La justice prud’homale une nouvelle fois épinglée
La Cour des comptes a publié, la semaine dernière, un rapport sur les conseils de prud’hommes (CPH). Après avoir fait état des évolutions importantes de la juridiction au cours des dernières années, fortes d’une succession de réformes, elle a constaté les difficultés de gouvernance et la performance limitée de la justice du travail. Elle formule neuf recommandations nécessitant « l’action déterminée de l’ensemble des acteurs, au premier rang desquels la Direction des services judiciaires, la Direction des affaires civiles et du Sceau et les cours d’appel ».
L’analyse de la justice prud’homale par la Cour des comptes est assez cinglante. « Les CPH constituent un modèle de justice originale, rendue par les pairs à laquelle les partenaires sociaux sont attachés et qu’aucun rapport récent n’a envisagé de remettre en cause, écrit-elle. Pour autant, la qualité du service qu’ils rendent au justiciable n’est pas satisfaisante, pas plus que leur fonctionnement ». L’entrée en matière a le mérite de poser le problème sans ambages. Malgré les rapports et les successions de réformes législatives votées depuis 10 ans, la durée de traitement des dossiers ne cesse de croître. En 2021, elle atteignait en moyenne 16,3 mois sur les 211 CPH de France. Pour rappel, elle était de 9,9 mois en 2009. Une situation incompréhensible car le stock d’affaires nouvelles a été divisé par plus de deux durant la même période. « L’instauration de la rupture conventionnelle par la loi de 2008 portant modernisation du marché du travail est l’une des explications de
ex
plique Étienne Pujol, associé du cabinet Berrylaw.
Mais pourquoi cette diminution du stock n’a-t-elle pas eu pour effet d’accélérer le traitement des dossiers ? L’associé dénonce de fortes disparités entre les CPH. « À Paris, par exemple, un litige peut être réglé en près de neuf mois. Mais à Nanterre ou à Lyon, la situation est bien plus dégradée », constate-t-il. Le sous-staffing des greffes serait l’une des explications privilégiées, selon l’avocat. La Cour des comptes vise, de son côté, des difficultés organisationnelles « d’articulation entre l’activité des CPH et celles des tribunaux judiciaires et cours d’appel qui y contribuent ».
À cette situation désolante en première instance s’ajoute un délai de traitement de l’appel démesuré : il est en moyenne de 25 mois. La Cour des comptes pointe également du doigt le taux d’appel bien plus important que pour les autres contentieux civils : « Il est particulièrement élevé, de l’ordre de 60 % sur les jugements au fond ». Elle effectue une comparaison sommaire avec la justice commerciale qui paraît plus efficace, alors même que « le nombre de CPH (211) est beaucoup plus élevé que celui des tribunaux de commerce, comme celui des conseillers prud’hommes (14 512) qui est plus élevé que celui des juges consulaires ». Selon Étienne Pujol, « la principale différence entre les deux juridictions est que la justice consulaire est portée par des dirigeants d’entreprise, conscients de la nécessité de rendre une décision pratique et efficace dans un monde des affaires qui impose la célérité, tandis que la justice prud’homale est davantage dans une optique dogmatique de conciliation des intérêts entre représentants du personnel et de l’employeur ».
Une seule solution pour les sages du Palais Cambon : le ministère de la justice doit engager sans délai un plan de redressement des CPH. Neuf recommandations sont à ce titre formulées portant sur la formation des conseillers prud’homaux, le pilotage et le regroupement des juridictions.