Paris se porte volontaire pour accueillir l’AMLA
Le 17 novembre dernier, à Bercy, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et notamment Laurence Boone, secrétaire d’État chargée de l’Europe, ont officiellement présenté la candidature de Paris pour accueillir la future Autorité européenne de lutte contre le blanchiment d’argent (AMLA), aux représentants des États membres, parlementaires européens et représentants de l’écosystème de la supervision financière. Détails.
À l’instar de Madrid, Francfort ou encore Bruxelles, Paris est officiellement l’une des neuf villes candidates à l’accueil de cette nouvelle autorité européenne et ses agents sur son territoire. Le paquet législatif portant sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCB-FT), publié le 21 juillet 2021 par la Commission européenne, prévoit en effet la création de l’AMLA pour renforcer l’approche européenne dans ce domaine. Elle disposera de pouvoirs de surveillance et de sanction, et veillera à la mise en œuvre harmonisée de la réglementation applicable en la matière.
Si la France dispose de l’un des dispositifs les plus robustes de l’Union européenne (UE) en termes de LCB-FT, sa candidature témoigne de sa volonté d’aller encore plus loin, à l’heure où les montants blanchis s’élèvent à un total d’environ 5 % du PIB mondial et où le sujet est plus que jamais d’actualité. « Le souvenir du Bataclan, la série d’attentats islamistes qui a éprouvé la France, l’actualité récente à l’étranger, avec toutes les attaques terroristes du Hamas contre Israël, montrent le caractère vital de la lutte contre le financement du terrorisme, a introduit Bruno Le Maire. Il en va de l’unité des nations, de l’autorité des États, ainsi que de la souveraineté et la sécurité de l’UE. Cet enjeu est en fait bien plus qu’une question de sécurité, c’est la question même de l’existence de l’UE, de son indépendance, de la défense de ses valeurs et de la démocratie ». Or, il n’y a pas de démocratie possible quand de l’argent nous échappe pour financer nos adversaires, en l’espèce le djihadisme, selon le ministre.
Trois immeubles sont proposés pour accueillir les futures équipes de l’AMLA. Si les tours Cœur Défense et Hekla sont situées à la Défense, le troisième, le futur immeuble Messager, se trouve quant à lui au cœur de Paris. « Nous sommes prêts à apporter une contribution budgétaire à la création de l’AMLA de 15 M€, pour soutenir son installation, couvrir une grande partie du bail, ainsi que des frais d’aménagement et d’installation, a indiqué Bruno Lemaire. Certes, ce geste va à l’encontre de nos contraintes budgétaires, surtout lorsque chaque euro compte, mais notre sécurité est au moins à ce prix ». Cette proposition a non seulement vocation à donner à l’AMLA la flexibilité et la modularité dont elle a besoin pour son installation, mais aussi à la rendre plus rapidement opérationnelle.
Un environnement adapté
aux exigences de l’AMLA
Attractive en matière de compétences et d’infrastructures, notre capitale a toutes ses chances, selon le ministre de l’Économie. « En matière de LCB-FT, le meilleur écosystème se trouve à Paris et c’est justement cet écosystème qui fera le succès de cette agence et sera le gage de sa crédibilité, a-t-il déclaré. Il existe une vraie complémentarité entre les différentes instances implantées dans notre capitale et je pense sincèrement qu’il serait une erreur de séparer la future AMLA de tout cet écosystème qui n’existe nulle part ailleurs en Europe ». Ses agents pourront en effet travailler en synergie avec l’Autorité européenne des marchés et services financiers (ESMA), ainsi qu’avec l’Autorité bancaire européenne (ABE), chargée de mettre en œuvre un ensemble de règles visant à réglementer et surveiller le secteur bancaire dans tous les pays de l’Union européenne. « Ces rapprochements permettront à la France d’avoir une grande influence sur la définition des normes internationales en matière de LCB-FT, d’accentuer la visibilité de l’AMLA, et de développer des synergies fonctionnelles et organisationnelles entre les deux institutions, notamment en matière de ressources humaines et de gestion des parcours professionnels », a ajouté Laurence Boone.
L’Autorité serait également installée dans la même ville que le Groupe d’action financière (GAFI), organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme fondé en 1989, qui a placé la France au premier rang en matière d’efficacité de LCB-FT, aux côtés du Royaume-Uni, en mai 2022. La secrétaire d’État chargée de l’Europe a expliqué : « Concrètement, en dehors des réunions plénières, nous verrons des agents de l’AMF rencontrer ceux du GAFI, parler d’élaboration des recommandations, échanger des notes interprétatives, mais aussi sur les lignes directrices et les guides de bonnes pratiques. La présence à Paris de l’AMLA permettra aussi aux équipes d’assister de manière systématique à des réunions techniques, tout en engendrant des coûts environnementaux très faibles ».
Une harmonisation européenne difficile
La priorité doit surtout être la création d’une véritable communauté européenne de la LCB-FT, se traduisant par l’adoption d’une vision et réglementation commune à tous les pays membres de l’UE. Les institutions européennes sont encore marquées par le scandale de blanchiment à 200 Mds€ de Danske Bank au profit de ressortissants russes et de pays de l’ex-Union soviétique. Ce précédent danois et l’absence de remise en cause du superviseur national concerné ont montré les limites du dispositif européen actuel. « Notre niveau de surveillance dans le passé a parfois été trop fragmenté et défectueux, a confessé Bruno Le Maire. Nous avons besoin d’une approche résolument européenne et la création de cette nouvelle autorité en sera le signe tangible ».
Mais les réponses nationales ne seront pas suffisantes, si elles ne passent pas par plus de coopération, de coordination, d’intégration et de solidarité commune. « Toute la difficulté en Europe est d’arriver à faire en sorte que les renseignements circulent et que les procédures et actions soient coordonnées et complémentaires. Trop souvent, nous avons des procédures parallèles et des fonctionnements en silo, là où il faudrait une unité de vue et d’action », a jugé le ministre de l’Économie. La supervision doit donc être collective, intégrée et européenne, la coopération plus étroite entre les cellules de renseignement financier nationales et, enfin, la transposition des directives plus harmonisée. « Il est important que l’Union européenne adopte rapidement une régulation plus harmonisée pour renforcer son intégrité financière et mieux assurer la sécurité de nos concitoyens », a conclu Laurence Boone.