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Plaider la cause des femmes

Par Anne Portmann

Jeudi 24 octobre 2024, à l’occasion du 19e Women’s Forum for the Economy and Society qui se tenait à la Maison de la Chimie, la vice-bâtonnière de Paris, Vanessa Bousardo, a lancé l’initiative « Bâtonnières du monde ». Ce collectif a vocation à rassembler les avocates qui exercent ou ont exercé des responsabilités au sein de leur barreau, avec pour objectif l’inclusion au sein de la société judiciaire et plus largement de la société civile.

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l est temps, a martelé Vanessa Bousardo dans son discours introductif, lors de la session plénière du Women’s Forum. Il est temps de nous structurer pour agir ensemble ». En tant que femme, en tant qu’avocate, en tant que pénaliste, et en tant que mère, elle dit avoir, comme ses consœurs, la capacité de dénouer les conflits en respectant la Justice. Évoquant ses illustres prédécesseures qui ont ouvert la voie au sein du barreau de Paris (Dominique de la Garanderie, Christiane Féral-Schuhl, Dominique Attias, Marie-Aimée Peyron, Nathalie Roret, Julie Couturier), elle a retracé les progrès accomplis en faveur des avocates : le remplacement des femmes enceintes et empêchées, le projet, en cours, de création d’une garderie destinée aux jeunes enfants des avocates, etc. « Les avocates ne devraient pas avoir à se battre pour être reconnues en tant que telles, peu importe leur lieu d’exercice » a-t-elle lancé. À l’heure où émergent de nouveaux outils qui vont bouleverser la façon d’exercer le métier d’avocat, elle alerte sur la vigilance de mise pour que ces outils n’amplifient pas encore davantage les inégalités et les discriminations.

C’est aussi le sens de son appel à la création du collectif « Bâtonnières du monde », qui a été entendu par plusieurs femmes ayant exercé des responsabilités au sein de leurs barreaux dans plusieurs pays. Car partout, et même au sein de nos civilisations occidentales, les avancées en matière de droits des femmes restent fragiles et sont sans cesse menacées ou remises en question. Se rassembler autour de la cause des femmes permettra de créer des opportunités, de promouvoir l’engagement et le leadership des femmes et de faire émerger des « role models » qui seront des exemples pour les jeunes filles.

Les femmes de justice

Ce discours introductif était suivi d’un débat sur les femmes et la justice, animé par le directeur juridique relations humaines France de L’Oréal, Ronan Nguyen-Van, qui rassemblait quelques-unes des premières signataires de l’appel. Vanessa Bousardo, bien sûr, mais aussi Sandrine Giroud, bâtonnière de Genève, Susana Ferrer Delgadillo, bâtonnière de Barcelone, Ouafya Sidhoum, du barreau d’Algérie, et Stephanie Boyce, première femme de couleur présidente de la Law Society of England and Wales. Vanessa Bousardo a répété qu’en dépit de la parité apparente entre hommes et femmes dans nos démocraties occidentales, les femmes étaient toujours moins rémunérées (30 % de moins que leurs confrères masculins au cours de leur carrière), toujours confrontées au plafond de verre et que la maternité restait un frein à leur carrière. Dès lors, beaucoup de femmes continuent à raccrocher la robe.

Sandrine Giroud, qui a rappelé qu’elle était seulement la 2e femme à la tête du barreau genevois en 129 ans d’existence, a de son côté évoqué les problèmes de harcèlement sexuel auxquels les femmes sont confrontées. Elle a indiqué que les programmes d’égalité et de mentorat déployés au sein du barreau de Genève ont fortement contribué à la compréhension, par les hommes, des problèmes rencontrés par leurs homologues féminines. Susana Ferrer Delgadillo a insisté sur l’importance pour les femmes avocates de jouer un rôle institutionnel, une position depuis laquelle elles peuvent mettre la lumière sur ce qu’elles vivent au quotidien. Le barreau de Barcelone, qui a également mis en place un programme d’égalité, dispense d’ailleurs des formations auprès des autres barreaux espagnols et auprès des entreprises sur ce thème. Stephanie Boyce, ancienne présidente de la Law Society anglaise et galloise, a souligné que la modestie de ses origines était également un élément important et que la société civile avait besoin de figures issues des minorités pour montrer la voie. « Lorsque nous mutualisons nos voix, elles sont plus puissantes pour promouvoir la diversité, l’inclusion et l’équité », a-t-elle estimé, constatant qu’au regard de la lenteur des progrès menés au Royaume-Uni, il faudrait environ 200 ans pour que la composition de la société judiciaire soit représentative de la société civile.

À l’issue de ce débat, les intervenantes se sont retrouvées pour la signature de l’appel commun, rédigé à la fois en français et en anglais, et se sont concertées sur les premières actions concrètes à mener. Il a été décidé que la priorité irait au ralliement au collectif d’autres femmes bâtonnières à travers le monde, les signataires ayant d’ores et déjà acté de l’organisation d’un rendez-vous annuel.