réals, dédié au cinéma et aux cinéastes. Ce podcast est repéré par la radio Fréquence Protestante, qui les recrute pour animer une émission intitulée « La dernière séquence », diffusée tous les mois et dédiée aux réalisateurs de cinéma, dans laquelle ils reçoivent parfois des invités. 

L’associé du département finance d’Ashurst est, par ailleurs, producteur exécutif d’un film indépendant anglais, « Derelict » - deuxième long métrage du réalisateur, dont la sortie a eu lieu début 2024 au Royaume-Uni. Il travaille également en ce moment sur la production d’un documentaire sur Prince. « Mon rôle d’animateur à la radio et mon expérience de producteur, bien que distincts de mon activité professionnelle, m’apportent une grande richesse. Ils nourrissent mon goût pour la créativité et me permettant de décloisonner ma manière d’appréhender les problématiques juridiques complexes auxquelles je suis confronté quotidiennement. L’animation radio, en particulier, est un exercice d’expression orale qui s’avère très profitable. Elle affine ma capacité à communiquer avec clarté et à être à l’écoute, compétences essentielles en matière de négociation contractuelle », déclare-t-il.

Solenne Brugère, b Ethics

Créatrice d’un concours de poésie

C’est en 2021 que l’idée de créer un concours national de poésie pour les personnes âgées et en situation de handicap - porté par Stop à l’isolement et soutenu par les ministères des Solidarités et de la Santé - est née chez la fondatrice du cabinet b Ethics. Plus de 700 poèmes ont été rédigés par des milliers de personnes âgées et handicapées, âgées de 6 à 102 ans, lors des deux premières éditions. Des textes touchants, amusants et porteurs d’une fantastique philosophie sur le bonheur de la vie, annuellement primés par un jury intergénérationnel, qui permettent de porter un nouveau regard sur les capacités de créativité poétique insoupçonnées de personnes d’habitudes invisibilisées et mises de côté par la société. « Cette extraordinaire aventure humaine me permet de renforcer et développer de nouvelles qualités professionnelles, qui enrichissent mon activité de conseil en droit, éthique des affaires et RSE, souligne Solenne Brugère, qui a dû innover et se renouveler avec sa cofondatrice, pour passer d’un modèle de bénévolat épuisant à un projet financièrement équilibré, afin d’assurer sa pérennité. Outre l’enrichissement de mon réseau professionnel, cette initiative m’a par exemple appris à communiquer de manière adaptée à un public varié, à savoir identifier et m’associer avec les personnes les plus qualifiées pour donner vie à une idée, mais aussi à entreprendre un projet ambitieux jusqu’à sa concrétisation et à le gérer en équipe en anticipant les étapes et les échéances, ainsi qu’en s’adaptant aux innombrables aléas et obstacles qui surgissent à tout moment ». 

Benjamin Kantorowicz, Bianca

Curateur et galeriste

Le cofondateur du cabinet Bianca, dédié au droit social, et de l’organisme de formation Bernard, a fondé une galerie d’art dans le 9e arrondissement de Paris, et s’apprête à en ouvrir une nouvelle Rive gauche. Baignant dans le milieu artistique – son père Serge Kantorowicz était peintre –, il explore tous les musées depuis l’enfance, peaufinant ses connaissances au fil des années.

En 2014, lorsqu’un membre de sa famille ouvre un établissement hôtelier rue du Faubourg-Poissonnière, l’avocat décide de réquisitionner l’une des salles pour créer une galerie. Il organise alors des expositions. La première, photographique, fait l’objet d’un vernissage auquel sont notamment conviés artistes, photographes, infographistes et ses confrères de Fromont Briens où il exerce alors. Face au succès, Benjamin Kantorowicz décide d’en faire une activité pérenne, souhaitant mettre en lumière des artistes et les aider dans leur démarche. À cette fin, il opte pour une commission de 10 % sur les ventes, contre 30 à 50 % habituellement. Benjamin Kantorowicz n’hésite pas à prendre des risques et découvre la curation artistique. Collectionneur, il se positionne à présent sur l’art numérique et collabore notamment avec les collectifs d’artistes Feen, de l’univers du hip-hop et du skate, ou encore KHC (Kurt Hustle Collective), dont les membres sont présents sur les blockchains Tezos et Ethereum. La pandémie a mis fin à ce projet, qui est désormais en train de reprendre vie dans les 9e et 5e arrondissements de Paris. « J’ai de nombreux clients dans le domaine de la blockchain et du Web3, qui s’intéressent à l’art numérique et apprécient mon approche différenciante et novatrice de l’art, ainsi que mon décalage, se retrouvant autant dans ma vie personnelle que dans l’exercice de ma profession, explique l’avocat. J’ai développé une expertise et des connaissances de cet écosystème et interviens désormais régulièrement sur des problématiques de droit du travail aux côtés de cabinets spécialisés, comme ORWL, qui est dédié à l’accompagnement juridique des projets crypto/Web3 ».

