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Une nouvelle version des lignes directrices de l’IBA relatives aux conflits d’intérêts

Par LA LETTRE DES JURISTES D'AFFAIRES

Le Comité d’arbitrage de l’International Bar Association (IBA) a récemment publié une nouvelle version de ses lignes directrices sur les conflits d’intérêts dans l’arbitrage international1. Ce document de soft law, devenu un véritable pilier de l’arbitrage international, n’avait pas été révisé depuis 10 ans. Flore Poloni, associée au sein de l’équipe d’arbitrage international du bureau parisien du cabinet Signature Litigation, détaille les principales modifications apportées par cette révision.

Pourquoi ces lignes directrices sur les conflits d’intérêts en matière d’arbitrage connaissent-elles un tel succès ?

Les lignes directrices viennent fournir une norme internationale commune qui était indispensable pour tenter de dépasser des critères définis principalement par les juridictions nationales dans une matière où les perceptions sont par essence très influencées par le contexte culturel et donc différentes selon les pays dans lesquels les avocats et les arbitres exercent. Elles sont ainsi rapidement devenues un outil d’analyse incontournable, non seulement pour les arbitres qui souhaitent vérifier s’ils peuvent accepter un mandat ou non, mais également pour les conseils qui doivent monitorer la question des conflits d’intérêts de plus en plus près. Certaines juridictions nationales y ont même fait référence.

Elles opèrent en fixant des règles générales, puis prévoient ensuite une application pratique grâce à des exemples précis classés selon un système de listes rouge, orange et verte en fonction de la potentialité de l’existence d’un conflit d’intérêts.

Les contours de l’obligation de divulgation
des arbitres ont-ils changé ?

Si le contenu de l’obligation de divulgation incombant aux arbitres est clarifié sur certains points, notamment lorsqu’un arbitre fait face à des obstacles à son obligation de divulgation, découlant des règles du secret professionnel, celui-ci « ne devrait pas accepter la nomination, ou devrait démissionner » (règle générale 3(e)). Il est également précisé que le fait, pour un arbitre, de ne pas révéler certains faits ou circonstances, susceptibles de constituer un conflit d’intérêts, ne révèle pas, en tant que tel, l’existence d’un conflit (règle générale 3(g)).

Les parties ont de leur côté une obligation de renseignement puisque la règle générale 4(a) prévoit qu’« [u]ne partie est réputée avoir pris connaissance de tout fait ou circonstance, [susceptible de constituer un conflit d’intérêts pour un arbitre], qu’une enquête raisonnable aurait permis d’établir si elle avait été menée au début ou au cours de la procédure ».

La révision semble avoir surtout porté sur la liste orange, quelles sont les nouvelles situations auxquelles il faut dorénavant prêter attention ?

Cette nouvelle version des lignes directrices fait notamment entrer les relations au sein du tribunal arbitral dans la sphère des circonstances pouvant faire susciter des doutes quant à l’impartialité ou l’indépendance de l’arbitre. À cet égard, les paragraphes 3.2.12 et 3.2.13 de la liste orange ajoutent respectivement, la situation dans laquelle un arbitre et le conseil de l’une des parties exercent ensemble la fonction d’arbitre dans un autre arbitrage et la situation dans laquelle un arbitre et son/ses co-arbitre(s) exerce(nt) ensemble la fonction d’arbitre dans un autre arbitrage.

S’ajoutent encore des circonstances liant qualité d’arbitre et d’expert, puisque figure désormais au paragraphe 3.1.6 de la liste orange l’hypothèse où « [l]’arbitre agit, ou a agi […] en tant qu’expert pour l’une des parties ou l’une de ses filiales dans une affaire sans rapport avec celle-ci ». Une circonstance similaire, dans laquelle l’arbitre a été désigné comme expert par le conseil d’une partie, a également été ajoutée au paragraphe 3.2.9 de la liste orange. Le paragraphe 3.3.6 de la liste orange couvre, quant à lui, le cas où l’arbitre serait le conseil qui nomme un expert dans une procédure distincte.

Enfin, de manière sans doute plus anecdotique, est ajouté au paragraphe 3.2.10 de la liste orange le fait que l’arbitre a été désigné pour participer à des simulations de procès ou à la préparation d’audiences à plus de trois reprises par le même conseil ou le même cabinet d’avocats. Sont également visées au paragraphe 3.4.2 de la liste orange les situations émanant des réseaux sociaux dans lesquelles l’arbitre a publiquement défendu une position sur l’affaire. Le paragraphe 3.4.3 de la liste orange, prévoit quant à lui que l’arbitre devra, en fonction des circonstances, déclarer s’il occupe un poste de direction ou un poste décisionnel au sein de l’institution qui administre l’affaire ou de l’autorité de nomination et qu’il a, à ce titre, participé à des décisions relatives à l’arbitrage en cours. T