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L’inévitable digitalisation de l’organisation des assemblées générales

Par Ondine Delaunay

Wolters Kluwer vient de rendre public son rapport sur l’organisation et la digitalisation des assemblées générales. Après avoir interrogé plus de 130 organisations en France sur les AG tenues en 2024, le travail permet de mettre en lumière les rôles des juristes impliqués dans cette organisation et l’impact croissant des outils et solutions digitales utilisés. Quelque 54 % des répondants disent en effet souffrir de process manuels et fastidieux dans l’organisation. 

Alors que les périodes de confinement ont laissé des stigmates au sein des entreprises, il faut reconnaître qu’elles ont tout de même entraîné certaines avancées majeures et notamment en matière d’organisation des assemblées générales. Le 17 mars 2020, les Français se trouvaient cloîtrés chez eux, à quelques semaines des fameux rendez-vous annuels d’approbation des comptes des entreprises, qui ont généralement lieu entre avril et juin. Alerté par l’Autorité des marchés financiers qui réclamait la mise en place d’un cadre réglementaire dérogatoire, le gouvernement avait publié l’ordonnance n°2020-321 visant à mettre en place des mesures d’exception en matière de réunion et de délibération des assemblées générales des sociétés. L’étude de Wolters Kluwer révèle qu’à cette époque, le niveau de digitalisation des assemblées générales était particulièrement faible au sein des entreprises (échanges par e-mail, partage de documents en ligne). Quelque 64 % des répondants évoquent un niveau faible ou moyen, tandis que 29 % déclarent une absence totale de numérisation.

Mais l’adaptation a été considérable en trois ans. L’étude sur les assemblées générales menées en 2024 témoigne d’une augmentation importante des niveaux de digitalisation. Des moyens comme la signature électronique et la visioconférence sont désormais utilisés dans 40 % des cas. Et 13 % des groupes assurent avoir atteint un niveau fort de digitalisation de leurs assemblées générales. Les associations et les syndicats se positionnent parmi les mieux dotés, tandis que le secteur de la banque/finance semble encore avoir la plus grande marge de progression.

Une accélération du changement

L’avenir s’annonce encore meilleur. Environ 60 % des participants envisagent une forte digitalisation, avec des solutions complètes de dématérialisation. La transformation des pratiques va donc s’accélérer. « Elle est motivée par des attentes croissantes en matière d’efficacité et de modernisation », indique le rapport.

Il révèle en effet que les responsables de l’organisation des assemblées générales pointent des processus manuels fastidieux et répétitifs (54 %) ainsi que des contraintes de temps (47 %). D’autant que l’essentiel des tâches est actuellement confié à l’équipe juridique ou au secrétariat général. Il est à ce propos intéressant de noter qu’en 2023, la majorité des répondants à l’enquête de Wolters Kluwer citait le directeur juridique ou le secrétaire général comme la personne en charge de cette instance. En 2024, ce rôle revient majoritairement aux juristes, le directeur juridique et le secrétaire général se partageant la seconde place à parts égales (20 %). L’organisation de ces AG est aujourd’hui considérée comme une tâche assez administrative, que le directeur de service peut déléguer à ses opérationnels. La LJA a d’ailleurs récemment interviewé un secrétaire général d’un grand groupe qui reconnaissait que ce n’était pas la partie la plus intéressante de son métier.

Dans ce cadre, l’enquête révèle des attentes croissantes en matière de modernisation et d’efficacité. Or la technologie commence tout juste à être prise en main au sein des groupes. Les outils digitaux les plus utilisés restent les e-mails (85 %), les plateformes de visioconférence comme Microsoft Teams ou Zoom (56 %) et des drives en ligne (36 %) pour le partage de documents. Les enquêteurs révèlent également que les outils plus spécifiques, comme la dématérialisation des courriers postaux (12 %) et le vote en ligne (22 %) sont toujours en voie de développement, tout comme l’usage de templates d’e-mails et documents juridiques (28 %).

L’examen des modes de convocation des assemblées est à ce titre assez éloquent. Les répondants témoignent de leur préférence pour un mode de communication rapide et dématérialisé lorsque les statuts de l’entité le permettent. Mais 40 % des répondants révèlent tout de même continuer à passer par courrier recommandé avec accusé de réception pour convoquer les participants, tandis que le courrier simple est choisi par 30 % des répondants. Pour les enquêteurs, « ces résultats montrent une transition claire vers des pratiques numériques, tout en conservant des options plus formelles pour répondre à certaines exigences réglementaires ou organisationnelles ».

Des freins psychologiques persistants

Si les attentes vont croissant, les solutions ne doivent pour autant pas être totalement disruptives. Car les produits les plus avancés technologiquement, telles que celles servant à la gestion documentaire (10 %), le calcul automatisé du quorum (10 %) ou l’intégration de l’intelligence artificielle (3 %) ne convainquent pas encore et demeurent peu exploitées. « Seules 4 % des organisations utilisent une solution complète de dématérialisation des assemblées générales, et représentent en grande majorité des associations ou syndicats – secteur semblant le plus avancé dans l’adoption de telles plateformes », révèle l’étude. Les entreprises font valoir différents freins, notamment le manque de maturité en termes de taille, de moyens ou de besoins de leur organisation (43 %) et bien sûr le déficit de budget (32 %). T