Wissam Mghazli, Komon Avocats

Les Lego

Wissam Mghazli s’est pris de passion pour les Lego vers l’âge de 4-5 ans. Ayant grandi au Maroc, il a fait ses premières armes sur les navettes spatiales ou encore les temples égyptiens que lui apportait de France sa grand-mère maternelle, lors de ses visites annuelles. Aujourd’hui managing partner du cabinet Komon Avocats, il expose dans son bureau une réplique en Lego du Faucon Millenium de Star Wars, issue de l’Ultimate Collector Series. Un travail minutieux de plus de 7 500 pièces, qui lui a pris exactement 21 h 54 et ne manque pas d’intriguer ses clients et confrères, puisque c’est souvent la première chose qu’ils remarquent en passant la porte. L’avocat stocke ses plus belles pièces chez lui ou chez ses parents, rêvant secrètement de vivre hors de Paris, pour dédier une salle entière à sa passion. Parmi ses œuvres fétiches, l’Étoile de la mort de Star Wars, un casque Star Wars Boba Fett, l’Aston Martin DB5 de James Bond, le Central Perk – qui est le café fictif de la série télévisée Friends reproduit par Lego pour les 25 ans de la série –, le Combi Volkswagen de 1962, ou encore un tuk-tuk cambodgien. « Je suis très minutieux et perfectionniste, ce qui me vaut quelques surnoms sympathiques des avocats du cabinet. Le développement et les tâches administratives et de gestion des ressources humaines inhérentes à la fonction de managing partner me correspondent tout à fait pour ces raisons. Ma passion pour les Lego m’a incontestablement appris la patience et à réfléchir ‘’en brique’’, c’est-à-dire de manière bien séquencée, ce qui est aussi d’une grande utilité dans ma pratique du droit de l’arbitrage, matière complexe où les avocats doivent travailler de nombreuses heures sur des dossiers très denses », explique Wissam Mghazli, qui a d’ailleurs écrit « Chronique d’un élève avocat », un livre de conseils et astuces pour réussir l’examen du CRFPA, désireux de partager son sens de l’organisation avec ses futurs confrères.

Thomas Kendra, Hogan Lovells

Chanteur et ténor

L’associé en arbitrage international d’Hogan Lovells est passionné de chant et ténor dans un ensemble vocal qui s’appelle Chœur 43, dont les titres sont notamment disponibles sur Spotify. Ils viennent d’enregistrer un nouveau disque, accompagné d’un livre sonore qui sera publié chez Actes Sud dans l’année, avec des compositions originales, notamment de Matthew Sheeran (qui n’est autre que le frère du célèbre chanteur Ed Sheeran), Karol Beffa et Tatiana Probst. Thomas Kendra fait également partie du « HL band », le groupe de musiciens du cabinet. Car la firme compte plusieurs chanteurs en son sein, dont sa managing partner Xenia Legendre. Un concert à but caritatif a même été organisé lors de la période des fêtes par ses membres. « Être habitué à chanter pour un public m’a procuré des ressources pour bien focaliser l’énergie du stress lorsqu’il s’agit de plaider des dossiers pour le compte d’États mettant en jeu des centaines de millions de dollars. Bien que le travail pour mes clients et auprès de mes associés chez Hogan Lovells demeure prioritaire, je pense que trouver un équilibre permettant d’exercer sa passion est important pour se surpasser », déclare Thomas Kendra, qui rappelle les bénéfices à la fois physiques et psychologiques du chant en groupe. « C’est aussi bien un travail de corps en termes des muscles mobilisés, qu’un exercice avantageux pour le cerveau (la musique mobilise particulièrement l’hémisphère droit du cerveau qui capte les sons, contrairement à l’hémisphère gauche qui est davantage réceptif au langage pur), et en plus cela stimule la production d’endorphines », ajoute-t-il.

