Le legal ops, facilitateur juridique
Assas Future of Law, l’association des étudiants et des anciens étudiants du DU transformation numérique du droit et legaltech de Panthéon Assas université a organisé, le 26 septembre 2024, la première rencontre en France des legal ops et de leurs conseils. L’occasion de faire le point sur cette profession qui émerge dans l’hexagone.
Protéiforme, le métier de legal ops l’est assurément. Et selon Bruno Deffains et Stéphane Baller, co-directeurs du DU transformation numérique du droit et legaltech, qui, à la fin de cette journée, remettaient leur diplôme aux étudiants de la promotion 2023/2024, il est devenu indispensable au sein des entreprises et des cabinets.
Faire du droit différemment
Une première session plénière rassemblait des legal ops qui exercent au sein de différentes organisations. Les débats ont débuté sur le terme de « legal ops » qui n’est, selon les intervenants, pas suffisamment clair pour les entreprises françaises. Delphine Bordier, legal ops externe, qui effectue des prestations tant au sein d’entreprises qu’au sein de cabinets d’avocats, a même parlé d’un problème de définition de la fonction. Certains considèrent en effet ce professionnel comme un chef de projet, d’autres ont tendance à voir cette fonction sur le long terme et à employer un legal ops pour structurer un service, ce qui peut également entrer dans ses attributions. Audrey Deléris, manager chez Fed Légal et modératrice du débat, a même observé qu’une certaine confusion existe entre legal ops et paralegal. En somme, tout dépend de la place que lui réserve l’entreprise. Aurélie Morin, legal ops manager au sein du groupe La Poste, a indiqué qu’au sein de sa société, le legal ops est d’abord perçu comme un facilitateur, qui permet aux juristes de revoir leur manière de travailler et d’impulser une meilleure coopération des équipes
Pour exercer cette profession, plusieurs qualités sont nécessaires. Delphine Bordier a d’abord cité la curiosité intellectuelle, Aurélie Morin la souplesse et l’agilité. Puis Muriel Dossi Gbegnito, ancienne élève du DU et legal ops au sein du cabinet d’avocats CMS Francis Lefebvre, a mis en avant la curiosité, l’agilité et le goût de la pluridisciplinarité précisant que, dans un cabinet d’avocats, le legal ops s’apparente davantage à un consultant interne.
Le panel a ensuite évoqué ses tâches. « Il peut identifier les points de friction et les résoudre » a-t-il été lancé dans la salle. Charline Mainguet, legal ops au sein de Gino Legaltech, a poursuivi en expliquant que le legal ops permet de placer le juriste au cœur des projets des entreprises, en l’intégrant à la stratégie et en promouvant son rôle au sein de la société. Pour Delphine Bordier, tous les services juridiques ont besoin d’un legal ops et ils ne doivent pas attendre d’avoir atteint une taille critique pour s’en doter. « Il faut se sortir de la tête que seules les grandes entreprises sont concernées », a-t-elle insisté. Charline Mainguet partageait cet avis et a ajouté que la fonction apprend « à faire du droit autrement ». En permettant aux directions juridiques d’être plus performantes et productives, le legal ops serait donc promis à un grand avenir.
Quel marché pour les legal ops ?
Après trois ateliers très pratiques, consacrés à la feuille de route stratégique de la DJ, à ses performances opérationnelles et à la gestion de projet digitale, la deuxième plénière de la journée a exploré le marché des legal ops. Elle rassemblait certaines des personnalités les plus au fait du sujet, dont Béatrice Corne, avocate en PI au sein de KPMG avocats. Celle qui a pris la tête du service legal operations transformation au sein de la société d’avocats du Big 4, a d’ailleurs rappelé que c’est son appétence pour l’innovation qui l’a conduite à ce poste. Elle avait préalablement été chargée de mettre en place l’audit d’une fonction juridique et la création d’une direction juridique au sein d’un établissement d’enseignement. Exposant la grande variété des tâches concrètes que peuvent accomplir les legal ops au sein d’une organisation, les autres intervenants ont ainsi égrené leurs expériences. Olivier Chaduteau, associé de PWC legal business solutions, a eu l’occasion de travailler sur la création d’une direction juridique unique après la fusion de deux entités. Yannick Chalmé, ancien directeur juridique et désormais managing director au sein de Deloitte legal management consulting, a expliqué comment il avait procédé à un benchmarking, entre différentes organisations du service juridique, pour choisir la plus adaptée aux objectifs stratégiques du client.
Tous s’accordent sur la pertinence de choisir les bon KPIs pour rendre palpable et compréhensible l’activité du service juridique auprès des autres services de l’entreprise. « Ils doivent être liés à la performance globale de l’entreprise et non à l’activité de la DJ » a souligné Olivier Chaduteau. Arthur Sauzé, à la tête des legal ops chez EY société d’avocats, considère par exemple que les directions juridiques n’ont pas encore intégré la dimension marché des sujets liés à l’ESG et ne se posent pas assez la question de savoir comment ils peuvent contribuer au développement durable de l’entreprise. Ils doivent s’emparer de sujets émergents, tels que celui-ci, ou encore de l’IA. C’est le legal ops qui doit leur donner ce déclic, pour enfin, permettre à la direction juridique de faire sa promotion interne et « sortir le droit de la direction juridique ». T