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Naissance de la chambre arbitrale de la grande distribution

Par Anne Portmann

La chambre arbitrale de la grande distribution (CAGD), qui proposera des arbitrages et des médiations spécifiques à leur secteur aux différents acteurs de la grande distribution, vient de naître. Entretien avec son président, Hervé Delannoy, qui fut directeur juridique au sein des groupes Rallye/Casino et PPR.

Pourquoi avoir créé cette chambre arbitrale dédiée ?

L’idée est venue de mon expérience car tout au long de ma carrière dans la distribution, au sein notamment du groupe Rallye/Casino ou du groupe PPR, j’ai connu plusieurs procédures d’arbitrage et de plusieurs natures. J’ai été aussi souvent sollicité par des spécialistes de l’arbitrage sur des questions portant sur le fonctionnement spécifique du secteur de la distribution, par exemple sur la question des achats. Tant au sein des institutions d’arbitrage que pour les arbitrages ad hoc, il y avait de la demande pour connaître davantage les pratiques de terrain du secteur. Le besoin d’un lieu où se mélangent spécialistes de l’arbitrage et experts de la grande distribution me paraissait pertinent et à tenter et les acteurs du secteur ont paru d’ailleurs accueillir l’idée avec enthousiasme et intérêt.

Concrètement, comment cela
s’est mis en place ?

Cela s’est concrétisé par la volonté de mettre en place une institution dédiée à l’arbitrage et à la médiation pour le secteur de la grande distribution au sens le plus large, la chambre arbitrale de la grande distribution (CAGD). Nous avons signé ensuite un partenariat exclusif avec la Chambre arbitrale internationale de Paris (CAIP) présidée par Baudouin Delforge – l’un des plus anciens centres d’arbitrage et de médiation français en activité, qui à l’origine, traitait du règlement des différends dans le secteur céréalier, qui présente des points communs intéressants avec celui de la grande distribution. La CAIP, sous le contrôle de son président et de son secrétaire général Arnau Puig, nous aidera en mettant à la disposition de la CAGD son expérience et son savoir-faire en matière d’administration et de suivi des arbitrages, en organisant techniquement la juridiction. Elle fournira ainsi les locaux et les fonctions support, tandis que nous élaborons les règlements et les listes de personnes auxquelles les parties pourront avoir recours tant en arbitrage qu’en médiation. L’idée est que les parties aient aussi à leur disposition un choix large d’arbitres et de médiateurs. Une commission de la CAGD où siégeront des représentants de la CAIP suivra l’organisation de ces arbitrages et médiations si besoin.

Comment postuler pour figurer
sur les listes en tant qu’arbitre
et /ou médiateur ?

La demande est soumise au conseil d’administration de la CAGD, pour le moment composé de moi-même comme président, de deux vice-présidents, Muriel Chagny, professeur de droit à l’université Versailles Saint Quentin-en-Yvelines (Paris-Saclay), et Franck Tassan, arbitre et ancien directeur juridique, d’un trésorier, Daniel Diot, secrétaire général de l’ILEC et d’un secrétaire, Jean-Louis Fourgoux, avocat au cabinet Mermoz. Le conseil sera complété prochainement, notamment par d’autres représentants des distributeurs et des fournisseurs, mais aussi de représentants du secteur de l’immobilier, important dans la distribution, et du numérique. C’est le conseil de la CAGD qui sélectionnera les arbitres et les médiateurs. Les personnes qui auront les compétences pour être sur les deux listes pourront le faire, mais il y aura deux listes distinctes, l’une d’arbitres et l’autre de médiateurs.

Vous souhaitez développer
la médiation ?

Oui, c’est un axe de développement très important pour nous car le secteur s’y prête. La médiation est une solution favorable pour les relations de long terme, ce qui est particulièrement adapté à la distribution où les relations entre acteurs sont souvent incontournables. C’est une solution qui est davantage orientée vers les préoccupations des parties que vers l’application pure et simple du droit, tout en le respectant bien entendu, et ce contrairement à une décision judiciaire ou une sentence arbitrale qui pourra trancher sans satisfaire l’une ou même toutes les parties et laissera des séquelles dans des relations qui doivent pourtant se poursuivre. Nous allons travailler pour cela avec l’aide de Juliette Desvaux, avocate parisienne qui est aussi médiatrice.

Quand est-ce que la juridiction commencera
à fonctionner concrètement ?

Pour le moment, nous sommes en train d’élaborer les règlements d’arbitrage et de médiation, qui reprennent des règles de fonctionnement classiques, avec quelques spécificités propres à notre chambre et son organisation. Ils seront prêts à la rentrée de septembre, ainsi que les modèles de clauses compromissoires qui pourront donner compétence à la CAGD en cas de différend. Les listes d’arbitres et de médiateurs seront également prêtes. Mais les parties qui sont d’accord peuvent déjà nous saisir par compromis. Les premières audiences pourraient se tenir dès le début de l’année 2025 et même avant. Les frais dépendront du nombre d’arbitres (arbitre unique ou plusieurs arbitres) et du montant du litige, ce qui peut donner à titre d’exemple 25 k€ pour un litige de moins de 500 k€ à arbitre unique à 180 k€ pour un litige de 2,5 à 5 M€ avec trois arbitres. 

H. Delannoy

« La médiation est une solution favorable pour les relations de long terme, ce qui est particulièrement adapté à la distribution où les relations entre acteurs sont souvent incontournables. »