Nicolas Message, FTPA

Producteur de vin

L’associé fiscaliste de FTPA s’est découvert une passion pour le vin sur le tard, « auprès des sommeliers des restaurants », précise-t-il. Mais étant un homme curieux, il s’est bien vite éduqué découvrant de multiples pépites d’abord en Bourgogne, puis en Vallée du Rhône. Et comme Nicolas Message ne fait jamais les choses à moitié, en 2015, il décide d’acheter des terres, nues, sur le territoire de l’IGP coteaux du Pont du Gard, à deux kilomètres des étangs de la réserve naturelle de Petite Camargue. Depuis, grâce à une équipe menée par son ami Luc Baudet, vigneron, il a réalisé plusieurs cuvées. « C’est un vin de partage, décrit-il. J’aime en faire profiter mes clients et mes amis. J’allie ainsi mon exercice professionnel avec ma passion ».

Deux vins sont ainsi produits. D’abord du blanc. « C’est un vin rhodanien mais vinifié à la bourguignonne pour lui apporter de la rondeur et de l’équilibre », détaille l’avocat. Fort de sa singularité, le vin a été baptisé : « Sui Generis ». Le vin rouge, lui, est un assemblage de grenache et mourvèdre. « Il est rond en bouche, fruité, mais aussi épicé et poivré. C’est un vin élégant et conçu pour partager des bons moments entre amis », explique l’avocat qui a choisi de l’appeler « Intuitu Personae ». Le logo représente quant à lui une balance de la justice. Le droit n’est donc jamais bien loin dans cette passion pour le vin.

Arash Attar-Rezvani, Skadden Arps

Photographie

Arash Attar-Rezvani n’est pas né dans n’importe quelle famille. Son père, Abbas Attar, était un célèbre photographe de l’agence Magnum qu’il avait intégrée en 1981. Durant sa longue carrière, il a couvert de multiples conflits et révolutions (Vietnam, Iran, Bosnie, Irak, Afghanistan notamment), parcourant le monde et s’engageant ensuite dans un travail sur les religions et la spiritualité. « Lorsque nous étions petits, avec mon frère jumeau, nous jouions dans les cartons de l’agence Magnum entourés d’Henri Cartier-Bresson, Josef Koudelka, Salgado, Marc Riboud ou encore Raymond Depardon. Nous faisions tous un peu partie de la même famille », raconte-t-il. L’avocat ne s’est lui-même jamais engagé dans l’exercice. « Mon père faisait de la photo, moi je prends des photos. Mais à force d’avoir côtoyé ces grands professionnels qui ont une vision singulière du monde, je crois qu’ils m’ont inculqué une forme de sensibilité et de créativité qui m’inspire dans mon exercice d’avocat », explique-t-il.

Depuis 2013, Arash Attar-Rezvani est même devenu le conseil stratégique de l’agence Magnum. Il est d’ailleurs le seul non-photographe admis à participer, chaque année, à la partie de l’assemblée générale qui valide les nouveaux membres de l’agence. Et en 2017, Skadden a accompagné l’agence pour l’ouverture de son capital à deux investisseurs extérieurs, pour lui permettre d’affronter la révolution numérique et le développement des réseaux sociaux.

