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Nestlé Waters signe une CJIPE avec le Parquet d’Épinal

Par K. Haeri

Le 2 septembre 2024, la société Nestlé Waters Supply Est a signé avec le procureur de la République d’Épinal une convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale (CJIPE), qui a été homologuée le 10 septembre dernier par le tribunal judiciaire d’Épinal. L’homologation de cet accord intervient au terme de plusieurs années de coopération de l’entreprise avec les autorités judiciaires et les services environnementaux et économiques de l’État. La société s’est ainsi engagée au paiement d’une amende d’intérêt public de 2 M€, à la réparation de l’impact écologique grâce à la mise en place d’un plan de renaturation et de restauration de zones humides chiffré à 1,1 M€, ainsi qu’à l’indemnisation des préjudices réclamés par les associations pour une somme totale de 516 800 €.

Kami Haeri et Yann Utzschneider, associés de White & Case, ont dirigé l’équipe d’avocats qui a accompagné l’entreprise durant ses négociations. Kami Haeri a accepté de retracer les grandes étapes du dossier à la LJA.

Sur quoi portaient les enquêtes qui viennent de donner lieu à cette CJIPE ?

Il s’agissait de deux enquêtes menées par le parquet d’Épinal. L’une sur un sujet environnemental et l’autre en matière de droit de la consommation. S’agissant du volet environnemental, il était reproché à la société Nestlé Waters Supply Est (NWSE) d’avoir exploité plusieurs forages sans être en mesure de réunir toute la documentation administrative afférente à l’exploitation, parfois centenaire. C’était un sujet principalement formel dans la mesure où l’administration avait été tenue informée en permanence des volumes puisés et les taxes afférentes avaient été scrupuleusement payées.

Sur le volet relevant du droit de la consommation, l’enquête portait sur des traitements non chimiques mis en place pour garantir en toute hypothèse un niveau maximal de sécurité alimentaire et qui, de ce fait, remettaient en cause l’appellation d’eau minérale « naturelle », étant précisé que ces barrières n’avaient en rien altéré les qualités minérales de l’eau. C’est la raison pour laquelle l’évocation par certains de risques en matière de santé ou encore d’une eau commercialisée qui serait équivalente à de l’eau du robinet n’avait pas de sens. C’est d’ailleurs la première qualité d’un tel accord : il illustre et ramène un dossier dans sa juste réalité.

Pourquoi recourir à une CJIPE ?

Le traitement de ces deux enquêtes portant sur une même activité minéralière de NWSE par une convention judiciaire d’intérêt public environnementale s’inscrit dans un mouvement déjà très remarqué en matière de justice négociée, et qui a été particulièrement encouragé en matière environnementale. Elle ressort d’abord de la circulaire du 11 mai 2021 sur la justice environnementale, qui a précédé de quelques mois l’ambitieuse loi Climat et Résilience du 22 août 2021 ayant elle-même renforcé le mécanisme de la CJIPE en prévoyant l’intervention de l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Quant à la circulaire du 9 octobre 2023, elle invite les parquets à envisager le recours à ce mécanisme qui permet d’apporter une solution accélérée à des procédures tout en proposant des mesures environnementales.

Les conditions étaient donc réunies en l’espèce : d’abord, NWSE avait elle-même révélé les faits poursuivis et avait pleinement coopéré avec les autorités judiciaires à chaque étape. Quant aux autorisations et traitements sur lesquels portaient les enquêtes, ils avaient fait l’objet d’une régularisation, parallèlement à un plan de transformation de l’activité de NWSE. Enfin, cette CJIPE était l’instrument adapté pour inclure un plan de remédiation environnemental très ambitieux sur le plan local.

Quels sont à cet égard les aspects
les plus importants dans cette CJIPE ?

Tout d’abord les engagements financiers acceptés par NWSE : 2 millions d’euros à titre d’amende et 1,1 million au titre du plan de remédiation environnementale, qui en font la plus importante CJIPE à ce jour. D’autre part, elle propose une indemnisation aux différentes associations locales et nationales engagées dans le processus de négociation. Mais son ambition réside selon nous dans la densité et la précision de son plan de remédiation environnemental qui a été le fruit d’un dialogue important avec le Parquet d’Épinal, avec l’appui de l’OFB, futur superviseur de ce plan. Contrairement à d’autres conventions qui ont pu renvoyer à des protocoles futurs, le programme de remédiation a été très structuré, et chiffré, en amont. La réponse apportée va donc au-delà d’un engagement financier et constitue une réponse dense ayant un impact local notable.

Comment se sont concrètement passées les négociations avec le Parquet d’Épinal ?

Il est toujours difficile de déterminer quand les négociations commencent en pareil cas. Il faut d’abord établir dialogue et confiance, et l’important niveau de coopération de NWSE a pu le permettre. Puis plus encore en matière de CJIPE, qui n’emporte pas reconnaissance de responsabilité, il fallait déterminer et formaliser les éléments factuels avec précision. Quant au plan environnemental établi dans la CJIPE, il a fait l’objet d’échanges très fournis afin que la réponse soit la plus utile possible, notamment sur le plan local. De manière générale, même si chacun reste dans son rôle, il faut saluer le dialogue, toujours valorisant, qui s’établit en matière de justice négociée avec le Parquet. T