L’évolution du rôle des juristes dans la French Tech
En partenariat avec le FLIT Network, qui rassemble plus de 750 juristes dans la tech, ainsi que Fed Legal et AndCo Law, Tomorro, le logiciel de gestion de contrats en entreprises fait un état des lieux du rôle du juriste de la tech à travers la 5e édition de son étude. Celle-ci explore les évolutions majeures de la profession : leadership stratégique, digitalisation et adoption massive de l’intelligence artificielle. Audrey Déléris, manager exécutif chez Fed Legal et cofondatrice de FLIT, en détaille les grandes lignes.
L’étude Tomorro met en évidence un rôle de plus en plus stratégique des juristes au sein des entreprises. Comment cette évolution se traduit-elle concrètement dans le quotidien des juristes de la French Tech ?
Aujourd’hui, les juristes sont de plus en plus impliqués en amont des processus décisionnels, notamment au sein des comités de direction. Ils jouent un rôle clé dans la restructuration du business. Leur intervention s’étend bien au-delà des tâches purement juridiques pour inclure des fonctions stratégiques. Par exemple, ils participent activement à l’élaboration des projets, en veillant à la faisabilité juridique, à la conformité réglementaire, et même à la gestion des risques liés à l’innovation. Dans ce contexte, les juristes ont un rôle de chef de projet, avec une dimension de pilotage qui dépasse leur simple rôle de conseiller juridique.
Quelles sont les nouvelles attentes des entreprises vis-à-vis des juristes en matière de flexibilité et d’adaptabilité, particulièrement dans un environnement économique et technologique en constante évolution ?
Les entreprises, notamment les start-ups, attendent des juristes qu’ils soient extrêmement flexibles et capables de s’adapter rapidement à de nouveaux environnements. Les juristes doivent accompagner les changements majeurs de l’entreprise, que ce soit d’un point de vue business ou structurel. Ils ne sont plus seulement responsables de la conformité juridique, mais aussi des partenaires stratégiques, impliqués dès la conception des produits ou des services.
Notre étude montre d’ailleurs un grand retour des contrats et des NTIC comme compétences exigées pour les juristes de la tech. Le corporate n’est plus sur le podium en raison notamment du ralentissement des levées de fonds depuis 2023.
Quels sont, selon vous, les grands défis à venir pour les juristes de la French Tech ?
Les enjeux à venir sont multiples, notamment en matière de réglementation et d’éthique. L’introduction de nouvelles technologies, comme la blockchain ou l’intelligence artificielle, nécessite une veille constante pour anticiper les évolutions réglementaires. D’ailleurs, selon l’étude Tomorro, plus de 70 % des juristes utilisent l’IA au quotidien, révolutionnant leurs pratiques et leur approche des enjeux juridiques et opérationnels mais aussi améliorent leur quotidien sur des tâches à moindre valeur ajoutée.
Le rôle du juriste est de trouver un équilibre entre l’innovation technologique et la responsabilité éthique. Les juristes doivent être curieux, ouverts et constamment à jour sur les dernières évolutions législatives et technologiques. Ils doivent aussi être capables de jongler entre la transparence, la protection des données et la prise de décision stratégique.
Comment anticipez-vous l’évolution de la profession juridique dans le secteur technologique à moyen et long terme ?
À moyen et long terme, la profession juridique dans la tech va continuer d’évoluer vers une approche plus intégrée et multidisciplinaire. Les juristes doivent continuer à développer des compétences en droit des contrats, en IT, et en technologies émergentes comme la blockchain et l’intelligence artificielle. Au-delà des compétences techniques, on attend du juriste qu’il sache accompagner au mieux le business, en étant proactif, en allant au-devant des sujets même non juridiques. Le juriste, et pas uniquement dans la tech, doit avoir une approche solution sans dire « non » mais plutôt « oui, et voilà comment nous allons faire ».
Les juristes de la tech doivent se former en continu, notamment grâce aux formations que nous proposons pour les membres du FLIT Network, et se familiariser avec des domaines extérieurs à leur spécialité pour comprendre les enjeux globaux de l’entreprise. Il est important de rester adaptable, curieux et ouvert aux nouvelles technologies, tout en demeurant ancré dans les aspects fondamentaux du droit.
Croyez-vous que l’IA pourra remplacer certaines fonctions juridiques, ou est-ce plutôt un moyen de libérer du temps pour des tâches à plus forte valeur ajoutée ?
L’IA offre indéniablement de nombreuses opportunités pour le secteur juridique, en permettant non seulement de simplifier certaines fonctions, mais aussi de libérer du temps pour des tâches à plus forte valeur ajoutée. Une autre dimension importante de l’IA est sa capacité à préserver et à transmettre le savoir au sein de l’entreprise. Dans un contexte où un départ peut entraîner la perte d’expertise, l’IA permet de structurer et de conserver ce savoir en interne, facilitant ainsi la continuité du travail et la formation des nouveaux collaborateurs.
L’IA peut également être utilisée pour automatiser la rédaction de clauses contractuelles ou encore pour analyser rapidement des volumes de documents juridiques. Elle permet aux juristes de se concentrer sur des tâches plus stratégiques comme le conseil, la négociation ou l’élaboration de solutions créatives. Il faut comprendre l’IA comme un allié du juriste et non comme un ennemi !