Laurent Szuskin, Baker McKenzie

Compositeur

L’associé de Baker McKenzie, spécialisé en droit des nouvelles technologies, navigue dans l’univers de la musique depuis toujours et y consacre beaucoup de son (peu) de temps libre. Il compte, parmi ses plus proches amis, des gens qui en ont fait leur métier. En 2008, au Midem (le rendez-vous cannois alors incontournable de l’industrie musicale) où il accompagne ses clients du secteur naissant de la musique digitale, il renoue avec une camarade de classe, devenue dirigeante d’une grande major. Elle lui fait par la suite rencontrer des musiciens et réalisateurs artistiques (dont Olivier Schultheis ou Jean-Pierre Pilot) qu’il assiste dans la rédaction de contrats pour leurs projets musicaux, notamment à la télévision (The Voice) ou pour des comédies musicales (Mozart l’Opéra Rock, 1789 Les Amants de La Bastille, etc.). Un jour, Laurent Szuskin fait écouter à Jean-Pierre Pilot, qui travaille alors aux côtés de Christophe Willem sur son 2e album, l’une de ses propres maquettes, composée avec un ami. Celle-ci sera appréciée et reprise par l’artiste pour devenir son 1er single « Berlin ». L’avocat devient membre de la Sacem et est « signé » chez un éditeur musical, ce dont il est très fier. L’aventure continue, puisqu’il a composé, avec Fabien Cahen, la musique signature ‘Victory’ du Paris Squash Platinum Tournament 2023. Il accompagne également, en tant que compositeur, un collectif électro qui se nomme « Beaumarchais », ayant coécrit la musique des titres de leur récent premier EP intitulé « Just Begun ». « Je constate de nombreuses similitudes entre mon métier d’avocat et mon activité de compositeur, notamment le besoin de combiner rigueur et imagination, ainsi que le travail en équipe, nécessaires selon moi à toute réussite », explique-t-il.

Rebecca Major, Herbert Smith Freehills

La course à pied et la marche en montagne

Rebecca Major pratique la course à pied depuis le début de sa carrière d’avocat à Londres et a maintenu cette discipline tout au long de son parcours professionnel chez HSF Paris et Tokyo. « J’ai participé aux championnats régionaux de cross au Royaume-Uni et en France et j’ai également couru des courses sur route (1 h 28 pour un semi, 3 h 19 pour un marathon). Ces dernières années, maintenant que je suis quinquagénaire, je me suis davantage concentrée sur les courses de trail de longue distance, comme l’Ecotrail de 80 km dans la région parisienne », raconte-t-elleCelle qui aime l’idée de combiner la course à pied et la nature, a également fait quelques bonnes marches en montagne sur de longues distances. Elle détaille : « En 2021, j’ai réalisé avec mon mari une randonnée de 40 jours sur le GR10 à travers les Pyrénées, et l’année dernière, nous avons parcouru une grande partie du GR5 à travers les Alpes. Nous avons également fait deux fois le GR20 à travers la Corse, dont une fois avec nos fils adolescents ». Le travail, la famille et le sport ont toujours été les trois axes importants de sa vie. « Trouver un équilibre entre vie professionnelle et personnelle est essentiel pour moi, assure l’avocate. La course à pied ainsi que la randonnée m’ont aidée à le maintenir. Il s’agit d’un excellent moyen pour évacuer le stress, se surpasser, et maintenir l’harmonie entre la forme physique et mentale. Cela contribue grandement à appliquer une approche plus sereine au travail ».

Brice Mathieu, De Gaulle Fleurance

Photographie

Brice Mathieu a été imprégné et sensibilisé très tôt à la captation des images par son père et son Mamiya argentique à l’occasion d’évènements familiaux et moments sabbatiques. « Je me souviens tout particulièrement de ses instructions à nous, acteurs de ses compositions, et de l’impatience sans cesse renouvelée de découvrir les tirages à la sortie du laboratoire, raconte-t-il. Il y a une quinzaine d’années, alors que je prenais en main mon premier appareil reflex, une insatiable appétence pour la photographie m’a envahi. J’ai alors voulu tout voir, connaître, savoir, maîtriser… l’histoire photographique, les techniques employées, les différents genres existants… » Passionné, il se lance dans cet apprentissage, se nourrissant avec avidité du travail de grands maîtres de la photographie. En parallèle, le jeune avocat enthousiaste, apprend son métier au sein du cabinet De Gaulle Fleurance. « Je découvrais les data rooms, due dil, SPA et autres closings et passais quelques longues soirées au cabinet. Il me fallait des soupapes, des échappatoires : certainement la photographie en faisait partie avec d’autres », reconnaît-il en précisant : « Il faut du courage et de l’audace dans ces deux disciplines exigeantes qui finalement présentent des points communs. Tant le métier d’avocat que celui de photographe requiert investissement, réflexion, idée, créativité, persévérance, perfectionnisme et ferveur. La remise en question est permanente ». Après une première exposition de photographies sur le vif fin 2022 au Select à Montparnasse, il prépare sa prochaine évasion. À suivre…