Les juristes d’entreprise satisfaits de leur travail et positifs sur le recours à l’IA
À l’occasion des débats du Cercle Montesquieu qui ont eu lieu le 4 juin 2024, Oxygen + a dévoilé son désormais traditionnel baromètre national de la satisfaction des juristes d’entreprise, avec, cette année, un focus consacré à l’intelligence artificielle.
«La chasse au bonheur est ouverte tous les matins ». Cette citation de Stendhal résonne parfaitement bien dans le monde des juristes contemporain. Selon l’enquête menée par Oxygen+ en partenariat avec l’AFJE et le Cercle Montesquieu, s’appuyant sur un échantillon de 464 répondants, les juristes d’entreprise sont cette année 79 % à être globalement satisfaits de leur situation professionnelle. Un taux identique à celui de 2021 et qui demeure très élevé, même s’il est en légère inflexion par rapport à 2023 (82 %) et 2022 (81 %). On notera que 8 juristes sur 10 sont satisfaits de l’ambiance de travail au sein de leur service, soit un point de moins que l’an passé.
Mais la progression est très importante en ce qui concerne le rapport présentiel/télétravail. Les juristes interrogés sont satisfaits à 85 %, un taux inédit, en progression de 14 points par rapport à 2021. Les entreprises ont en effet mis en place une certaine latitude, dans les faits, dans les jours de présence obligatoire dans les locaux. Et aujourd’hui, toutes les générations de travailleurs semblent avoir trouvé leur compte dans ce partage du temps entre exercice à la maison et au bureau. Cette « nouvelle » organisation de travail ne retire cependant rien à la charge mentale qui pèse sur les juristes. Le taux de ceux d’entre eux qui considèrent qu’elle est importante a ainsi augmenté de 4 points par rapport à l’année dernière. Près d’un tiers des juristes interrogés dit être en surmenage, ce qui représente une hausse de 4 points en 3 ans.
L’enquête révèle par ailleurs que les juristes sont plus sceptiques quant à la reconnaissance et à la valorisation de leur travail en interne. Alors qu’en 2023, presque 72 % d’entre eux avaient le sentiment d’être reconnus, ils ne sont plus que 69 % à le penser cette année.
Comme toute population dans les entreprises, les juristes ne sont pas exempts de subir des agissements de harcèlement et de discrimination. Si seulement 8,7 % des juristes – sans qu’une différence n’ait été faite par les enquêteurs selon le genre – indique avoir vécu des faits de harcèlement sexuel dans sa carrière, ce qui est un score étonnamment bas dont il faut se réjouir, 43,48 % des répondants dénoncent en revanche avoir subi du harcèlement moral. Et un peu plus d’un quart ont aussi été confrontés à de la discrimination (28,07 %). « Le harcèlement sexuel ou moral ainsi que la discrimination sont des réalités au sein des directions juridiques. Cette enquête est un appel à agir pour améliorer la situation ! » juge Stéphane Lefer, avocat fondateur d’Oxygen+.
S’agissant de la rémunération, le baromètre ne fait état d’aucune variation majeure par rapport aux années précédentes, puisqu’un peu plus de la moitié (53 %) des personnes interrogées en sont satisfaites. Les perspectives d’évolution sont en revanche perçues de manière plus négative puisque, globalement, 62 % considèrent n’avoir, à leur poste actuel, aucune perspective d’évolution. Le taux a baissé de 4 points par rapport à l’année dernière. Faut-il croire que les pyramides d’évolution de carrière des équipes juridiques sont bloquées ? Les directions des ressources humaines mettent-elles en place suffisamment de passerelles entre services, permettant aux juristes de découvrir de nouveaux métiers pour imaginer d’éventuellement se reconvertir ? Alors que le droit irrigue de plus en plus les différents services de l’entreprise, pourquoi ne pas encourager les transferts de compétences ?
L’IA, une aide au juriste
Interrogés sur l’impact de l’intelligence artificielle sur leur métier, 78 % des juristes d’entreprise indiquent ne pas craindre de perdre leur emploi. Ces derniers sont plutôt enclins à utiliser l’IA générative dans un cadre professionnel. Quelque 50 % d’entre eux ont ainsi déjà utilisé ChatGPT, ce qui est plus que le taux d’utilisation de l’outil toutes professions confondues, qui oscille entre 17 et 22 %. Quelque 20 % d’entre eux ont même déjà eu recours à un outil d’IA dédié aux métiers du droit. La grande majorité des juristes – 9 sur 10 pour l’IA générative en général, et 8 sur 10 pour l’IA générative dédiée au droit – sont positifs ou très positifs quant à leur expérience avec ces outils.
Les juristes considèrent davantage l’IA comme une aide et estiment, à 81 %, que l’IA va permettre à la direction juridique de mieux accomplir ses missions. Ils sont même 80 % à juger que ces outils vont véritablement avoir des retombées positives sur leur travail individuel. Ils sont tout aussi enthousiastes sur les outils numériques hors IA puisque près de 75 % considèrent qu’ils auront également un impact positif. Les juristes, conscients de ce que l’IA va engendrer un changement de leur façon de travailler (plus de 87 %), sont ainsi davantage enthousiastes qu’inquiets à ce sujet, un très grand nombre considérant que l’IA sera un vecteur d’opportunités (66,77 %). T
La rédaction
Réf. : Baromètre national de la satisfaction des juristes d’entreprise, juin 2024, Oxygen +
www.oxygenplus.fr/le-barom%C3%A8tre
Pour commenter les résultats du baromètre, le Cercle Montesquieu avait convié le philosophe André Comte-Sponville, qui a d’abord résumé les résultats en lançant : « Globalement les juristes d’entreprise sont contents de ce qu’ils ont mais ils râlent un peu sur les détails, ce qui est typiquement français ». L’orateur s’est ensuite interrogé sur les leviers à mettre en œuvre pour favoriser le bien-être au travail. « En tant que directeur juridique, votre métier est difficile car il consiste à faire travailler les autres. Or tout le monde préférerait ne pas travailler, a-t-il expliqué. Pour la quasi-totalité des juristes, leur travail n’est pas une vocation ou un plaisir, c’est d’abord une contrainte ». Il a ensuite écarté l’attrait pour l’argent, qui serait une motivation insuffisante. Pour le philosophe, les juristes viennent travailler pour chercher un certain bonheur au travail. « En tant que managers, vous devez d’abord rendre vos juristes heureux et trouver les moyens pour qu’ils se réjouissent d’exercer dans votre entreprise et dans votre équipe », a-t-il conclu en énumérant certaines propositions : de meilleures conditions de travail, de la convivialité dans l’équipe, un sentiment de plus grande utilité sociale, du respect et de la reconnaissance.