Les avocats et juristes rassurés face à l’utilisation de l’IA générative
Attendu chaque année, le sondage Opinionway pour Lamy Liaisons sur les évolutions des professions d’avocats et juristes d’entreprises a été révélé, jeudi 17 octobre 2024, lors d’une matinée organisée à la Maison de la Boétie.
L’enquête réalisée par Opinionway pour Lamy Liaisons a été réalisée sur un échantillon de 173 avocats et 85 juristes d’entreprises. Les interviews se sont déroulées entre le 15 août et le 13 septembre 2024. Les résultats révèlent une satisfaction globale assez élevée des professionnels. Les avocats l’évaluent à 6,9 sur 10 et les juristes à 7 sur 10.
Ils sont même assez positifs sur l’avenir. Même si les avocats sont 85 % à juger préoccupante l’évolution de la justice et que 70 % estiment que l’attractivité de la profession pour les jeunes générations est un défi à relever, ils sont tout de même 66 % à être confiants pour le futur de leur propre situation. Une statistique qui est d’ailleurs en amélioration par rapport à celle mise en lumière par le sondage de 2022 selon laquelle 92 % des avocats se disaient préoccupés par l’évolution de la justice en France. Mais cette inquiétude était sans doute à relativiser face au contexte post-covid pour le moins anxiogène.
Cette confiance dans l’avenir est même encore plus marquée chez les juristes d’entreprises (73 %). Ceux-ci sont 86 % à recommander leur métier à un étudiant (contre 57 % pour les avocats).
Le sondage révèle cependant une déception des juristes quant à la considération de leur tâche au sein de leur entreprise. Seuls 40 % d’entre eux estiment être reconnu à la hauteur de leur contribution à la bonne marche de la société dans laquelle ils exercent. Des données qui sont dans la lignée d’une analyse déjà menée il y a quelques semaines dans les pages de la LJA1 où il était fait état des difficultés des directions juridiques à démontrer leur valeur pour l’entreprise. C’est tout l’enjeu de la mise en place de KPI pour prouver l’impact du service juridique sur l’atténuation des risques.
Côté avocats, le constat n’est pas très réjouissant. Ils ne sont que 32 % à estimer que le métier est reconnu à sa juste valeur s’agissant de sa contribution à la bonne marche de la société et de l’économie. Et en la matière, les KPI semblent plus compliqués à établir…
L’IA s’ancre dans les usages des professionnels
Alors qu’en 2023, 98 % des avocats et des juristes avaient déjà entendu parler d’IA générative, les professionnels sont cette année passés à la pratique alors même qu’ils ne sont que 16 % à avoir été formés à son utilisation. Quelque 48 % des robes noires l’utilisent régulièrement (c’est-à-dire au moins une fois par mois) et 62 % des juristes. Les avocats l’utilisent d’abord pour traduire des documents de fonds doctrinaux ou de la documentation officielle, tandis que les professionnels du droit en entreprise ont recours à l’outil comme d’une assistance à la rédaction.
Bien sûr personne n’oublie les risques tels que le manque de fiabilité et l’erreur, mais les craintes des professionnels semblent un peu plus faibles. Elles ont respectivement baissé de 5 et 4 points sur ces deux travers par rapport à l’enquête de 2023. L’IA générative semble ainsi plus fiable et pour deux tiers des répondants, les risques pourraient même être limités par la mention et la qualité des sources utilisées. Les juristes verraient également la présence d’une autorité de référence comme un facteur de confiance.
Le recours à l’IA générative ne semble pas non plus poser de problème aux deux professions sur le plan éthique (61 %). Elle est même considérée comme une opportunité pour les métiers pour 7 répondants sur 10 (vs. 67 % en 2023).
Paradoxalement, l’usage de l’IA n’apparaît pas totalement assumé… Seul un quart des juristes estiment qu’il est important pour un cabinet d’avocat d’utiliser l’IA générative. Et 7 avocats sur 10 ne sont pas enclins à communiquer sur un tel usage.
Les critères ESG en cours d’adoption
par les professionnels du droit
CSRD, CS3D… Les acronymes des directives européennes s’amoncellent sur le sujet et donnent des sueurs froides aux entreprises. C’est donc sans surprise que 85 % des juristes connaissent les critères ESG, même si 33 % ne seraient pas capable de les décrire précisément. Quelque 45 % des juristes ont tout de même déjà conseillé leur entreprise sur des questions liées à ces critères, principalement s’agissant de la gouvernance (66 %) et de la conformité environnementale (45 %). Les avocats, eux, ne sont que 25 % à avoir conseillé leurs clients en la matière. Il faut dire que les spécialistes demeurent rares sur ce sujet. Ce qui s’explique sans doute par une volonté des directions juridiques d’internaliser au maximum le traitement de ces problématiques. Et même si les formations en matière ESG demeurent encore rares (seuls 15 % des juristes ont été formés et 9 % des avocats), 65 % des professionnels du droit (et notamment 78 % des juristes) considèrent que la conformité aux critères ESG a pour avantage principal d’améliorer la réputation de l’entreprise.
Ondine Delaunay
Notes
(1) Cartographie des services juridiques 2024, in LJA n° 1650