Renforcer l’intégrité publique dans le monde
À l’occasion du forum mondial de l’anti-corruption et de l’intégrité, qui s’est tenu à Paris les 26 et 27 mars derniers, la première édition des « Perspectives de l’OCDE sur la lutte contre la corruption et l’intégrité » a été publiée, qui analyse les performances des cadres d’intégrité des pays au regard de données des indicateurs d’intégrité publique définis par l’OCDE. Synthèse.
Cette première édition inaugure une nouvelle série de rapports biennaux qui suivront les performances des cadres d’intégrité mis en place par les pays de l’OCDE et qui analyseront les risques pesant sur l’intégrité. Ils ont pour objectif de nouveaux éclairages sur les performances actuelles des principaux volets des cadres d’intégrité mis en place par les pays, et suggèrent des axes d’amélioration. Ils montrent aussi dans quelle mesure les grands défis planétaires actuels, à savoir la transition écologique, l’intelligence artificielle, l’ingérence étrangère et la corruption dite « stratégique », vont soumettre les cadres nationaux d’intégrité et de lutte contre la corruption à des pressions accrues, en particulier là où ils sont les plus faibles.
Analyse globale
Selon le rapport, le taux moyen de mise en œuvre des cadres d’intégrité s’établit à 67 %, ce qui signifie qu’environ un tiers des actions n’ont pas été menées à bien. Les réglementations adoptées en ce qui concerne la gestion des risques et le contrôle interne sont généralement robustes dans les pays concernés, mais en pratique, seuls quelques membres de l’OCDE procèdent à des évaluations systématiques des risques. S’agissant de la prévention des conflits d’intérêts, ceux-ci n’ont mis en œuvre que 40 % des pratiques préconisées et dans ce domaine, les sanctions sont rarement appliquées en cas de manquement.
En moyenne, 61 % des critères normalisés sont traduits dans la législation des pays membres, mais seulement 44 % font l’objet d’une mise en œuvre effective. En conséquence, les cadres législatifs et réglementaires adoptés ne produisent pas tous les effets escomptés, ce qui entrave l’aptitude des pays à atténuer de façon efficace les risques de corruption. Le rapport reconnaît également que la mise en œuvre des cadres d’intégrité et de lutte contre la corruption n’est pas aisément mesurable : d’importantes lacunes sont relevées en ce qui concerne la collecte de données et d’éléments d’information et d’ailleurs, 60 % des pays de l’OCDE ne suivent pas la mise en œuvre de leurs stratégies d’intégrité et de lutte contre la corruption. Même si les indicateurs d’intégrité publique de l’OCDE visent à combler ce manque de données, le rapport rappelle l’importance de renforcer l’action de collecte de données qui est menée à l’échelon national. Il est également nécessaire de s’intéresser aux nouvelles sources de risques, comme ceux liés à la transition écologique, par exemple. Si les situations de risques traditionnelles sont désormais bien connues et intégrées (passation de marchés publics ou gestion des ressources humaines), il est toutefois désormais nécessaire d’ajuster ou de réajuster les politiques et pratiques adoptées dans les domaines du lobbying, des conflits d’intérêts et du financement de la vie politique en tenant compte des risques d’ingérence étrangère et de corruption stratégique dans les politiques d’intégrité et de lutte contre la corruption.
Les évolutions
Le lobbying est l’un des aspects les moins réglementés de l’intégrité publique dans la zone OCDE. Seulement la moitié des pays de l’OCDE ont mis en place les composantes élémentaires d’un système d’encadrement, alors qu’une faible transparence du lobbying accroît le risque qu’une influence indue s’exerce sur l’élaboration des politiques. Défini comme un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, le conflit d’intérêts fait l’objet d’une réglementation solide au sein des pays de l’OCDE, mais le rapport indique que l’application des règles et la surveillance du dépôt des déclarations d’intérêts pourraient être améliorées. Une vérification plus rigoureuse des déclarations d’intérêts et une amélioration des mécanismes de résolution des conflits protégeraient mieux l’élaboration des politiques et l’intérêt général. Globalement, le non-respect des règles relatives aux conflits d’intérêts est rarement sanctionné.
Alors que la plupart des pays de l’OCDE ignorent si les politiques mises en place atténuent les risques liés à la mobilité entre secteur public et secteur privé, le rapport note que les règles visant à assurer la transparence du financement de la vie politique apparaissent globalement inadaptées. Il pointe notamment le fait que les dons anonymes demeurent un problème dans beaucoup de pays. Nombre de partis politiques ne respectent pas les règles relatives à la transparence qui ont été conçues pour protéger les démocraties à l’intérieur des frontières nationales, mais n’ont pas évolué pour les mettre à l’abri de l’influence étrangère et des risques de corruption transfrontalière.
En matière de transparence de l’information publique, les pays de l’OCDE sont dotés de règles et d’institutions solides, mais les données ou informations relatives au respect de l’intégrité sont rarement publiées. Le rapport estime que le lobbying mensonger et les conflits d’intérêts pourraient faire obstacle à la réalisation de la transition écologique. En revanche, l’application rigoureuse de la législation en matière de lutte contre la corruption transnationale peut contribuer à la transition écologique.
Sur l’IA, l’enjeu est double, car si elle peut être un outil de lutte contre la fraude et la corruption nationale et transnationale, elle présente aussi des faiblesses et pourrait être utilisée pour faciliter certaines activités de corruption.
Par ailleurs, la résurgence des conflits à répercussion mondiale fait de l’ingérence étrangère une menace de taille, qui doit mobiliser l’attention des autorités nationales. Selon l’OCDE, il convient désormais de corréler plus étroitement ingérence étrangère et corruption. T
Lire le rapport global : https://www.oecd-ilibrary.org/sites/2755ec0c-fr/index.html?itemId=/content/publication/2755ec0c-fr
Les fiches détaillées des pays sont consultables sur le site de l’OCDE : https://www.oecd.org/publication/anti-corruption-and-integrity-outlook/2024/country-notes